Accusé d'homophobie à Lausanne
Trois mois de prison ferme requis contre l'idéologue Alain Soral

Le procureur général vaudois Eric Cottier a requis mercredi trois mois de prison contre l'essayiste franco-suisse d'extrême droite Alain Soral pour homophobie. Devant le Tribunal de police de Lausanne, la défense a, elle, plaidé l'acquittement. Verdict vendredi.
Publié: 14.12.2022 à 20:25 heures
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Dernière mise à jour: 15.12.2022 à 10:58 heures

Alain Soral, de son vrai nom Alain Bonnet, 64 ans et domicilié à Lausanne depuis octobre 2019, était jugé pour diffamation et pour discrimination ou incitation à la haine contre une journaliste de «La Tribune de Genève» et de «24 heures» ayant publié un article à son sujet en août 2021.

Ce procès faisait suite à une ordonnance pénale du Ministère public au printemps dernier, contre laquelle l'écrivain, journaliste et éditeur s'était opposé. Eric Cottier a donc confirmé le dispositif de cette sanction dans son réquisitoire, le dernier avant son départ à la retraite à la fin de l'année.

Dans une vidéo publiée sur le site internet de son association Égalité et Réconciliation (E&R) en réaction à l'article, Alin Soral avait notamment traité la journaliste de «grosse lesbienne» et «militante queer», insinuant que ce dernier terme voulait dire «désaxé». Celle-ci avait déposé une plainte pénale en septembre 2021. L'accusation a qualifié ce discours d'homophobe.

Alain Soral, de son vrai nom Alain Bonnet, 64 ans et domicilié à Lausanne depuis octobre 2019, mercredi devant le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne, à Montbenon.
Photo: LAURENT GILLIERON

«La Suisse n'est pas la Soralie»

«Le but visé de la vidéo était d'atteindre personnellement la journaliste par rapport à son orientation sexuelle et de susciter des sentiments de haine et de mépris», a déclaré le procureur général. «M. Soral a enfreint la loi, la décision du tribunal peut-être exemplaire et une première en Suisse (...) La Suisse, ce n'est pas la Soralie», a-t-il affirmé.

Eric Cottier faisait référence à une nouvelle disposition du Code pénal (art. 261 bis), approuvée par le peuple en février 2020. Elle permet de sanctionner la propagation de la haine ainsi que les appels à la discrimination ou à la violence fondés sur l'orientation sexuelle, à l'instar des discriminations visant l'ethnie, la religion ou l'origine depuis la norme antiraciste introduite en 1995.

«Il y a une arrogance, un mépris, un égocentrisme et une absence totale d'empathie, pas le plus petit des regrets» chez Alain Soral, a aussi relevé le procureur. Il a justifié la peine ferme, sans sursis, dans une «logique pénale» pour dissuader le pamphlétaire de récidiver, lui qui a déjà été condamné à une vingtaine de reprises en France, en grande partie pour des infractions liées à la provocation à la haine, diffamation et injure antisémite.

«Procès d'inquisition»

De son côté, la défense a évoqué une affaire qui prend «des allures de procès d'inquisition». L'avocat d'Alin Soral, Pascal Junod, a réfuté la diffamation. «Le Minsitère public se trompe, les mots utilisés dans la vidéo n'étaient pas dépréciatifs. Il s'agit de considérations factuelles» mal interprétées, a-t-il argumenté. «C'était peut-être virulent sur le ton mais pas sur le fond.»

Pour l'avocat, l'article de la journaliste «n'était pas modéré, il était même mensonger, un article miltant et politique». Il a aussi rappelé, comme Alain Soral lui-même, la violence exercée contre son client, les campagnes de dénigrement systématiques de la part des médias, l'acharnement de la communauté LGBT qui lui est hostile, les injures et menaces dont il est souvent victime.

Alain Soral est «un primodélinquant en Suisse, qui n'a jamais eu de condamnation dans ce pays, qui a une conduite exemplaire depuis son installation, qui n'a aucune activité politique et ne fait qu'écrire en paix» depuis trois ans à Lausanne, a encore énuméré son avocat, plaidant dès lors l'acquittement de tous les chefs d'accusation.

Très affectée psychologiquement

L'avocat de la journaliste, Etienne Campiche, a, lui, décrit un «acte courageux» de vouloir porter plainte pour qu'«à l'avenir ce type d'attaque réduisant une personne à son orientation sexuelle ne se reproduise plus». C'est un cri du cœur et non un plaidoyer politique, a-t-il résumé. La journaliste a été très affectée psychologiquement par les propos d'Alain Soral.

«J'ai été frappée par la mise en scène de la vidéo avec ma photo en grand et choquée par les commentaires haineux qui sont restés sous ma photo, sans modération. Cela m'a fait prendre conscience des effets de l'incitation à la haine, à mon encontre et par ricochet contre la communauté LGBT», a-t-elle expliqué.

Conciliation refusée

Au cours de l'audience, la présidente du tribunal Malika Turki a proposé aux deux parties une conciliation, qui a été refusée par la plaignante. «Le mal est déjà fait. Je laisse la justice trancher», a dit la journaliste. Alain Soral s'est néanmoins engagé à retirer immédiatement la vidéo du site internet.

Il a admis une réaction «agacée, excédée, voire vindicative» ainsi que «des mots violents et inélégants» au lieu d'être «plus littéraires et intellectuels». Il a aussi rappelé qu'à l'époque, il était «psychologiquement fragile» en raison de deux opérations à venir contre un cancer.

Le verdict est attendu vendredi à 17h.

(ATS)

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