Des octogénaires désespérés
Une fondation caritative vend l'immeuble de locataires retraités

Horreur pour les locataires d'un lotissement ancien dans le haut du Seefeld zurichois: leur immeuble est mis en vente. Le propriétaire, une fondation caritative, a besoin d'argent. Beaucoup d'habitants de longue date voient leur avenir s'assombrir.
Publié: 09.03.2023 à 09:02 heures
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Dernière mise à jour: 10.03.2023 à 12:08 heures
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Beat Michel

Werner Scheidegger, 84 ans, est désespéré. «J'ai grandi dans le Seefeld, j'y ai travaillé, nous y avons élevé trois enfants. C'est indigne si nous devons maintenant abandonner notre quartier.»

Son épouse devient aussi sérieuse lorsqu'elle pense à la menace de résiliation du contrat de location. «Nous avons nos amis ici, nous connaissons la dynamique ici. Il serait très difficile de déménager maintenant», complète Ida Scheidegger, 88 ans. Et de poursuivre: «J'ai presque 90 ans, je n'y arriverai plus ailleurs.»

Offre minimale: 20 millions de francs

Le 2 février, des locataires zurichois ont appris par lettre que la fondation Huber-Graf et Billeter-Graf, propriétaire actuelle, souhaitait vendre leur immeuble. Sur le site web de l'agence immobilière mandatée, le lotissement est déjà mis au concours. L'objet est présenté comme une «offre unique pour les investisseurs, un immeuble d'habitation avec un potentiel considérable ou pour construire à Zurich.» Offre minimale: 20 millions de francs. Les documents détaillés ne sont disponibles qu'en échange d'une déclaration de confidentialité.

Ida, 88 ans et Werner Scheidegger, 84 ans, habitent depuis 55 ans dans l'immeuble situé près de la Hegibachplatz. Aujourd'hui, la fondation vend la maison afin d'en tirer un maximum de bénéfices.
Photo: Nathalie Taiana
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Le couple Scheidegger n'arrive pas à y croire. Ils ont emménagé dans l'appartement de la Hegibachplatz il y a 55 ans. À l'époque de la crise du logement, leur histoire ressemble à un conte de fées: «Nous habitions en face, dans un espace plus petit. Le concierge de l'époque a observé ma mère lorsqu'elle se promenait avec nos trois enfants. Il nous a alors demandé si nous cherchions un appartement plus grand. Bien sûr, nous avons tout de suite emménagé», raconte le couple.

Personne ne part de son plein gré

Face à la menace qui pèse sur eux, ils sont prêts à se battre: «Nous ne déménagerons pas sans opposition», disent-ils. L'acteur suisse René Schoenenberger, 77 ans, leur apporte un soutien de poids. Il vit dans le bâtiment depuis 33 ans. Pour ce dernier, la menace de démolition de l'immeuble est insupportable.

En 2018 déjà, il avait dû quitter son appartement parce que le dernier étage avait été rénové. «Mais à l'époque, la fondation s'occupait encore de ses locataires», explique t-il. «J'ai pu emménager dans un appartement devenu libre à l'étage inférieur».

Il y a deux ans, l'administrateur qui s'occupait de l'immeuble est décédé. «C'est à partir de là que les choses ont commencé à se dégrader», explique Werner Scheidegger. «Avant, il passait régulièrement dans l'immeuble et nous demandait ce que nous voulions. La dernière chose que nous avons reçue, c'est une nouvelle douche», raconte-t-il. Ils sont très satisfaits de l'appartement. Le problème: l'espace d'habitation à proximité du nouvel hôpital pour enfants vaut désormais beaucoup d'argent. Trop pour pouvoir l'utiliser pour des logements bon marché. Car jusqu'à présent, les locataires de l'immeuble payaient peu en comparaison à d'autres logements.

Générer le plus d'argent possible

Dieter Gessler, président du conseil de fondation, déclare à Blick que «l'immeuble a pris de l'âge, il est temps de le rénover, pour autant que cela vaille encore la peine pour des appartements de plus de 100 ans. Mais ce n'est pas notre tâche. Nous sommes une fondation de bienfaisance et nous voulons générer le plus d'argent possible pour pouvoir soutenir les personnes pauvres et handicapées.»

L'institution est consciente qu'il peut y avoir des cas de rigueur. Mais «nous ne sommes pas une fondation pour les loyers modérés. C'est certes une bonne chose que nos locataires aient pu en profiter. Mais ce n'est pas notre but», poursuit M. Gessler. Et d'ajouter: «L'autorité de surveillance des fondations nous a imposé la condition que l'immeuble atteigne un prix de vente aussi élevé que possible.»

Pour Werner Scheidegger, cette réponse ne change rien. «Nous ne pouvons plus obtenir d'autre appartement, plus aucune administration ne nous accepte – c'est la fin. Il ne nous reste plus que la maison de retraite.»

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