Crise de l'emploi
«J'ai essuyé 30 refus en 6 semaines»

Les employeurs suisses se plaignent de la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. Pourtant, plus de 400'000 personnes cherchent un emploi et n'en trouvent pas, parfois malgré de bonnes qualifications. Deux personnes concernées racontent.
Publié: 20.10.2023 à 13:55 heures
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Dernière mise à jour: 20.10.2023 à 14:00 heures
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Sarah Frattaroli

Volker Joh est cuisinier et serveur de formation. Il a des dizaines d'années d'expérience en tant que collaborateur du service externe dans le secteur alimentaire. Dans le secteur de la restauration, frappé par la pénurie de personnel, il aurait dû représenter une aubaine pour tout employeur... mais son âge fait obstacle. A 59 ans, Volker Joh fait partie de ceux qui, malgré de bonnes qualifications, ont de mauvaises cartes à jouer sur le marché du travail. «J'ai essuyé 30 refus au cours des six dernières semaines», raconte-t-il.

Le cuisinier vit à Möhlin, en Argovie. «Je suis volontiers prêt à faire les trajets tous les jours jusqu'à Bâle, à une demi-heure de route», affirme-t-il. Il est également flexible en termes d'horaires. «Je peux commencer à 6 heures du matin ou travailler tard le soir, même les week-ends ne me posent pas de problème. L'essentiel est que je retrouve un emploi!» 

La pauvreté des personnes âgées menace

Mais si Volker Joh fait preuve de flexibilité, il en va autrement pour les employeurs suisses. Ils souffrent certes de la pénurie de main-d'œuvre qualifiée, mais ne sont pourtant pas prêts à donner une chance aux travailleurs âgés. C'est ce que démontrent diverses études.

Volker Joh est à la recherche d'un emploi. Le fait qu'il ait 59 ans rend les choses plus difficiles.
Photo: Zvg
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Les nombreuses réactions suscitées par le dernier article de Blick sur le sujet entérinent ces affirmations. Des personnes de plus de 50 ans racontent avoir cherché un emploi pendant des mois, voire des années. Une des concernées a pris une retraite anticipée par la force des choses, et a émigré pour pouvoir joindre les deux bouts le plus longtemps possible avec son maigre salaire. La plupart veulent rester anonymes, car le stigmate du chômage reste trop grand.

Les entreprises exigent le match parfait

Il n'y a pas qu'au niveau de l'âge que les employeurs manquent de la flexibilité nécessaire. Les personnes changeant d'orientation professionnelle connaissent également beaucoup de difficultés. Barbara F.* en sait quelque chose. Il y a un an, elle a perdu son emploi dans une banque suisse. Depuis, les réponses négatives à ses candidatures ne cessent de tomber. «En tant que mère, je cherche un emploi à temps partiel, mais j'entends partout que je suis surqualifiée», raconte la femme de 40 ans.

Travailler à temps partiel dans le secteur financier reste un défi en 2023. De plus, «le risque de perdre son emploi y est plus grand, surtout à partir de 50 ans», explique Barbara F. Pour ces raisons, elle a donc décidé de changer de secteur. Barbara F. est spécialiste en communication et en marketing: une compétence nécessaire partout. Du moins, on pourrait le penser. «Mais ils ne veulent engager que des personnes qui ont déjà toutes les connaissances dans le domaine», déplore-t-elle

Elle a plusieurs diplômes universitaires et parle couramment trois langues nationales. Le chômage ronge sa confiance en elle. «Je n'aurais jamais pensé que je resterais aussi longtemps à la recherche d'un emploi», reconnaît Barbara. Elle ne veut toutefois pas se plaindre de sa situation, et ne révèle donc pas non plus son nom dans le journal.

Volker Joh ne veut pas non plus se montrer pessimiste. «Une opportunité n'aura peut-être pas lieu aujourd'hui ou demain... mais après-demain!»

*Nom modifié

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