La colère d'une psy
«Ça fait trois mois que j'attends qu'Assura me rembourse!»

Une psy lausannoise attend d'être remboursée par Assura depuis plus de 90 jours. Un assuré vaudois depuis un mois. La caisse maladie, déjà épinglée par des médecins neuchâtelois pour ses retards en octobre, invoque une surcharge «usuelle» de ses services en fin d'année.
Publié: 30.11.2022 à 16:45 heures
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Dernière mise à jour: 02.12.2022 à 10:40 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Arthur* est en colère. «Ça fait un mois que j’ai envoyé une facture d’environ 700 francs à Assura pour remboursement, amorce le jeune Vaudois. Je n’ai toujours rien reçu sur mon compte, ce n’est pas normal! Un membre de son personnel administratif m’a informé que le délai de traitement des dossiers était de 25 jours au minimum, et que ce sera le cas jusqu’à début 2023…»

Un horizon qui le fait déjà frissonner. Il suit une thérapie et ses frais médicaux oscillent chaque mois entre 650 et 750 francs. «Une fois que j’ai payé mon loyer, mes primes d’assurance maladie et le reste, j’ai moins de 1500 francs pour me nourrir, m’habiller, etc. Ces factures médicales sont des sommes importantes, qui pèsent lourd.»

Assura, l’une des trois plus grandes assurances maladie de Suisse, applique en général le principe du tiers garant. En d’autres termes, il incombe à la personne assurée de payer ses médicaments (pour ceux dont le prix ne dépasse pas 200 francs) ou sa visite chez le médecin avant d’en demander le remboursement. «Ce que je vais faire désormais, c’est que je vais envoyer la facture de mon thérapeute à Assura et la payer une fois que j’aurai reçu l’argent. Mais si Assura met plus de 30 jours pour me faire le versement, je vais devoir m’arranger avec mon psy, dont les factures sont payables sous… 30 jours!»

Paradoxalement, la situation semble s'être détendue du côté d'Assura: la Fédération suisse des patients reçoit actuellement moins de plaintes que l'été dernier concernant cette caisse maladie.
Photo: Keystone

«J’avais été avertie…»

Du côté de certains prestataires de soins, des problèmes similaires. Comme pour cette psychologue-psychothérapeute de la région lémanique, qui a également souhaité rester anonyme. «Avec Assura, je rencontre des soucis que je n’ai pas avec d’autres. Je travaille selon le principe du tiers payant, c’est-à-dire que j’envoie les factures de ma patientèle directement à l’assurance, qui refacture ensuite à la personne assurée, par exemple si sa franchise n’est pas atteinte. En l’espèce, j’ai envoyé une facture à Assura le 31 août et je n’ai toujours pas vu la couleur de cet argent, trois mois plus tard. C’est hallucinant! Heureusement que mon activité indépendante n’est pas ma source principale de revenus…» Elle n’est toutefois pas surprise: «J’avais été avertie que, chez Assura, il y a des retards.»

Que dit la loi? Il n'y a «pas de délai contraignant de remboursement pour les assureurs, répond Jean Tschopp, juriste et responsable du secteur conseil de la Fédération romande des consommateurs (FRC), contacté par Blick. Cependant, en règle générale, l’assureur maladie procède au remboursement dans les 30 jours après avoir reçu le décompte de la part de l'assuré (tiers garant) ou les factures de la part du prestataire (tiers payant). L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) opère des contrôles en demandant aux assureurs dont le délai moyen de remboursement excède les 30 jours d’optimiser les durées de remboursement et de verser les prestations dues aux assurés dans un délai raisonnable.»

Mi-octobre dans le canton de Neuchâtel, «Arcinfo» faisait état d’un «climat de tension» entre les médecins du canton horloger et l’entreprise basée à Pully (VD). Certains praticiens allant même jusqu’à refuser des personnes assurées par ladite compagnie. «Plus de 80% des problèmes administratifs rencontrés actuellement proviennent de cette caisse», confiait un généraliste au quotidien local. Dominique Bünzli, président de la Société neuchâteloise de médecine (SNM), déplorait alors une désorganisation administrative chez Assura. D’autres pointaient son retard en matière d’informatisation des remboursements.

Le Département cantonal de la santé était intervenu auprès de la société vaudoise. La SNM aussi. Dans les jours suivants, une rencontre avait été organisée début novembre entre cette dernière et la direction de la caisse, toujours selon «Arcinfo». Apparemment à la satisfaction des parties. Assura avait reconnu dans ce cadre «des délais de paiement supérieurs à sa pratique usuelle, en raison du renouvellement intégral de son infrastructure informatique et de ses processus de gestion de la relation client», selon la SNM. Assura — qui compte 1,1 million de clientes et clients — promettait que tout serait rentré dans l’ordre d’ici à la fin du mois de novembre.

«Notre délai moyen est de 18 jours»

Ce 30 novembre, ce n’est visiblement pas tout à fait le cas. Que se passe-t-il? «Je peux vous indiquer qu’actuellement, notre délai moyen de remboursement des factures de soins est de 18 jours, souligne d’entrée Karin Devalte, porte-parole d’Assura. Il s’agit d’un délai usuel en période de forte sollicitation de nos services (fin d'année).»

Dans son courrier électronique, la communicante concède toutefois qu’une «moyenne est constituée de délais plus courts (notamment lorsque nous disposons de toutes les informations pour établir le décompte de façon automatisée) et de délais plus longs (notamment lorsque nous attendons une information du client ou du fournisseur pour pouvoir traiter une facture ou que la facture nécessite un contrôle renforcé). Dans ce dernier cas, le délai peut en effet atteindre 25 jours.»

Le cas d’Arthur* n’entre cependant pas dans cette seconde catégorie et le Lausannois attend bien depuis plus de 25 jours, comme il a pu le démontrer à Blick, documents à l’appui. Quid? «Pour en savoir plus sur la situation spécifique d’un patient, il conviendrait que je dispose de son autorisation de consulter son dossier, coupe Karin Devalte. Concernant le paiement des thérapeutes (en tiers payant), toutes les factures d’août et de septembre ont été traitées. Il serait dès lors utile que nous connaissions le nom de la thérapeute qui vous a contacté afin d’éclaircir sa situation spécifique.»

En voie d’amélioration, selon la Fédération suisse des patients

La répondante presse souligne encore qu’Assura a pris des mesures pour «faciliter la communication avec les médecins [neuchâtelois] et alléger leurs démarches administratives». Elle rappelle aussi qu’il est illégal de «refuser un patient en raison de son affiliation à une caisse maladie donnée». Une affirmation que contestent certains médecins.

Baptiste Hurni, président de la Fédération suisse de patients, constate, lui aussi, une amélioration. «Il y a effectivement eu énormément de problèmes avec Assura jusqu’au milieu de l’été, à cause du changement complet de son système informatique, confirme le conseiller national socialiste neuchâtelois. Mais nous recevons moins de plaintes concernant cette caisse maladie depuis l’automne. Les choses semblent en voie de normalisation et Assura a l’air d’avoir pris les choses au sérieux.»

*Prénom d’emprunt, nom connu de la rédaction

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