Il vendait de la marchandise illégale sans le savoir
Victime d'un escroc au salami, cet épicier doit plus de 20'000 francs au fisc

L'épicerie de la vieille ville de Locarno, au Tessin, existe depuis 109 ans. Elle n'a jamais eu d'ennuis avec la justice. Mais le propriétaire Piero Suini vient d'apprendre qu'il devait une fortune au fisc. Il vendait de la marchandise illégale... sans le savoir.
Publié: 22.11.2022 à 12:06 heures
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Dernière mise à jour: 22.11.2022 à 13:35 heures
Myrte Müller

À gauche, des meules entières de fromage des vallées tessinoises côtoient des délices fromagers de l'Italie voisine. A droite s'étalent le salami, le jambon, la mortadelle. L'épicier tessinois Piero Suini sait ce que veut sa clientèle. Son magasin est l'un des emblèmes de la vieille ville de Locarno.

L'épicerie typique est dans la famille depuis 109 ans. L'échoppe n'a jamais eu le moins problème. Mais ces jours-ci, les chiffres sont dans le rouge. L'Office fédéral des douanes et de la sécurité des frontières réclame plus de 20'000 francs à Piero Suini. Le motif: son ex-fournisseur a fait entrer de la marchandise clandestinement. Beaucoup de marchandise.

Si vous vous promenez dans la Città Vecchia de Locarno, vous ne pouvez pas passer à côté du magasin Alimentari de Piero Suini. Il compte parmi les commerces historiques de la vieille ville.
Photo: © Ti-Press / Ti-Press

Pendant exactement un an, Angelo P.* est passé entre les mailles du filet. Il ramenait d'Italie des saucisses et des fromages à tour de bras, sans jamais régler la TVA au fisc. Pourtant, il l'encaissait auprès de ses acheteurs.

Piero Suini, 73 ans, derrière son comptoir en verre. Ce Tessinois vend surtout du fromage et de la charcuterie de première qualité. Ce sont notamment des produits italiens.
Photo: © Ti-Press / Ti-Press
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L'escroc ne peut néanmoins pas être poursuivi, puisqu'il a disparu entre-temps. Ce sont donc ses acheteurs, des détaillants et des propriétaires de restaurants suisses, qui devront passer à la caisse pour ses méfaits, rapporte «La Regione».

L'arnaque du contrebandier de salami

La petite affaire d'Angelo P. était bien ficelée. Son siège social se situait dans la vallée de la Maggia, au Tessin. L'escroc se rendait en Italie en camionnette et remplissait son véhicule de marchandises à ras bord. En arrivant à la frontière, sa femme prenait les devants. Celle-ci se rendait à pied au poste. Une fois que la voie était libre, elle faisait signe à Angelo P.* Son mari faisait alors passer en douce sa voiturette immatriculée au Tessin et livrait la marchandise en Suisse.

Après un an, il se fait prendre la main dans le sac. L'enquête est édifiante. Le dossier révèle que le contrebandier a fait passer plus de 31'000 kilos de marchandises sous la table, escroquant les douanes de 262'000 francs et le fisc d'environ 19'000 francs.

«C'était un fournisseur suisse. La marchandise était bonne, les prix correspondaient au marché suisse. Je ne me doutais de rien», déplore Piero Suini. Plus de 3000 kilos de saucisses et fromages passés illégalement ont atterri sur le magnifique étalage de l'échoppe tessinoise.

Son propriétaire dit n'avoir rien suspecté le jour où Angelo P. n'a plus donné de nouvelles. Lorsqu'il a appris que la marchandise provenait de contrebande, le commerçant est tombé des nues. En 2017, des douaniers frappent à la porte de l'épicerie de la Città Vecchia. Et demandent à voir les factures. «Dieu merci, j'avais tout bien classé et payé correctement, y compris la TVA, soupire Piero Suini. Ce n'est quand même pas ma faute si elle n'a pas été transmise!»

Le Tribunal administratif fédéral est sans pitié

Mais pour le Tribunal fédéral, cela ne suffit pas. En 2021, les douanes lui ont envoyé la facture. Piero Suini devra prendre en charge une partie des droits de douane fraudés et des arriérés d'impôts. L'homme d'affaires a fait appel. Sans succès. Le 17 octobre 2022, le Tribunal administratif fédéral a tranché. Selon l'article 75 de l'ordonnance sur les douanes, les destinataires et les donneurs d'ordre sont aussi soumis à l'obligation de déclarer. La bonne foi ne protège pas de la sanction. Le magasinier tessinois aurait dû vérifier si la marchandise avait été dédouanée dans les règles et si la TVA avait bien été encaissée.

«C'est absurde, tonne Piero Suini. Je ne peux quand même pas exiger des documents douaniers de chaque personne qui me vend un produit provenant de l'étranger!» Le Tessinois renonce toutefois à d'autres recours. Selon lui, il s'agit d'un combat contre des moulins à vent. «Je ne peux pas payer une telle somme d'un coup, se désole Piero Suini. Mais je rembourserai la somme par petites mensualités.»

* Nom modifié

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