Affaire Magnitsky
Le Ministère public de la Confédération rejette les accusations US

L'ex-procureur général Michael Lauber ainsi que deux autres Suisses sont visés par la commission américaine Helsinki dans le cadre d'une affaire fiscale avec la Russie. Le Ministère public de la Confédération rejette les accusations ce samedi.
Publié: 29.07.2023 à 16:58 heures

La commission américaine Helsinki demande au gouvernement américain d'imposer des sanctions contre trois Suisses dans le cadre d'une affaire fiscale avec la Russie. Parmi les ciblés figure l'ex-procureur général Michael Lauber. A Berne, le MPC se dit surpris.

L'ex-procureur général Michael Lauber ainsi que deux autres Suisses sont visés par la commission américaine Helsinki dans le cadre d'une affaire fiscale avec la Russie. Celle-ci demande au gouvernement américain d'imposer des sanctions contre ces derniers. Le Ministère public de la Confédération rejette les accusations.

Un ancien procureur fédéral, Patrick Lamon, est aussi visé, ainsi qu'un expert de la Russie de l'Office fédéral de la police (fedpol). La requête de la commission Helsinki du congrès des Etats-Unis a été publiée vendredi sur Twitter par l'investisseur Bill Browder.

Parmi les ciblés figure l'ex-procureur général Michael Lauber.
Photo: Keystone

La demande a été faite en vertu de la loi dite Magnitsky, qui restreint la liberté de mouvement et gèle les avoirs aux Etats-Unis des individus et entités accusés d'enfreindre les droits de l'homme. La commission Helsinki, indépendante du gouvernement, est notamment chargée de la coopération financière en Europe.

Dans sa lettre diffusée vendredi, la commission Helsinki accuse les trois Suisses d'aider des Russes sanctionnés à accéder à des fonds gelés en Suisse. Il est aussi reproché aux trois Suisses d'avoir accepté des cadeaux et des voyages offerts par des responsables et des oligarques russes.

Affaire Magnitsky

Ces fonds russes de 18 millions de francs ont été bloqués en Suisse au début des années 2010 dans le cadre de l'affaire Magnitsky. Le MPC avait arrêté en 2021 la procédure de blanchiment d'argent en lien avec une fraude fiscale de 230 millions de dollars en Russie et ne voulait confisquer que quatre des 18 millions. Il n'a été possible de prouver un lien que pour une partie des avoirs confisqués en Suisse et l'infraction commise en Russie, avait-il justifié.

La commission Helsinki accuse les personnes impliquées dans le dossier à l'époque d'avoir agi injustement en faveur des Russes sanctionnés. Le MPC «a répété textuellement la déclaration reçue du gouvernement russe» pour se justifier, ajoute la lettre de la commission américaine.

Pour mémoire, l'avocat Sergueï Magnitski conseillait la société londonienne Hermitage Capital en Russie cofondée par Bill Browder. L'avocat est mort dans une prison moscovite en novembre 2009 après avoir dénoncé un an auparavant une vaste machination financière de 230 millions de dollars ourdie, selon lui, par des responsables de la police et du fisc russe au détriment de son employeur et de l'Etat russe.

Le MPC avait ouvert en 2011 une enquête pour blanchiment d'argent dans le cadre de cette affaire. Dix-huit millions de francs ont alors été bloqués sur des comptes en Suisse.

Contacté par Keystone-ATS samedi, le MPC rejette «avec la plus grande fermeté» les accusations et les requêtes de la commission Helsinki. Elles sont sans fondement, fait-il savoir.

«Surprenant»

Au vu des expériences faites avec les autorités américaines, les déclarations et les exigences de la commission d'Helsinki sont surprenantes, ajoute le MPC. Lors des contacts réguliers et personnels, le «Department of Justice» américain qualifie toujours la collaboration de bonne avec la Suisse.

L'indépendance de la justice est un élément capital de l'Etat de droit, rappelle le MPC. Pour la garantir, les procédures pénales doivent être protégées des influences politiques et autres.

Les procédures pénales sont soumises à l'examen de tribunaux indépendants, poursuit le MPC. Il souligne que la procédure évoquée par la commission Helsinki se déroule de manière correcte et conforme à la législation. Le MPC renvoie à plusieurs décisions du Tribunal pénal fédéral, qui avait soutenu la conduite de la procédure du MPC.

«Le MPC n'a pas l'intention de commenter les déclarations de Monsieur Browder et les requêtes qui en découlent», fait savoir l'autorité judiciaire.

Par la voix de son avocat, l'ex-procureur général de la Confédération Michael Lauber fait savoir à Keystone-ATS samedi qu'il «rejette formellement ces accusations. Elles sont fausses, attentatoires à l'honneur et tout simplement ridicules».

A prendre «au sérieux»

Samedi au 12:45 de la RTS, qui reprend l'émission «10 vor 10» de la télévision alémanique SRF la veille, le professeur bâlois de droit pénal Mark Pieth, qui avait conseillé il y a plusieurs années Bill Browder, met en garde: «Nous devons le prendre au sérieux, même si nous ne sommes pas d'accord avec ce qu'il dit. Nous devons faire attention car il est effectivement en mesure d'agir contre la Suisse. Je ne pense pas que c'est une bonne idée que les autorités suisses fassent le mort.»

(ATS)

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