Avec des formations sur Zoom
Cette entreprise douteuse promet à des femmes vulnérables de guérir du cancer

L'entreprise zurichoise Esha cible des femmes malades pour leur vendre des cours avec la promesse douteuse de «gérir du cancer et retrouver la pleine santé». La Ligue contre le cancer se montre très critique et les autorités se penchent enfin sur l'affaire.
Publié: 15.04.2024 à 09:21 heures
Vanessa Mistric

«Je ne sais pas vraiment où j'en suis», écrit une membre du groupe Facebook «Esha – Se libérer du cancer et devenir entièrement sain et épanoui». L'année dernière, elle a été opérée d'une tumeur à l'utérus. Depuis, elle se sent souvent désespérée et angoissée.

Karin Gleichner, l'administratrice du groupe, propose son aide à cette femme. Le cancer entre dans notre vie pour que nous «fassions des changements», explique Karin Gleichner sur Facebook: «Le cancer n'est alors plus nécessaire.»

Session Zoom coûteuses

Karin Gleichner est l'une des trois fondatrices de l'entreprise zurichoise Esha. Par le biais du réseau social et de son propre site web, Esha fait de la publicité avec une promesse de guérison douteuse: «Guérissez du cancer et retrouvez la pleine santé.» Elle propose en outre de coûteuses «retraites de guérison» et des «programmes de transformation anti-cancer».

L'entreprise zurichoise Esha gagne de l'argent en proposant des formations coûteuses aux femmes atteintes de cancer.
Photo: Zvg
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Les retraites de quatre jours avec formations et yoga coûtent entre 1568 et 1688 francs. Payer 2650 francs permet de participer pendant trois mois à des réunions hebdomadaires sur Zoom ainsi qu'à deux «sessions individuelles».

Pourtant, aucun prestataire sérieux n'oserait prétendre pouvoir guérir à coup sûr des patientes atteints d'un cancer – et encore moins par le biais de telles retraites ou de programmes en ligne. Les experts, comme ceux de la Ligue suisse contre le cancer, sont unanimes sur ce point.

Peu de contrôles

Malgré cela, personne n'est intervenu jusqu'à présent. Le groupe n'était pas dans le collimateur des autorités, comme l'a appris Blick après avoir contacté les services compétents. Problème: les offres thérapeutiques non remboursées par l'assurance maladie échappent aux contrôles.

Swissmedic ainsi que la direction de la santé du canton de Zurich disent vouloir analyser la situation. «Dans le cas présent, nous allons clarifier si l'activité est couverte par les autorisations respectives et si elle est en accord avec les devoirs de diligence», explique la direction de la santé.

L'entreprise Esha est active depuis plus d'un an. Son groupe Facebook, librement accessible, compte plus de 130 membres inscrites. Certaines écrivent qu'elles «donneraient tout» pour aller mieux, d'autres expliquent qu'elles ont un besoin urgent d'aide face aux nombreuses difficultés qu'elles rencontrent.

Culpabilisation?

Sur Facebook, Esha contacte personnellement les internautes. L'organisation exerce en outre une pression subtile dans des posts contenant des déclarations pseudo-scientifiques afin d'inciter les femmes intéressées à participer à ses programmes. On peut par exemple y lire que la pensée positive augmente les chances de survie de 70% et que la cause principale du cancer est le stress. De telles théories, présentées comme des faits, contredisent les connaissances scientifiques.

Toujours sur le réseau social, Karin Gleichner explique dans une vidéo qu'une femme lui a confié ne pas avoir suffisamment d'argent pour le programme Esha et qu'elle ne pouvait pas emprunter. Elle demande: «Est-ce vraiment le cas?» Et souligne qu'il est toujours possible de «trouver de l'argent»: «Il s'agit de votre vie, il s'agit d'aller mieux maintenant.»

Selon ses propres dires, Karin Gleichner a suivi des formations de thérapeute en yoga et de coach de vie. L'équipe d'Esha se compose en outre d'une énergéticienne, d'une «mentor en mindset», d'un médecin en médecine interne générale et d'une oncologue. Les personnes concernées peuvent ainsi facilement avoir l'impression qu'il s'agit d'une offre médicale ou thérapeutique vérifiée.

La Ligue contre le cancer prend ses distances

Au début, l'organisation pouvait même se vanter d'être soutenue par la Ligue contre le cancer. Celle-ci avait mis un lien vers le programme sur son site Internet sans l'examiner de manière approfondie au préalable. Dès que la Ligue contre le cancer s'en est aperçue, elle a supprimé l'offre, a expliqué une porte-parole à Blick: «Nous nous distançons clairement de l'attitude idéologique d'Esha.»

En effet, selon l'organisation, il est impossible de trouver la cause concrète d'un cancer chez un individu en particulier. «Nous trouvons donc très problématique que l'on donne aux personnes concernées l'impression qu'elles sont elles-mêmes responsables de leur maladie ou que le cancer est un appel à un changement de vie.» Du point de vue des spécialistes, désigner le stress comme cause principale du cancer et la doctrine Esha comme remède sont des déclarations non scientifiques et hautement problématiques.

«Elles doivent guérir elles-mêmes»

Contactée par Blick, Karin Gleichner souligne que le programme Esha n'est qu'un complément à d'autres offres pour les personnes atteintes de cancer. Il y a quelques années, alors qu'elle et sa cofondatrice souffraient elles-mêmes d'un cancer du sein, il leur manquait une offre qui les aurait accompagnées et soutenues, en plus de la médecine classique: «Nous avons créé Esha pour que d'autres femmes atteintes de cancer n'aient pas à vivre la même chose.» Les clientes souhaiteraient avant tout un échange et un soutien émotionnel. Esha ne propose pas de psychothérapie, c'est pourquoi aucun psychiatre ou psychothérapeute ne fait partie de l'équipe.

La fondatrice des programmes «anti-cancer» conteste que son entreprise promette la guérison: «Notre ne promettons pas de libérer nos clientes du cancer. Nous accompagnons les femmes malades qui souhaitent guérir de manière globale. Elles doivent guérir elles-mêmes, nous ne pouvons pas le faire à leur place.»

Karin Gleichner nie faire pression sur les clientes d'Esha en les culpabilisant: «Nous expliquons que certains modes de vie peuvent contribuer à favoriser la maladie, ce qui ne peut en aucun cas être assimilé à une culpabilisation. Nous nous distançons clairement de l'idée de culpabilité.»

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