De Doris Leuthard à Astroworld
La Suisse, pays des théories satanistes

Il y a une semaine, huit personnes sont mortes lors d’un concert du rappeur Travis Scott. Depuis, des théories satanistes explosent sur les réseaux sociaux, y compris en Suisse. Ce n'est pas la première fois que la Bête fait frissonner une partie du pays. Florilège.
Publié: 11.11.2021 à 16:30 heures
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Dernière mise à jour: 11.11.2021 à 23:44 heures
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Alors que les cadavres des huit personnes tragiquement décédées à Astroworld étaient encore chauds, des théories fumeuses soufflant sur les flammes de l’enfer et l’esprit du Malin ont commencé à pulluler sur les réseaux sociaux. Un véritable déferlement complotiste qui force TikTok à se sortir les pouces pour enterrer six pieds sous terre ces milliers de contenus publiés aux quatre coins du monde, rapporte la «BBC». Et la Suisse n’est pas épargnée.

Le phénomène est particulièrement visible dans des groupes Telegram, où pléthore de personnes revendiquant un passeport rouge à croix blanche balancent à tout va sur la loi Covid soumise au peuple le 28 novembre et… sur «le rituel satanique» de Travis Scott. Lier les deux sujets pourra légitimement vous sembler être un procédé un poil capillotracté.

Les théories satanistes fusent sur Telegram.
Photo: D.R.
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Mais, pour certains, le drame d’Astroworld et l’attitude du rappeur américain qui continue son show comme si de rien n’était sont des preuves incontestables qui démontreraient que nos dirigeants, célébrités en tout genre et autres leaders économiques, voueraient un culte au diable et seraient avides de sang frais. Des théories farfelues qui font écho à la mouvance complotiste d’extrême droite QAnon, mise en lumière lors de l’assaut du Capitole le 6 janvier dernier. Selon ses adeptes, une guerre secrète a lieu entre Donald Trump et des élites qui commettraient des crimes pédophiles, cannibales et sataniques.

Les indices laissés par la Bête immonde

Revenons à nos moutons. En Suisse donc, des internautes savent — c’est bien sûr de notoriété publique — que «des célébrités pactisent [avec le diable] d’une manière ou d’une autre pour la célébrité». Travis Scott, lors de sa performance à Houston, «n’a pas cessé de chanter comme un possédé en voyant les personnes décédées». Pire: «Sa petite amie n’est autre que Kylie Jenner, de la famille des Kardashian. Ils sont tous très axés sur le symbolisme sataniste également».

L’affiche du festival pointé du doigt est aussi passée au crible. «Voyez par vous mêmes 'See you on the other side'. En français: 'On se voit de l’autre côté'». Et ce n’est pas tout. Que dire du t-shirt porté par l’artiste, qui illustre des personnes se transformant en démons après avoir traversé un portail? Bref, en plus d’être des ordures de satanistes dévoreuses d’âmes, ces stars sont des imbéciles qui laissent derrière elles quantité d’indices pour permettre à des sachants du net de les démasquer. Habile.

Travis Scott et son fameux t-shirt, lors du drame d'Astroworld.
Photo: Keystone

En Suisse, on aime voir Satan

Là encore, ce n’est pas la première fois que des Suisses se mettent à voir le Diable partout. En passant par les cornes suspectes de l’ancienne conseillère fédérale Doris Leuthard ou encore le concert de Marilyn Manson à Avenches, voici les meilleures polémiques satanistes de ces dernières années.

L’inauguration du tunnel du Gothard et la Bête

Photo: Keystone

Retour en 2016. Le pays inaugure en grande pompe le tunnel du Gothard et offre aux yeux du monde un spectacle pour le moins… particulier. Ce dernier n’avait laissé personne de marbre, y compris à l’étranger. La «BBC» avait par exemple intitulé une galerie photos «les moments les plus bizarres de la cérémonie d’ouverture», rapportait alors la «RTS».

Si toute la presse s’en était donné à cœur joie, ce n’est toutefois pas sur les médias traditionnels que l’on retrouve les critiques les plus acerbes concernant la cérémonie. Une quantité absolument folle — nous vous laissons faire vos propres recherches sur Google — de blogs plus ou moins obscurs dénonçait au moment des faits une fête sataniste.

L’année dernière, un site internet du genre revenait sur cet événement tant décrié: «L’hommage à Baphomet est tellement appuyé que c’en est ridicule. Bête et lourdingue, c’est le cas de le dire. Les acteurs font de leur mieux: ils tournoient dans les airs, font des figures de cirque à deux balles. Le blasphème est omniprésent: dans un pseudo-ange à tête de bébé, dont le corps est celui d’une femme dépoitraillée; dans ces hommes, suspendus inertes dans les airs, pareils à des morceaux de viande.»

Un autre article en ligne décrit avec tout autant de verve les passages litigieux: «Revêtus de combinaisons orange, symbolisant les ouvriers du chantier, des danseurs s’agitent comme des robots-pantins désarticulés: quel bel hommage au travail accompli! Puis déboulent des monstres velus et polychromes, pendant que des danseurs en sous-vêtements se trémoussent sur une remorque tel des possédés… anges hideux, animaux satano-cornus, ectoplasmes inquiétants, des êtres effrayants miment des copulations…» On adore!

Les cornes diaboliques de Doris Leuthard

Photo: D.R.

La Suisse a les polémiques qu’elle mérite. En mai 2016, le groupe de rock AC/DC a enchanté des milliers de spectateurs à Berne. Doris Leuthard, vêtue d’un perfecto en cuir noir, et l’ancien président du PLR Philippe Müller figuraient notamment dans le public, relatait la «Tribune de Genève»: «Ils n’ont pas boudé leur plaisir: comme de nombreux fans, ils ont des cornes rouges, emblème des rockeurs australiens depuis belle lurette». Une photo des deux politiciens avait alors largement circulé sur Twitter.

Ce symbole diabolique n’avait pas plu à des élus conservateurs. «Se montrer avec des cornes clairement identifiées comme sataniques n’est pas approprié de la part d’une conseillère fédérale», lançait Erich Vontobel, député au Grand conseil zurichois et membre de l’Union démocratique fédérale (UDF). «On sait depuis longtemps que AC/DC est l’abréviation de Antéchrist/mort du Christ», assurait-il. Une interprétation basée sur une légende urbaine, démentie depuis les années 1980.

Marilyn Manson, «l’Antichrist Superstar» à Avenches

Photo: Keystone

Aujourd’hui, le chanteur américain Marilyn Manson effraie davantage avec les accusations d’abus sexuels le visant qu’avec son look gothique. Ce n’était pas le cas en 2005, à Avenches. La Municipalité avait alors reçu plaintes et menaces, lorsque Rock oz’Arènes avait annoncé la venue de «l’Antichrist Superstar».

La polémique avait fait rage. «Choquées par l’icône du mouvement satanique et gothique, diverses associations et organisations ont réclamé l’annulation de la prestation de l’artiste américain», écrivait «La Liberté». Beaucoup de bruit pour pas grand-chose, puisque l’artiste est revenu en 2017 dans la Broye vaudoise devant environ 7500 fans, communiquait alors le festival.

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