Cauet à la tête de l'abbaye?
La RTS s’emmêle les pinceaux en censurant un montage parodique

Cauet ne prendra vraisemblablement pas la tête de l'abbaye de Saint-Maurice. Mais une image ressemblant aux infos de la RTS a brièvement circulé sur Instagram, vendredi dernier. Une parodie sous forme de «mème» que la RTS a fait supprimer. À raison?
Publié: 29.11.2023 à 06:07 heures
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Dernière mise à jour: 30.11.2023 à 10:22 heures
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Léo MichoudJournaliste Blick

La RTS n'est pas d'accord avec elle-même, lorsqu'on la parodie sur Instagram. Vendredi dernier, le compte @lambdalaisan, dédié aux «mèmes» valaisans et qui compte près de 15'000 abonnés, publiait une série d'images décalées sur la principale actu de son canton: les abus sexuels à l'abbaye de Saint-Maurice.

Le premier «mème» était une image de l'animateur Cauet, désormais visé par trois plaintes pour viols et agressions sexuelles, accompagnée du texte: «Abbaye de Saint-Maurice — Sébastien Cauet présenti (sic.) pour devenir le nouveau responsable de l'institution». Une blague, donc, qui relie deux affaires simultanées impliquant des agressions sexuelles. Mauvaise ou bonne, à vous d'en décider.

La «menace» du service juridique

Dans les bureaux de la RTS, certains n'ont visiblement pas apprécié. Il faut dire que le visuel du «mème» s'approche de celui des publications informatives partagées quotidiennement sur @rtsinfo. En commentaire, le compte du média de service public demande fermement le retrait de l'image: «Merci de supprimer immédiatement ce post, qui usurpe notre identité graphique. En cas de non action de votre part, nous avertirons notre service juridique.»

Dans les bureaux de la RTS, un «meme» a souligné les désaccords sur la gestion des contenus les parodiant.
Photo: Keystone/@lambdalaisan
Le montage en question, supprimé depuis, présente effectivement des similarités avec ceux du compte @rtsinfo. Mais ni la police, ni le logo de la RTS ne sont présents.
Photo: @lambdalaisan
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Yoann et Yves, les deux Valaisans derrière le compte humoristique, se montrent d'abord «surpris» par «le ton menaçant» de ce message et les potentielles conséquences juridiques. Contactés par Blick, ils justifient ce qui leur est reproché: «Pour faire notre petite blague, on a repris grosso modo le graphisme de la RTS, raconte Yoann, «mèmeur» et bientôt trentenaire. Mais à part le bandeau de couleur sur le côté, la ressemblance était grossière. La police d'écriture n'était pas la même et le logo RTS n'apparaissait pas.»

Wiesel et un chef de la RTS au front

Les deux micro-influenceurs estiment être dans leur bon droit, mais ne prennent pas de risques et suppriment leur image. «On a décidé d'en profiter pour balancer une série de «mèmes» sur la situation, pour rajouter une petite couche et faire du troll», continue Yoann.

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Leur réaction et celle d'autres comptes Insta helvétiques déclenche alors un petit «effet Streisand», ce phénomène qui survient lorsqu’une tentative de faire supprimer des éléments se retourne contre celui qui le demande. Même des employés et des proches de la RTS se placent du côté des «mèmeurs».

Thomas Wiesel soutient les «memeurs» valaisans.
Photo: @lambdalaisan
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«C'est ridicule, comme méthodes. Soutien», commente l'humoriste Thomas Wiesel. «Hey, le ou la CM de RTSInfo ne représente pas toute la RTS», affirme sous la même publication Nicolae Schiau, chef Jeune Public, Musique et Humour à la RTS. Le porte-parole Christophe Minder ne s'alarme pas de ces avis multiples: «Comme dans toute entreprise, les collaboratrices et collaborateurs de la RTS ne parlent pas toutes et tous d’une seule voix.» À l'instar de Nicolae Schiau, bon nombre d'employés de la RTS considèrent que cette histoire relève d’une «non affaire».

«La parodie est parfaitement licite»

Mais il y a bien affaire, selon Sébastien Fanti, avocat spécialisé du numérique et lui aussi originaire du Valais. En effet, on touche ici au droit à la parodie, une exception à la Loi fédérale sur le droit d’auteur (LDA), qui autorise la réutilisation à but humoristique de productions dont on n'est pas la source.

Selon lui, le cas est flagrant: «Sur la parodie, il est évident que la RTS n'est pas dans son droit. Tout le monde, même un enfant de cinq ans, se rend bien compte du contexte parodique dans lequel nous nous trouvons.»

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Pour lui, la nature même du compte Instagram @lambdalaisan est une raison suffisante pour éviter d'invoquer une dimension juridique. Très remonté, il voit dans cette situation «une réaction épidermique dénuée de fondements en droit de la part du représentant de la RTS, qui démontre, et c'est pour moi le plus grave, une absence totale d'autodérision et d'acceptation de la critique.»

La RTS admet un ton «trop automatique»

De son côté, la RTS se justifie, toujours par le biais de son porte-parole: «Nos équipes sont sous forte pression avec de nombreux posts usurpant notre identité et véhiculant de fausses informations.»

En effet, depuis quelque temps, internet pullule de posts reprenant l'identité visuelle des médias romands comme la RTS, Le Temps ou Blick, mais qui mènent à des fake news et à des sites malhonnêtes. Une vidéo du compte @rtsinfo avait justement alerté sur la question début novembre. Christophe Minder relève que «la frontière peut parfois être ténue» entre ces sites frauduleux et les «mèmes» suisses à vocation parodique.

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Il reconnaît toutefois le caractère sec — que certains considèrent «menaçant» — de leur requête de suppression: «C’est dans ce contexte, renforcé par une actualité très tendue liée à l’Abbaye de Saint-Maurice, que nous avons demandé, de façon un peu trop automatique et formelle, le retrait de ce post humoristique.»

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