Blick a testé pour vous
Entrer en boîte avec le certificat Covid d'un autre, c'est possible?

Pour entrer en club, un code QR attestant d'une vaccination, d'un test récent ou d'une guérison est indispensable. Cette règle peut-elle être facilement contournée sans se procurer un faux? Blick a voulu vérifier à Lausanne.
Publié: 06.08.2021 à 14:43 heures
|
Dernière mise à jour: 06.08.2021 à 16:12 heures
AmitJuillard.png
Amit JuillardJournaliste Blick

Une bière blanche dans le gosier, un parapluie noir dans la main. Peu de masques sur le nez dans la petite file sous le Grand-Pont à Lausanne ce samedi soir. Il est minuit, des clubbeuses et clubbeurs patientent. A la porte, pas de videurs mais des secouristes. «C’est ici pour se faire tester?» La question aurait pu être: «C’est ici pour obtenir le Saint Graal?» Dans les deux cas, même réponse: oui, et c’est gratuit.

Sans preuve de non-contamination au Covid-19, de vaccination complète ou de guérison, pas de certificat Covid. Et pas de certificat Covid, pas d’entrée en boîte de nuit. Nat n’a reçu qu’une dose du convoité sérum. «J’ai surtout décidé de me faire vacciner pour pouvoir voyager et retrouver ma liberté. Je ne sors pas souvent, mais ce soir je vais au «No Name». Alors je me fais tester pour obtenir mon certificat Covid.» Et le précieux code QR qui va de pair, scanné à l’entrée de toutes les discothèques de Suisse.

Nat n'a pas encore reçu sa deuxième dose de vaccin.
Photo: Sedric Nemeth
1/4

Derrière elle, Diop commence à avoir l’habitude de se faire enfoncer des cotons-tiges dans le nez. «Je n’ai pas confiance en ce vaccin, je ne veux pas le faire. Je préfère ça que de me faire injecter ce truc. C’est gratuit et facile!» Et si les tests — qui ont coûté 20 millions aux contribuables au mois de juillet — devaient devenir payants comme le souhaite Guy Parmelin, président de la Confédération? «Je paierais, aucun problème! Je le fais déjà pour aller au Sénégal… 179 francs le test PCR, ça fait mal.»

Immunisé mais refoulé

Pourtant entièrement immunisé, Rémy vient de se faire refouler à l’entrée du «D! Club», à deux pas, après avoir fait la queue sous la pluie de longues minutes. Entre ses doigts, son carnet de vaccination bleu et un papier de son médecin attestant qu’il a déjà eu le Covid. Pas suffisant: sans code QR, il doit se faire tester. «En fait, je suis complètement vacciné depuis trois semaines. J’ai reçu ma dose à l’armée. Apparemment, le système d’enregistrement est très lent. C’est chiant. Mais le sécu a été sympa, il m’a dit que je n’aurai pas besoin de refaire la file.»

Comme lui, entre 1300 et 2000 fêtards s’arrêtent ici les soirs — de 17h à 2h, selon la demande — du mercredi au dimanche. Selon Hemostaz, l’entreprise qui gère ce petit centre de dépistage, très peu de tests sont positifs: un ou deux, pas plus, sur 500. Au 15 août, Hemostaz devra quitter les locaux, propriété de la Ville, qui redeviendront un espace culturel. La fin du seul centre de tests de nuit de la capitale olympique? Peut-être.

Est-il possible de contourner les règles — et d’éviter cette case antigénique — pour entrer en boîte sans se procurer un faux pass sanitaire? Blick a décidé de tester pour vous. A l’ancienne: avec le certificat Covid de quelqu’un d’autre, doublement vacciné.

Les gorges se rincent à la Smirnoff

Direction l'«ABC», l’autre salle du «D! Club», juste au-dessus. Devant les videurs, les téléphones scintillent à la place des étoiles éteintes par le déluge. Comme un collier de perles détendu. Les gorges se rincent à la Smirnoff. Entre deux tentatives de drague.

«Monsieur, les noms et les dates de naissance ne correspondent pas...»
Photo: Sedric Nemeth

C’est mon tour. L’armoire à glace me demande mon certificat Covid et ma carte d’identité. «Monsieur, les noms et les dates de naissance ne correspondent pas. Je ne peux pas vous laisser entrer.» Je dégaine mon vrai certificat – je suis complètement vacciné. «Vous avez voulu me tester, c’est ça? Vous êtes journalistes?» Grillés par les clics du photographe peu discret, Leica à l’affût.

«J’ai déjà appelé notre responsable sécurité, il arrive. Vous pouvez l’attendre là-bas. (Il s’adresse ensuite à la caissière, ndlr.) Tu peux les laisser passer, ils veulent juste parler à Victor.» Moins de trois minutes et le visage du sympathique Victor Ribeiro apparaît devant les néons de l’enseigne.

Le certificat Covid ne complique pas la vie de Victor Ribeiro, chef de la sécurité du «D! Club».
Photo: Sedric Nemeth

Il est passé 1h. La mythique soirée hip-hop «Downtown Boogie» atteindra bientôt son pic de fréquentation. Chaud! «Vous pouvez venir faire tous les reportages que vous voulez, nous vous accueillons avec plaisir, mais il faut nous avertir! Malheureusement, je n’ai pas le temps de répondre à vos questions. Si vous saviez tout ce qui se passe dans mon oreillette… Appelez-moi mardi!»

«Certains comprennent, d’autres moins»

Je prendrai mon téléphone… jeudi. Pour lui poser deux questions. Les directives Covid lui compliquent-elles la tâche? «Honnêtement, ce n’est pas une difficulté supplémentaire pour les équipes de sécurité. Ces codes QR me plaisent. Les personnes arrivent plus organisées et moins pressées. Cela apaise les interactions à l’entrée. Et on sait que les personnes testées ne sont pas malades au moment où elles se présentent à la porte, c’est bien.» Doit-il refuser beaucoup de monde sans certificat Covid? «De moins en moins. Un samedi, peut-être une soixantaine sur 900. Nos clients sont habitués et peu viennent avec un papier tout mouillé et chiffonné à la place d’un code QR. Mais il y a des gens qui ne recommencent à sortir que maintenant à qui il faut expliquer la procédure. Certains comprennent, d’autres moins…»

Retour dans la nuit lausannoise. Mes jeans sont désormais aussi détrempés que la place de la Riponne. Au loin, le «Folklor». Les parapluies se collectivisent. Prénoms échangés aussitôt oubliés. Un bon quart d’heure avant de tendre mon iPhone. Passera, passera pas? Je ne me fais guère d’illusions. Le soir d’avant, la «Giraf», le «Jagger’s», le «Rockies» et le «D! Club» avaient tous vérifiés mes documents avec soin. D’où ma gueule de bois.

Les parapluies se partagent en attendant de pouvoir aller danser au sec.
Photo: Sedric Nemeth
1/4

Extase des teufeurs

«Mais… Ce n’est pas le même nom sur ta carte d’identité. Je ne peux pas te laisser passer.» Rebelote, je swipe pour lui soumettre mon vrai code QR. En face de moi, un K-Way Adidas bien vintage. Dedans, Fabien Gehrig, l’un des fondateurs du club techno avec Ramon Lorenzo et Thierry Namer. Casquette de biais, barbe, cheveux longs rasés sur les côtés. Visage connu de la Lausanne dite alternative.

Ramon Lorenzo (à gauche) et Fabien Gehrig, deux des fondateurs du club techno.
Photo: Sedric Nemeth

«On vit quand même une crise sanitaire. Nous avons dû engager une personne supplémentaire pour scanner les pass sanitaires. Je ne trouve donc pas ces mesures ultra-contraignantes, il n’y a pas d’obligation de porter le masque, etc. J’ai l’impression que notre clientèle du week-end est en grande majorité vaccinée.» Le son monte les escaliers au bras d’une rougeâtre lumière. Devant les colonnes de son, l’extase des teufeurs. Il est bientôt 2h30. Allez, promis, une bière artisanale et au lit!

Vaud: un seul cluster en boîte de nuit

Les mesures prises dans les discothèques sont-elles efficaces face à la propagation du coronavirus et au variant Delta? Blick a contacté le Canton de Vaud jeudi en fin de matinée. La réponse est tombée en début d'après-midi: «A ce jour, il n'y a eu qu'un seul cluster lié à un club dans le canton de Vaud». Celui-ci date de la semaine du 26 juillet et concerne six personnes, comme l'a aussi relevé «24 heures» à la fin de la même journée. Le Département de la santé et de l'action sociale (DSAS) ne communiquera pas davantage de détails.

Les mesures prises dans les discothèques sont-elles efficaces face à la propagation du coronavirus et au variant Delta? Blick a contacté le Canton de Vaud jeudi en fin de matinée. La réponse est tombée en début d'après-midi: «A ce jour, il n'y a eu qu'un seul cluster lié à un club dans le canton de Vaud». Celui-ci date de la semaine du 26 juillet et concerne six personnes, comme l'a aussi relevé «24 heures» à la fin de la même journée. Le Département de la santé et de l'action sociale (DSAS) ne communiquera pas davantage de détails.

plus
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la