Gare aux joies prématurées!
Pourquoi la crise du Covid n'est pas encore terminée

L'Europe est en train d'assouplir, voire de supprimer toutes mesures d'endiguement du coronavirus. La fin de la crise? Des experts suisses tempèrent l'ambiance de jubilation qui saisit le continent européen.
Publié: 11.02.2022 à 06:06 heures
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Dernière mise à jour: 11.02.2022 à 06:50 heures
Johannes Hillig et Sven Ziegler

La Suède, le Danemark et le Royaume-Uni l'ont déjà fait. Ces trois Etats ont renoncé complètement aux mesures de protection contre le Covid. Fini, le travail à domicile, les tests obligatoires, les masques.

En Europe, l'ambiance est à la renaissance. La Suisse n'est pas en reste: le Conseil fédéral veut assouplir les mesures, et vite. L'obligation de travailler à domicile et la quarantaine sont déjà révolues. Les autres restrictions pourraient être levées dès le 17 février.

En soi, il n'y a rien d'étonnant à cela: la plupart des gens ont été soit vaccinés, boostés ou guérie du virus. Omicron fait grimper en flèche les infections et accélère l'immunité au sein de la population, avec des conséquences pour l'heure moindre sur les hospitalisations.

Le masque est encore obligatoire dans les transports publics. Mais le Conseil fédéral pourrait bientôt assouplir cette règle.
Photo: KEYSTONE
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«Nous ne pourrons pas éliminer le coronavirus»

Marcel Tanner, épidémiologiste bâlois et ancien directeur de l'Institut tropical suisse, se montre toutefois méfiant face à la levée complète des mesures. «Nous devons continuer de veiller à réduire les risques de transmissions lors des grands rassemblements», martèle-t-il.

Il prône le maintien du port du masque dans les transports en commun et les bâtiments publics. Garder ses distances devrait également rester la norme encore un moment. Malgré tout, il concède une chose: «Nous ne pourrons pas éliminer le coronavirus. Il est là et ne disparaîtra. Aucune mesure ne pourra y remédier. Il s'agira d'apprendre à vivre avec.»

«Nous devons rester prudents»

Thomas Steffen, ancien médecin cantonal de Bâle-Ville, conseille de ne pas se réjouir trop vite. «La pandémie actuelle nous a appris qu'il vaut mieux ne pas se réjouir trop vite.» Le fait qu'un variant moins agressif comme Omicron soit devenu dominant est certes une aubaine et permet l'assouplissement de certaines mesures, mais: «Nous devons toutefois rester prudents. Ces deux dernières années, la pandémie a pris plusieurs fois des tournures inattendues.»

Didier Trono, épidémiologiste et membre de la Task force scientifique de la Confédération, est du même avis. «Nous sommes sur la bonne voie, cela se présente très bien. Mais nous ne devons pas nous précipiter et devenir déraisonnables», nous confie-t-il.

«Cela prendra de très nombreuses années»

Le chercheur genevois compare la situation à un avion: «Nous sommes en phase d'atterrissage. Il s'agit de ne pas pousser le manche trop loin vers l'avant, sinon nous allons nous écraser. Avec un peu de patience, nous nous poserons proprement sur la piste et roulerons tranquillement jusqu'à l'arrivée.»

Il est encore trop tôt, selon lui, pour lever toutes les mesures, comme au Royaume-Uni. Le masque, en particulier, doit encore être porté lors des grands rassemblements. Et bien sûr, garder ses distances reste le maître mot.

Et le chercheur de préciser que nous ne sommes pas encore dans une situation endémique, c'est-à-dire où le Covid circule de manière latente et resurgit en de faibles foyers dispersés, à l'instar d'une grippe. Le niveau d'immunité ne serait pas encore atteint pour une telle situation, au niveau mondial en tout cas. «Je pars du principe qu'il faudra de très nombreuses années avant d'en arriver là», explique l'épidémiologiste.

Le virus pourrait se replier dans le règne animal

Raison de plus, selon Didier Trono, d'assouplir pas à pas. «Cela nous permettra de voir comment le virus évolue.» Et de réagir à temps si la situation devait changer. Car le danger du Covid-19 n'est pas encore écarté.

«Ce qui m'inquiète, c'est que le virus pourrait se replier dans le règne animal. Là, il pourrait muter si fortement que notre système immunitaire ne pourrait plus faire face.» Si cela se produisait, le virus pourrait à nouveau nous frapper de plein fouet. Retour à la case départ. «Je considère une telle situation tout à fait réaliste, nous l'avons déjà observée par le passé.»

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