«Die Weltwoche» conseille
«Mesdemoiselles, arrêtez de provoquer les hommes»

L'hebdomadaire conservateur «Die Weltwoche», tenu par le conseiller national UDC Roger Köppel, se fait allumer sur Twitter pour son «guide de survie» censé éviter aux jeunes femmes les désagréments du harcèlement sexuel.
Publié: 16.07.2021 à 14:39 heures
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Dernière mise à jour: 18.07.2021 à 09:49 heures
16 - Jocelyn Daloz - Journaliste Blick.jpeg
Jocelyn Daloz

Une double page, rien de moins, pour prouver que la «Weltwoche» s'intéresse aussi à la cause des femmes. L'hebdomadaire zurichois, qui a observé un virage à droite depuis 2006 - date à laquelle il a été repris par Roger Köppel qui, neuf ans plus tard, allait devenir conseiller national UDC, ne rate désormais aucune provocation.

En témoigne sa dernière édition, parue aujourd’hui, dans laquelle il publie un «guide de survie» pour les femmes qui aiment la fête. Et lui dédie même sa une. On s’accroche.

Le journaliste part du constat que 59% des femmes déclarent avoir déjà fait l'objet de harcèlement sexuel et que le monde de la nuit appartiendrait aux hommes, qui arpentent les rues sans soucis. Jusque là, le journal valide ce que critiquent les associations féministes depuis des années.

Les femmes qui s'embrassent en boite de nuit s'exposeraient aux remarques désobligeantes, voire aux violences, selon «Die Weltwoche».
Photo: Dukas/ATS

Sauf qu'il parvient à une toute autre conclusion que les militantes de la grève féministe qui réclament que le harcèlement, les agressions et les viols cessent. En effet, même si la «Weltwoche» semble déplorer l'existence de ces comportements inacceptables, elle estime qu'ils seraient évitables si les femmes respectaient quelques règles d'or, telles que:

  1. Ne pas s'habiller de manière trop provocante pour ne pas s’attirer klaxons, sifflets et autres remarques désobligeantes
  2. Ne faire la fête qu'avec des gens que vous connaissez
  3. Ne pas danser dans les boites hip-hop, qui concentrent bien trop de machos
  4. Ne pas trop boire pour conserver sa capacité de discernement, afin que personne ne puisse profiter de leur état d’ébriété
  5. Réciter des poèmes de Goethe: apparemment, un homme qui met une main aux fesses sera déstabilisé par son érudition et ira chercher une autre proie ailleurs
  6. Ne pas embrasser de femmes. Afficher une autre orientation sexuelle que l'hétérosexualité attira au mieux la concupiscence du mâle, au pire son homophobie et son rejet
  7. Connaître son chauffeur et garder un téléphone portable sans cesse chargé
  8. Ne pas rentrer trop tard et ne pas répondre aux provocations dans la rue, quand bien même celles-ci blesseraient leur amour-propre
  9. Apprendre à se battre grâce à des cours de self-défense
  10. En cas de rencontre avec un bel inconnu (sic), ne pas rentrer chez lui, mais plutôt chez soi

«Si seulement j'avais su qu'il fallait aimer l'électro pour que les hommes arrêtent de me harceler», ironise une internaute.

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La juriste Nora Scheidegger, connue en Suisse allemande pour son combat pour l'introduction de la notion de consentement dans l'article pénal sur le viol, se contente de résumer sobrement: «Conseils aux femmes pour sortir, 2021», tandis que de multiples autres internautes s'offusquent que la Weltwoche fasse ici porter la responsabilité du harcèlement aux victimes.

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L'article est d'autant plus surprenant qu'il se targue d'avoir interrogé de multiples personnes, y compris des activistes LGBT et des féministes. Or, aucun nom n'est cité.

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De son côté, le journal féminin d'outre-Sarine «Annabelle» déclare qu'un tel guide de survie, si éloigné du débat actuel visant à responsabiliser les hommes plutôt qu'à culpabiliser les femmes, est «tout simplement ignorant».


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