Équité ou sexisme positif?
À Genève, les femmes pourraient payer 20% de moins que les hommes pour les loisirs

Une motion au législatif de la ville propose d’offrir aux femmes une carte de rabais de 20% sur les entrées des lieux culturels et des centres sportifs de la ville. Sexisme positif, ou petit pas symbolique vers plus d'égalité?
Publié: 08.02.2022 à 17:12 heures
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Dernière mise à jour: 08.02.2022 à 21:44 heures
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

À Genève, les femmes pourraient bientôt payer leur ticket de ciné ou de piscine 20% de moins que les hommes. Ce chiffre vous rappelle-t-il quelque chose? Ce n'est pas un hasard. Il s'agit également de l'écart salarial entre les genres, en Suisse.

Cette motion, déposée en 2019 déjà (sous l'impulsion d'Ensemble à gauche ainsi que d'autres membres du PS et du Centre) pourrait en effet se concrétiser à la suite du Conseil municipal de ce mardi, comme le révèle «Le Temps». Et ainsi attirer l'attention sur cette frange de la population toujours «prétendument discriminée», comme l'écrit la journaliste.

À cette dernière d'ajouter que le projet serait «inconstitutionnel» vis-à-vis du sexe masculin, en référence à l'article 8 de la Constitution, à savoir: «Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue.»

Cette drôle de motion concerne aussi bien les théâtres et musées que les installations sportives - ces derniers espaces étant fréquentés en énorme majorité par des hommes.
Photo: keystone-sda.ch

La droite en rogne

Selon les signataires, le texte vise à mettre en lumière et à corriger - ne serait-ce que pour le geste symbolique - les inégalités persistantes entre les sexes: en plus de l'inégalité salariale, la rente LPP des femmes est de fait toujours inférieure à celle des hommes et le travail domestique n’est pas rémunéré, pour ne citer que les problématiques les plus saillantes.

À Genève, les réactions sont fortes, comme le rapporte «Le Temps». Cette petite pique à l'inefficacité latente de la Loi sur l'égalité – dont les bienfaits économiques tardent à se faire sentir – n'a pas fait sourire à droite de l'échiquier politique.

Michèle Roullet, conseillère municipale PLR, s'indigne dans les colonnes du journal romand: «Ce texte discrimine les hommes. À force de vouloir essentialiser l’être humain et présenter les femmes comme des victimes, on divise la société. C’est pire que du communautarisme.»

La conseillère d’Etat PLR chargée des Finances, Nathalie Fontanet, lui emboîte le pas, affirmant que «sous réserve de la compatibilité avec le droit, je vois deux problèmes. Primo, ce n’est jamais une solution de vouloir compenser une discrimination par une autre discrimination. Deuxio, cette initiative ne tient pas compte de la capacité financière des personnes. Ainsi, un monsieur au bénéfice d’un petit salaire n’aura pas de réduction, quand une dame à haut revenu, oui.» À noter qu'il est difficilement concevable qu'une grande bourgeoise genevoise aille de fait chercher son rabais...

Coup de pouce ou poudre aux yeux?

Vers l'autre bout du lac, une politicienne Verte nuance les critiques des élues genevoises. «Personnellement, je suis preneuse de toutes les décisions qui pourraient rétablir une justice face aux discriminations», rétorque la conseillère nationale vaudoise Léonore Porchet – un peu sceptique face à tant de véhémence. Bien que prompte à relever la théâtralité du projet. Une telle disposition est-elle envisageable pour le canton de Vaud? Pas forcément. «Il est vrai que cette mesure est plutôt symbolique. J'aurais préféré des mesures pour mieux appliquer la loi contre les discriminations salariales en Suisse», répond la politicienne.

Mais cette drôle de motion concerne aussi bien les théâtres et musées que les installations sportives - ces derniers espaces étant fréquentés en énorme majorité par des hommes. «70% des ressources allouées aux activités sportives subventionnées en ville sont utilisées par des hommes», avancent les dépositaires.

«Il est vrai que les milieux culturels sont déjà, en général, majoritairement fréquentés par un public bourgeois et féminin, concède Léonore Porchet. Mais ce n'est pas du tout le cas des installations sportives. Si l'on analyse les budgets des villes et des cantons, l'on se rend effectivement compte que l'argent va en priorité là où vont les hommes...». Aussi, la ville de Genève met en place, depuis des années, un certain nombre de mesures pour rendre la culture plus accessible à toutes les franges de la population.

Quant à l'inconstitutionnalité de la chose, la Vaudoise rit un peu jaune: «On utilise ces grands mots lorsqu'on n'aime pas l'idée de fond. La mesure vient ici contrebalancer, même symboliquement, une discrimination persistante (ndlr: l'inégalité salariale) qui n'est elle-même ni constitutionnelle, ni légale en réalité.»


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