Hans-Ueli Vogt, candidat UDC au Conseil fédéral
«À Zurich, personne ne porte la chemise à edelweiss»

Candidat surprise de l'UDC zurichoise pour le Conseil fédéral, Hans-Ueli Vogt joue la carte de la puissance économique de son canton pour brûler la politesse à Albert Rösti. Et explique à Blick pourquoi être introverti est, selon lui, plutôt une qualité.
Publié: 23.10.2022 à 11:09 heures
|
Dernière mise à jour: 23.10.2022 à 11:21 heures
Danny Schlumpf

Celle-ci, personne ne s'y attendait! L'annonce de la candidature d'Hans-Ueli Vogt, faite en milieu de semaine dernière, a surpris jusqu'à notre rubrique politique alémanique. Alors que l'UDC zurichoise semblait promise à un camouflet, ne trouvant pas de candidat crédible alors que la section bernoise avait propulsé deux poids lourds dans la course, voilà qu'elle a «inventé» un candidat en la personne d'Hans-Ueli Vogt. Le professeur de droit, qui avait quitté le Conseil national en 2021, pourrait bien brasser les cartes dans la succession d'Ueli Maurer. Interview.

Vous voilà candidat au Conseil fédéral! En êtes-vous surpris?
Tandis que plusieurs candidats potentiels du canton de Zurich déclinaient, de plus en plus de personnes me contactaient pour me dire que j'étais le bon candidat. Cela s'est joué sur le tard, donc le fait que je sois aujourd'hui moi-même candidat est, en effet, une surprise pour moi aussi.

Cela ne vous dérange pas qu'il ait fallu attendre le refus de plusieurs poids lourds du parti pour que vous entriez en ligne de compte?
Non. Il est tout à fait logique que des politiciens en exercice aient été sollicités en premier.

L'ex-conseiller national zurichois de l'UDC Hans-Ueli Vogt est candidat au Conseil fédéral.
Photo: Philippe Rossier
1/5

Vous n'appartenez pas à l'aile blochérienne et vous ne faites pas partie du «premier cercle» de l'UDC zurichoise. Vous considérez-vous comme un vrai représentant de cette section cantonale?
J'espère qu'aucun candidat au Conseil fédéral ne se présente avec l'idée de représenter une section particulière. Je suis un candidat avec des convictions et des valeurs qui correspondent à celles de l'UDC. C'est pourquoi le parti cantonal m'a désigné. Mais je ne suis pas le représentant d'une section du parti.

«Je n'ai pas peur de la défaite», clame Hans-Ueli Vogt.
Photo: Philippe Rossier

Christoph Mörgeli, l'ancien conseiller national aujourd'hui rédacteur à la «Weltwoche», s'est en tout cas réjoui que le Lion zurichois s'attaque finalement à l'Ours bernois. Cet enthousiasme vous réjouit-il?
Posée comme cela, la question a déjà davantage de pertinence. Il est en effet légitime que le canton de Zurich soit représenté au Conseil fédéral, ne serait-ce que pour son importance économique. Prenez par exemple la péréquation financière (ndlr: le mécanisme de redistribution entre cantons riches et pauvres): Zurich est le premier donateur et Berne le premier bénéficiaire.

Le Bernois Albert Rösti est docteur en agronomie, vous êtes professeur de droit et également docteur. Cette querelle d'érudits reflète-t-elle l'UDC? Qu'est devenu le parti des paysans?
L'UDC défend la liberté et l'indépendance. Ce sont certes des valeurs proches de la Suisse rurale, et nous pouvons les exprimer joliment avec des vaches de montagne et des vaches d'Hérens. Mais la part d'électeurs de l'UDC est de presque 30%. Il est impossible qu'il s'agisse uniquement de personnes vivant à la campagne. Parmi nos électeurs, il doit y avoir beaucoup de citadins et de personnes vivant dans des agglomérations qui préfèrent aller à la salle de fitness plutôt que dans un pâturage ou une étable. Ensemble, Albert Rösti de Kandersteg (BE) et moi-même représentons tout l'éventail.

Dès le début de cette campagne, Albert Rösti porte l'étiquette du grand favori. N'avez-vous pas peur d'une défaite annoncée?
Lors de mon entretien avec mon parti cantonal, je l'ai dit d'emblée, avant même qu'on me le demande: je me présente parce que je n'ai pas peur de la défaite. J'ai toujours été inspiré par les personnes qui font preuve de grandeur même dans la défaite, comme Roger Federer par exemple.

Avec une telle déclaration, on dirait que vous avez déjà déclaré forfait!
Bien au contraire. Seul celui qui n'a pas peur de la défaite peut se battre de manière libérée. J'ai perdu plusieurs fois dans ma carrière politique, par exemple avec l'initiative pour l'autodétermination, qui a été rejetée par le peuple (ndlr: 33,7% de oui en novembre 2018). Mais je me suis relevé et j'ai continué.

Vous avez, en effet, rédigé cette initiative. Mais trois mois avant la votation, votre parti vous a remplacé par Thomas Matter comme directeur de campagne. C'était un affront, non?
Pas du tout. La campagne a été développée et menée par le parti. J'ai toujours considéré que c'était une bonne chose, j'étais content d'avoir ce soutien.

On pourrait croire à l'entente sacrée. Mais il y a deux autres épisodes: vous avez rédigé un contre-projet à l'initiative «Multinationales responsables», ce qui a provoqué un clash avec votre parti. Sur le mariage pour tous également, vous vous êtes clairement écarté de la ligne de l'UDC...
Il suffit de consulter le comportement de vote au Conseil national pour s'apercevoir que je me situe légèrement à droite du positionnement moyen du groupe UDC. Il est facile de choisir quelques points où il y a eu une différence pour essayer de me classer différemment politiquement.

Le Zurichois s'était fait connaître en tant que père de l'initiative sur les Juges étrangers.
Photo: Philippe Rossier

Vous avez la réputation d'être un professeur de droit introverti. Est-ce que cela correspond au profil d'un conseiller fédéral?
Je dispose de dix ans d'expérience politique. En tant que parlementaire, j'ai apporté mes convictions et mes valeurs, j'ai travaillé avec des associations et des organisations. En tant que professeur, j'ai dirigé des équipes pendant 20 ans. C'est vrai que j'ai aussi un côté introspectif et que j'apprécie le contact personnel dans le dialogue et le calme. Cela me convient mieux qu'une manifestation dans une salle de fête pleine à craquer avec de la bière et des chants. Mais il ne me semble pas que cet aspect contrevienne aux exigences posées à un conseiller fédéral.

Vous ne vous promènerez donc jamais en uniforme des «Trychler», la chemise à edelweiss?
Non. Mais personne ne porte non plus cette chemise à edelweiss en ville de Zurich. La notion de proximité avec le peuple se rattache intuitivement à l'image de la campagne. Mais à Zurich, la proximité avec le peuple signifie autre chose. Par exemple, je discute dans le tram ou au fitness avec des gens qui m'abordent parce qu'ils m'ont vu à la télévision.

Vous vous présentez en candidat du consensus. Mais Albert Rösti est lui aussi plutôt rassembleur. L'ère de l'opposition totale est donc révolue à l'UDC?
Le rôle de l'UDC ne doit pas changer. Il faut un parti qui freine certaines évolutions, notamment dans le débat sur l'énergie, la politique fiscale ou le thème du genre. Pour ce qui est des candidats au Conseil fédéral, il doit s'agir de quelqu'un qui sait convaincre avec des arguments et qui voit des solutions là où d'autres ne voient que l'opposition.

En réfléchissant ainsi, ne courez-vous pas le risque de finir comme «demi-conseiller fédéral»?
Chercher des solutions communes ne signifie pas céder. Il s'agit d'atteindre ses propres objectifs sans que l'autre ne se retrouve les mains vides. C'est plus prometteur que de simplement camper sur ses positions.

Pourquoi le Parlement devrait-il vous élire?
Je suis une personne avec des valeurs et des convictions fortes, et le Parlement sait ce qu'elles sont. Mais je suis à l'écoute de ceux qui ont des préoccupations. Je ne veux pas être le Roi soleil, mais avoir les pieds sur terre, comme je suis. Je sais m'occuper des gens et les diriger. Et je pense avoir la bonne attitude vis-à-vis de la tâche et du pays.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la