Haute saison
Dans les hôtels suisses, les réfugiés ukrainiens cèdent la place aux touristes

Au printemps, des centaines d'hôteliers avaient mis leurs lits à disposition des réfugiés ukrainiens. En raison de la haute saison, ces derniers ont été déplacés. Cela n'a pas toujours été facile.
Publié: 27.07.2022 à 12:25 heures
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Dernière mise à jour: 27.07.2022 à 13:01 heures
Sarah Frattaroli

Hôtels, campings, auberges de jeunesse… Tout est complet au moment où les vacances d’été battent leur plein. Mais pour que tous les touristes trouvent une place, d’autres ont dû céder la leur: les réfugiés ukrainiens.

Et pour cause. Dès le début de la guerre en Ukraine, des centaines d’hôteliers s’étaient montrés solidaires en proposant leurs chambres vides comme hébergement d’urgence. Aujourd’hui, avec le rebond touristique et la saison haute, les gérants d’établissement ont besoin de rentabiliser leurs logements. Une situation qui peut parfois générer un certain malaise, comme chez Janine Rüfenacht, une directrice d’hôtel à Thoune qui avait logé 10 personnes dans 4 appartements jusqu’à la mi-juin.

Eviter un nouveau déracinement

«J’en ai fait des nuits blanches», indique la Bernoise, qui a eu besoin de ses logements pour la saison d’été. Mais elle ne voulait à aucun prix que les personnes réfugiées soient obligées de déménager dans un foyer d’hébergement collectif.

Dans l'établissement 5 étoiles Marriott de Zurich, par exemple, les chambres précédemment occupées par des réfugiés ukrainiens sont désormais disponibles pour les touristes: c'est la haute saison...
Photo: Babic Sebastian (bbs)

Sans compter que le centre cantonal d’accueil des réfugiés à Thoune était occupé jusqu’à la dernière place. Les familles auraient été transférées à Grindelwald ou à Meiringen – à plus d’une heure de train de Thoune. «Deux des Ukrainiennes travaillent chez moi à l’hôtel, elles auraient dû quitter leur emploi», explique Janine Rüfenacht. Un enfant fréquentant le jardin d’enfants à Thoune aurait à nouveau été arraché à son environnement.

Un logement à la dernière minute

Au tout dernier moment, les familles ukrainiennes ont trouvé un nouveau logement à Thoune et dans les environs. Un parcours du combattant, puisque le taux de vacance dans cette région est de 0,17%, un record, selon l’Office fédéral de la statistique (la moyenne suisse est de 1,54%).

«Les Ukrainiens ont déménagé le matin. L’après-midi, des visiteurs étaient déjà présents», raconte la patronne de l’établissement.

Rentabiliser la saison d’été

«La situation n’a rien à voir avec un manque de solidarité, explique Janine Rüfenacht, qui était très préoccupée par la question. Je n’ai pas reçu d’argent pour l’hébergement, car cela passait par le privé et non le Canton.» Parallèlement, des frais ont été engagés, notamment pour l’électricité et l’eau.

Les autorités prennent quant à elles la chose avec calme. Seule une petite fraction des réfugiés semble avoir été placée dans des hôtels. Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) écrit qu’au début de la crise, l’afflux était si important que certains centres d’accueil n’avaient plus de lits libres. Mais depuis, la situation se serait normalisée. La même situation a été observée dans plusieurs cantons.

La fin des hébergements solidaires à l’hôtel?

L’hébergement à l’hôtel n’avait été conçu dès le départ que comme une solution intermédiaire. Après tout, les chambres d’hôtel sans cuisine et avec peu d’espace de rangement ne sont guère adaptées à un séjour de plusieurs mois.

Ce qui n’empêche pas certains établissements de continuer à héberger des réfugiés actuellement. Au Grand Hôtel Les Trois Rois à Bâle, par exemple. L’hôtel de luxe ne veut pas révéler leur nombre exact ni la durée de leur séjour. La direction avance qu'elle a accueilli des Ukrainiens pour leur offrir une protection, et non pour améliorer son image.

Jusqu’à présent, 60’000 réfugiés ukrainiens sont arrivés en Suisse. Le SEM s’attend à ce qu’ils soient entre 80’000 et 120’000 d’ici à la fin octobre. Reste à savoir si les lits seront alors encore suffisants. L’hôtelière Janine Rüfenacht, quant à elle, serait prête à accueillir à nouveau des personnes à Thoune. «L’automne sera plus calme chez nous. Et si le Covid nous met à nouveau des bâtons dans les roues, de nombreuses chambres seront de toute façon vides en hiver.»

(Adaptation par Nora Foti)

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