Analyse de Gieri Cavelty
L'UDC, parti des pro-bonus... et parti des anti-bonus

Tantôt contre les grandes banques et leurs excès, tantôt pour les bonus: Thomas Aeschi, chef du groupe parlementaire UDC aux Chambres fédérales, a fait deux déclarations contradictoires en un court laps de temps. L'illustration de l'hésitation de l'UDC sur le sujet.
Publié: 17.04.2023 à 19:03 heures
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Gieri Cavelty

C'était mardi dernier, le 11 avril, dans la salle du Conseil national. Il est 19h37 lorsque le chef du groupe UDC, Thomas Aeschi, prend la parole: «Le Conseil fédéral et la Finma n'ont pas fait leur travail. Une fois de plus, ce sont les contribuables qui doivent sauver une grande banque suisse. C'est pourquoi le groupe UDC dit clairement non à la garantie de 109 milliards de francs de la Confédération.»

À 20h34, un certain Thomas Aeschi prend la parole à nouveau. Le Zougois s'oppose à l'exigence selon laquelle les grandes banques devraient avoir les reins plus solides. Aux yeux du chef de groupe UDC, Credit Suisse n'aurait pas bénéficié d'une plus grande confiance, même en respectant une telle exigence. «Interdire les bonus aux banques d'importance systématique n'aurait pas non plus sauvé Credit Suisse», poursuit Thomas Aeschi.

En moins d'une heure, le conseiller national s'est donc posé tantôt en critique virulent des grandes banques, tantôt en avocat docile. C'est bien plus qu'une contradiction fortuite: il s'agit du modèle d'affaires de l'UDC dans son essence même. L'UDC est le parti des bonus des banquiers. Et, en même temps, cette même formation essaie de porter la voix de ceux qui se sentent trahis par les banquiers et leurs bonus, ainsi que par tout un système qui les tolère et les sauve, si nécessaire.

Thomas Aeschi a dit tout et son contraire en 57 minutes, critique notre journaliste.
Photo: keystone-sda.ch
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Dix ans de critiques contre la Finma

La politique est souvent faite de paradoxes. C'est en ce sens qu'il faut comprendre la déclaration de Thomas Aeschi sur la surveillance des marchés financiers. Aujourd'hui, l'UDC reproche à l'Autorité fédérale de ne pas avoir mieux surveillé Credit Suisse — ces dernières années, le parti s'est opposé avec succès à une Finma forte.

Voici des exemples: en 2022, le conseiller national UDC Bruno Walliser critiquait le fait que la Finma «décide elle-même comment si et comment elle veut réglementer». Une année plus tôt, le conseiller national UDC Thomas Matter se plaignait des «obligations élevées et coûteuses de la Finma».

En plus des démarches de ses élus, le parti n'est pas en reste. Un communiqué du groupe UDC sous la Coupole daté du 17 février 2018 explique ainsi: «Deux interventions visant à restreindre le champ d'action de la Finma, l'autorité de surveillance des marchés financiers, seront soutenues à l'unanimité.»

Un peu plus tôt, en 2017, le conseiller national UDC Gregor Rutz critiquait la Finma pour avoir «interprété de manière extensive son mandat et déployé de nouvelles activités sans contrôle avec une dynamique propre excessive». Thomas Aeschi lui-même a pris position personnellement contre la Finma, en affirmant que l'autorégulation «a fait ses preuves en Suisse».

Un dernier exemple: en 2012 déjà, le conseiller national UDC Thomas de Courten s'en prenait au «zèle réglementaire de la Finma»: «Cela conduit à des incertitudes pour la place financière suisse, qui ont des répercussions sur l'attrait de la Suisse et l'ensemble de l'économie.»

Un fier service à l'UDC

Lorsqu'il a reproché ce fameux mardi au Conseil fédéral de ne pas avoir accompli ses tâches, Thomas Aeschi aurait été bien inspiré de faire allusion à un certain Ueli Maurer. Ce même Ueli Maurer qui, lors de ses derniers jours de mandat avant sa démission du Conseil fédéral, en décembre dernier, a fait l'éloge de Credit Suisse et déclaré qu'il fallait maintenant «laisser tranquille la banque pendant un ou deux ans»...

Sitôt l'ancien ministre parti du Conseil fédéral, plusieurs médias ont fait état du rôle prépondérant qu'il pourrait jouer dans la campagne électorale de l'UDC. Ce n'est peut-être même plus nécessaire. Car si la politique a tiré une leçon de la crise financière mondiale en 2008, c'est bien celle-ci: de tels événements font le jeu des partis de droite. En brandissant non pas la «mauvaise gestion», mais «l'immigration», réponse la plus percutante aux yeux de l'électorat.

Dans cette optique, Ueli Maurer a probablement fait davantage pour l'UDC en restant inactif dans l'affaire du Credit Suisse que s'il avait pris ses responsabilités et n'avait pas abandonné à lui-même l'établissement financier en difficulté. Et Thomas Aeschi en est le premier satisfait.

Gieri Cavielty est rédacteur en chef de SonntagsBlick.
Photo: Thomas Meyer
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