Hausse déguisée des prix?
«La Terrasse du Roc d'Orsay nous a floués sous prétexte d'inflation»

Au moment de l'addition, des clients de la Terrasse du Roc d'Orsay, sur le domaine skiable de Villars (VD), ont été surpris: une taxe de 5% avait été ajoutée, sans qu'elle soit indiquée sur la carte. Un procédé «pas correct», selon GastroVaud. Le restaurateur se défend.
Publié: 07.02.2023 à 16:34 heures
|
Dernière mise à jour: 08.02.2023 à 16:45 heures
AmitJuillard.png
Amit JuillardJournaliste Blick

La douloureuse. Quand une mauvaise surprise s’ajoute à l’addition, la facture porte bien son surnom. Ce 30 janvier, peu après midi, la journée sur les pistes de Villars, dans les Alpes vaudoises, a pris un goût amer pour ces deux clients de la Terrasse du Roc d’Orsay, nichée à l’arrivée de la télécabine.

«Au moment de payer, nous avons remarqué — en entendant nos voisines de table râler — que des frais à hauteur de 5% de la note avaient été ajoutés. Et ce, pour couvrir l’augmentation des charges, s’étrangle l’un d’eux, qui souhaite garder l’anonymat. Mais personne ne nous en avait avertis!» Aucune mention non plus sur le menu, déplore-t-il.

«On nous a indiqué qu’un panneau, difficilement visible et perdu au milieu d’autres choses, avait été posé à l’entrée pour informer tout le monde. Dans ces conditions, nous ne l’avions clairement pas vu!» L’écriteau sponsorisé par Coca-Cola donne quelques explications: «Bonjour, nous vous informons que, suite à l’augmentation des charges d’électricité et de l’inflation sur les produits de première nécessité, nous avons été contraints de mettre une taxe de 5%. Merci de votre compréhension. Belle journée.»

«Chacun de nos serveurs parle de cette taxe supplémentaire à chaque client présent quand il amène la carte, rétorque Christophe Graf, exploitant du lieu. Il suffit d'écouter, d'être là et pas aux toilettes, ou de lire le panneau qui est à l'entrée, à côté de celui qui demande aux gens de ne pas aller s'asseoir sans avoir consulté la personne de l'accueil.»
Photo: KEYSTONE/Anthony Anex/DR

«Tondre les gens sous prétexte d’inflation»

Pas suffisant pour calmer la colère de ce rider occasionnel. Surtout qu’en menant leur petite enquête, les deux skieurs découvrent qu’à la carte, les prix avaient déjà été revus à la hausse de… 5% entre la saison 2021-2022 et 2023. «Il s’agit donc d’une augmentation réelle de 10% par rapport à l’hiver précédent, déplore le Vaudois. Si on veut tondre les gens sous prétexte d’inflation, soit. Mais ce serait bien de l’assumer et de le noter clairement sur la carte! Là, nous avons été floués.»

Est-ce suffisant d'indiquer une hausse des prix sur un panneau à l'entrée ou faudrait-il la mentionner sur la carte?
Photo: DR
1/2

Total à payer: près de 110 francs pour deux fondues accompagnées de charcuterie et quatre boissons, dont deux verres de blanc. Le trentenaire s’étouffe: «Plus de 44 francs par personne pour une fondue avec une petite planchette, c’est quand même vraiment cher!»

Qu’en pense l’office du tourisme? «Je déplore évidemment que des usagers soient insatisfaits, lâche Sergei Aschwanden, directeur général de la Porte des Alpes (Villars-Gryon-Bex-Les Diablerets) et député libéral-radical (PLR) au Grand Conseil. Mais je n’ai pas à commenter une transaction qui relève du secteur privé, ce n’est pas de ma compétence.»

«Coups tordus du gouvernement»

Président de la faîtière des cafetiers-restaurateurs GastroVaud, Gilles Meystre, se montre plus incisif. «Si l’augmentation supplémentaire de 5% n’est pas inscrite sur la carte, noir sur blanc, alors ce n’est pas correct, tranche l’ex-élu PLR au même parlement cantonal. Ça doit être compréhensible au moment de la commande. Un panneau à l’entrée ou une information par le personnel, ce n’est pas suffisant. Faire preuve de transparence est un devoir. Et le plus sûr moyen de fidéliser sa clientèle!»

«
«Si l'augmentation supplémentaire de 5% n'est pas inscrite sur la carte, noir sur blanc, alors ce n'est pas correct.»
Gilles Meystre, président de GastroVaud
»

Également contacté, le gérant de la Terrasse du Roc d’Orsay se défend et dénonce en passant «les coups tordus du gouvernement pendant la période Covid». «Enfin des journalistes qui s’intéressent aux cafetiers restaurateurs, amorce (ironiquement?) Philippe Graf, dans son long courriel. En préambule, à ce jour, depuis le début de la saison, nous avons servi 5350 personnes et avons eu 10 ou 14 commentaires sur les 5% (ndlr: la taxe rajoutée à l’addition). La majorité des clients trouvent cela très correct, ils ont presque tous vu le panneau ou ont presque tous écouté le serveur qui leur a expliqué les 5% en distribuant les cartes.»

En d’autres termes, ils taclent celles et ceux qui ne prêteraient pas attention: «Les gens n’écoutent pas très bien ce que dit le serveur au début. Chacun de nos serveurs parle de cette taxe supplémentaire à chaque client présent quand il amène la carte. Il suffit d’écouter, d’être là et pas aux toilettes, ou de lire le panneau qui est à l’entrée, à côté de celui qui demande aux gens de ne pas aller s’asseoir sans avoir consulté la personne de l’accueil.»

Une facture d’électricité en hausse de 3000 francs par mois

Sachant cela, pourquoi ne pas avoir inscrit la taxe directement sur les menus? «Une fois nos cent cartes imprimées et plastifiées en septembre, on nous a annoncé une augmentation de 100% pour l’électricité à fin octobre pour le 1er janvier 2023, ce qui les fera passer de 3000 à 6000 francs mensuels, justifie l’exploitant, tout en invitant Blick à confronter son fournisseur d’électricité — les Forces motrices de l’Avançon. Et la recommandation de GastroSuisse, dans le but de faire preuve d’une parfaite transparence, a été de rajouter cette ligne en bas de la facture, uniquement sur les repas pris à table et pas sur les boissons.»

Philippe Graf ne rougit pas des prix pratiqués dans son établissement de montagne. «Le fait d’être à 2000 mètres d’altitude et accessible uniquement par télécabine demande une manutention bien plus grande que pour un restaurant qui se fait livrer devant sa porte. […] Ceci génère des coûts de base plus élevés qu’un restaurant de plaine […].»

Mais n’aurait-il pas dû indiquer clairement que l’augmentation réelle de ses prix est en fait de 10%? «Je pense surtout que je pourrais enlever la majoration quand le prix de l’électricité redescendra quand vous aurez écrit à mon fournisseur d’électricité. Le prix des matières premières ne redescendra pas.»

En guise de conclusion et du haut de ses 40 ans d’expérience, le locataire des lieux lance une dernière complainte dans la bataille: «Les gens font attention au prix du repas de midi en continuant à demander des plats du jour à 14 francs alors qu’ils étaient déjà à ce prix il y a 20 ans. Ils sont un peu moins regardants pour le repas du soir, mais quand ils vont en boîte de nuit, les billets de 100 francs s’envolent et personne ne pipe mot.»

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la