En Arles, la Suisse décrypte
Ce que cachent les images de guerre et de catastrophes

Après avoir été présentée de novembre 2021 à avril 2022 au Musée de la Croix-Rouge à Genève, l’exposition «Un monde à guérir» est à visiter aux Rencontres de la Photographie d’Arles (France) pendant tout l’été.
Publié: 25.07.2022 à 13:13 heures
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Dernière mise à jour: 25.07.2022 à 13:18 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Avouons-le: le bonheur des vacances estivales n’est pas au rendez-vous de cette exposition-là. Et pourtant: tous ceux que leur itinéraire touristique conduit ces jours du côté d’Arles, où les rencontres internationales de la photographie se tiennent jusqu’à la fin septembre, doivent faire escale au palais de l’Archevêché.

L’ancienne cité romaine située dans le sud de la France, aux portes de la très sauvage Camargue, est, on le sait, une passion helvétique. Décédé en 2016, Luc Hoffman, héritier du géant pharmaceutique du même nom, mit sa fortune au service de la préservation de l’écosystème de cette région, où il créa le vaste domaine de recherche écologique de la Tour du Valat. Ses deux filles, Maja Hoffmann et Vera Michalski Hoffman, ont poursuivi son héritage en aidant la ville à devenir l’une des références culturelles européennes.

La vocation humanitaire de la Suisse

Mais arrêtons cette introduction helvétique à l’heure de pénétrer dans le Palais de l’Archevêché. C’est avec une autre Suisse que le visiteur intéressé par les images a rendez-vous jusqu’au 25 septembre: avec la Suisse humanitaire du Musée de la Croix-Rouge de Genève qui y a transposé, depuis le 4 juillet, son exposition «Un monde à guérir», présentée à Paris en juin lors d’une conférence à l’Ambassade de Suisse. Le titre tombe malheureusement à point, alors que la guerre en Ukraine nous rappelle chaque jour combien l’engrenage de la guerre peut transformer, en quelques instants, le quotidien d’une population innocente en interminable tragédie.

«Un monde à guérir»

«Un monde à guérir» n’est pas un rendez-vous photographique ordinaire. Le directeur du musée de la Croix-Rouge, Pascal Hufschmidt, a de nouveau insisté sur ce point lors de l’inauguration de l’exposition en Arles, avec le soutien de Présence Suisse. Les clichés reproduits sur de grands panneaux exposés au Palais de l’Archevêché disent chacun une histoire. Ils ne sont pas le résumé des souffrances subies par les victimes. Ils recèlent des questions que chacun se pose, une fois qu’on les regarde. Qui sont ces gens? Pourquoi ont-ils été ciblés? Sommes-nous instrumentalisés comme spectateurs de leur désespoir, de leurs colères, de leurs blessures?

Omniprésente dans l’actualité, l’image humanitaire est entrée dans notre quotidien il y a plus d’un siècle.
Photo: Mari MORTVEDT
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Regardez ici la présentation de l’exposition par Nathalie Herschdorfer

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Plus de 600 images de 1850 à nos jours. Deux ans de recherches menées au sein des collections du MICR, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge (FICR). L’autre originalité de cette exposition est qu’il ne s’agit pas d’une carte blanche donnée aux photographes de guerre ou autres habitués des crises humanitaires, même si l’on y retrouve les clichés de grands noms tels Werner Bischof, Susan Meiselas ou encore Henri Cartier-Bresson.

«Un monde à guérir» présente aussi des images prises par des collaborateurs et collaboratrices du Mouvement de la Croix Rouge, et par des personnes directement affectées par les crises. Les souffrances n’y sont pas magnifiées, transformées en tableaux de l’humanité blessée. Elles sont présentées telles quelles. Comme si elles pouvaient, demain, être les nôtres si la guerre ou une catastrophe venait à broyer notre existence jusque-là si tranquille.

Neutralité et souffrances

A l’heure où la Suisse se pose à nouveau la question de sa neutralité sur fond de guerre en Ukraine, au moment où, dans les colonnes de Blick, Christoph Blocher repart en lutte pour une initiative destinée à refuser toute forme de solidarité avec nos partenaires et voisins européens, chacune de ces images nous interroge. La vocation humanitaire de la Suisse, à travers la Croix-Rouge, s’en trouve légitimée, confortée, valorisée. Mais le bilan de cette visite est lourd de questions. La planète continue de mourir. Les catastrophes naturelles, compte tenu du dérèglement climatique, vont se multiplier. La guerre est revenue aux portes de l’Europe.

Le monde, comme on le voit en Arles, n’est pas «à guérir». Les maux qui l’accablent n’ont toujours pas trouvé réponse. Pour une simple raison: derrière chaque victime se cachent des responsables, des bourreaux, des profiteurs de conflit. La force de cette exposition du Musée de la Croix-Rouge est, aussi, de nous obliger à ouvrir les yeux sur ce qu’elle ne montre pas.

Pour en savoir plus: www.redcrossmuseum.ch

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