Expo inédite à Genève
Le Musée de la Croix-Rouge rend hommage aux femmes actives dans l'humanitaire

Dès ce mardi 31 mai jusqu'au 9 octobre, le Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge (MICR) vous invite à voir l'expo «Who cares?». L'idée: découvrir des parcours de femmes que l'histoire a rendues invisibles. Blick s'y est rendu en avant-première.
Publié: 31.05.2022 à 16:15 heures
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Dernière mise à jour: 17.06.2022 à 12:06 heures
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Valentina San MartinJournaliste Blick

Des femmes blanches, au regard doux et à l’instinct maternel, qui vont à l’autre bout de la planète pour prendre soin des plus démunis, voilà comment je m’imagine une personne qui travaille dans l’humanitaire… C’est dans le train direction Genève pour voir l’expo «Who cares? Genre et action humanitaire» que je me fais cette réflexion. Suis-je la seule à avoir cette image stéréotypée en tête? Et d’ailleurs, pourquoi c’est ce cliché bien précis qui nous vient à l’esprit lorsqu’on parle d’action humanitaire?

Les hommes leaders et les femmes aux soins

Une fois arrivée au Musée, je comprends vite que non, je ne suis pas la seule à avoir une représentation très binaire et stéréotypée de la réalité. «Vous savez, même le travail humanitaire s’ancre dans une culture patriarcale. Ce sont les hommes qui sont les leaders et les femmes qui s’occupent des soins», m’explique Dolores Martín Moruno, l’une des chercheuses qui a contribué à réalisation de l’exposition.

«Deviens un membre du Croissant-Rouge Turc!» Turquie, vers 1960. Kökten Bedri. – Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Genève.
Photo: Zoe Aubry
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Au moment d’entrer dans la salle, je vois d’énormes affiches datant de la première moitié du XXe siècle. Certaines sont des images qui ont vu le jour durant la Première Guerre mondiale, où l’on voit des femmes prendre soin des soldats blessés au combat. L'une de ces images retient mon attention: une ribambelle de portraits d’hommes, pour la grande majorité bien portants et barbus. Ce sont eux qui sont a l’origine du Mouvement international de la Croix-Rouge. Là, les mots de la chercheuse font écho dans ma tête. Effectivement, même dans l’humanitaire, les hommes dirigent et ont une position plutôt noble, tandis que les femmes s’adonnent à leur rôle passif de guérisseuses.

L'exposition propose de découvrir des affiches de l'époque comme celle-ci qui date de la Première Guerre mondiale.
Photo: DR

Des vêtements, des affiches et des photos

«Oui, sauf que la réalité du terrain est bien plus complexe que cela. C’est ce qu’on propose de découvrir ici», note Brenda Lynn Edgar, une autre chercheuse qui a contribué au projet.

Anonyme, Trousse de premier secours pour infirmière, Japon, 1940-1950. Dépôt CICR. – Dépôt CICR. Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Genève.
Photo: Zoe Aubry
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Les clichés, les carnets de bords et autres accessoires nous invitent ainsi à reconsidérer l’importance que les femmes ont eue dans le travail humanitaire et comment elles ont contribué à faire la différence au niveau social, politique et même scientifique. «Il y a 250 objets qui sont exposés ici. Une centaine appartient au musée et les autres ont été généreusement prêtés par d’autres institutions comme le Musée Curie à Paris», précise Claire FitzGerald, conservatrice du MICR.

L’importance de la diversité

En plus de mettre l’effort des femmes en avant, l’exposition a mis l’accent sur le travail des minorités. C’est là que je découvre l’histoire de Salaria Kea O’Reilly, une infirmière afro-américaine qui s’est engagée en Espagne lors de la guerre civile entre 1936 et 1939.

Sans oublier le couple formé par Jeanne Egger, première femme déléguée du CICR et la photographe Anne-Marie Grobet. Elles ont créé la Fondation Dignité en détention au début des années 1990, une organisation qui avait pour but d’améliorer les conditions de vie des détenus.

Et aujourd’hui alors?

Au cours de ma visite, j'apprends que ce n’est que très récemment que l’on a commencé à se pencher sur les femmes actives dans l’humanitaire. «Ce n’est qu’entre 1980 et 1990 qu’il y a eu des recherches sur ce thème», signale Dolores Martín Moruno. Avant d’ajouter qu’avant, strictement personne n’en parlait.

Fruit d’un partenariat inédit entre le musée et l’Université de Genève, soutenue par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), l’expo contribue à briser les stéréotypes et en savoir plus sur les femmes qui ont participé activement à construire un monde meilleur. Pourtant, rien n’est encore gagné. «On l’a vu pendant la pandémie, les personnes qui étaient 'au front' pour apporter leur aide étaient en grande partie des femmes. Je pense surtout aux infirmières», poursuit la chercheuse. Et même si elles ont été applaudies aux balcons durant la première vague du Covid-19, elles sont rapidement tombées dans l’oubli au moment du retour à la normale.

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