«Depuis ma sortie, tout s'est aggravé»
Un hôpital de Berne jette une patiente malade dehors par souci de rentabilité

Bernadette Bandelier a été expulsée de l'Hôpital de l'Île, contre son gré et malgré une jambe infectée. Problème: seule chez elle, la patiente a vu l'état de sa jambe s'aggraver. Aujourd'hui sous le feu des critiques, l'hôpital se défend.
Publié: 19.03.2024 à 18:29 heures
Blick_Portraits_256.JPG
RMS_Portrait_AUTOR_1146.JPG
Sebastian Babic et Linda Käsbohrer

Il y a 13 ans, Bernadette Bandelier a dû se faire retirer les ganglions lymphatiques de la hanche. Depuis, elle suit régulièrement une thérapie. Il y a quelques semaines, dans un centre de rééducation, elle a attrapé une infection à staphylocoques. En quelques heures, sa jambe droite a triplé de volume. La patiente a donc dû être transférée d'urgence à l'Hôpital de l'Île, à Berne, où des antibiotiques lui ont été administrés par intraveineuse pour éviter une septicémie, potentiellement mortelle.

Mais après une semaine de suivi, Bernadette Bandelier s'est fait expulser de l'hôpital – contre son gré, car sa jambe était encore très enflée. Et comme elle vit seule, la patiente était dépendante de l'aide d'amis pour pouvoir gérer son quotidien.

Une décision d'autant plus incompréhensible pour la Bernoise que chaque passage aux toilettes était accompagné de douleurs et que si l'état de sa jambe s'aggravait, elle risquait de retourner aux urgences. «On m'a même dit à l'hôpital qu'il y avait aussi un risque de thrombose», affirme Bernadette Bandelier.

Il y a quelques semaines, dans un centre de rééducation, Bernadette Bandelier a attrapé une infection à staphylocoques. En quelques heures, sa jambe droite a triplé de volume.
Photo: Linda Käsbohrer
1/10

«Depuis ma sortie, tout s'est aggravé»

«Mais alors, que dois-je faire si je n'arrive pas jusqu'aux urgences?», aurait demandé la Bernoise, à qui un rendez-vous avec le médecin à l'hôpital lui a été refusé. «Pour rester au lit, vous n'avez pas besoin d'une chambre d'hôpital», lui aurait ainsi répondu le personnel soignant».

C'est là que ce qui devait arriver arriva: quelques jours après son retour à la maison, l'état de la jambe de Bernadette Bandelier s'est rapidement détérioré. Son médecin de famille a constaté une augmentation des taux d'infection, avant de la renvoyer à l'hôpital régional de Bienne, avec un taux d'inflammation largement supérieur à la normale pour une infection bactérienne.

Il faudra finalement toute une semaine pour qu'une place se libère enfin à l'hôpital régional de Bienne. Un temps incroyablement long pour que Bernadette Bandelier constate, impuissante et livrée à elle-même, que sa jambe triplait de volume au fil des jours.

Pourtant, la Bernoise ne s'est pas rendue aux urgences: «Les choses s'aggravaient, mais je n'avais pas trop de fièvre à ce moment-là. De toute façon, ça n'aurait rien changé.» Et pour cause: «À l'Hôpital de l'Île, je me suis sentie comme une gêne dont on veut se débarrasser rapidement et non comme une patiente.» Aujourd'hui, Bernadette Bandelier se dit révoltée: «Je paie tout de même mes primes pour quelque chose! Et pas qu'un peu!»

La rentabilité forcée des hôpitaux en Suisse, un problème de fond

L'Organisation suisse des patients (OSP) n'est pas surprise par la mésaventure de Bernadette Bandelier: «Il s'agit d'un problème de principe. Les hôpitaux doivent aujourd'hui faire des bénéfices», explique sa directrice, Susanne Gedamke.

Ainsi, les patients sont libérés de plus en plus tôt, même s'il existe un risque de traitements ultérieurs et d'aggravation de leur état. Les longs séjours hospitaliers ne sont donc pas les bienvenus: «Un lit d'hôpital coûte cher.»

Un coup d'œil sur l'évolution récente des soins de santé en Suisse le montre: c'est surtout l'introduction des forfaits par cas par les politiques en 2012 qui a changé beaucoup de choses.

Jusque-là, les prestations ou les jours étaient en effet facturés individuellement. Avec le nouveau système, les prestations médicales sont remboursées avec un montant forfaitaire. Si ce système permet de mieux comparer les prestations des différents hôpitaux, les critiques craignent désormais que les patients soient renvoyés plus tôt chez eux.

L'Hôpital de l'Île ne s'exprime pas

Interrogé par Blick, l'Hôpital de l'Île ne s'est pas exprimé. Selon le service de presse, aucune information ne sera donnée sur les cas individuels, malgré une autorisation de Bernadette Bandelier à consulter ses informations médicales. L'établissement n'a pas non plus répondu aux questions sur son taux de l'occupation au moment de jeter la patiente dehors. 

La jambe de cette dernière est toujours enflée, mais si elle n'a pas de fièvre. Elle pourra retourner en rééducation jeudi. Contrairement à l'Hôpital de l'Île, elle n'a pas été renvoyée par l'hôpital de Bienne: «Ici, tout est parfait», déclare la patiente, soulagée. «Je me sens enfin prise au sérieux.»

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la