Révolte contre le régime islamique
Déjà 35 morts dans les manifestations qui embrasent l'Iran

Les manifestations de masse se poursuivent, après la mort de Mahsa Amini. Le chaos règne dans les rues, et le nombre de décès augmente. Alors que le gouvernement iranien menace les manifestants, les Etats-Unis s'en mêlent.
Publié: 24.09.2022 à 21:19 heures
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Dernière mise à jour: 24.09.2022 à 21:20 heures
Fabian Babic

La mort de la jeune iranienne Mahsa Amini, à la suite de son arrestation par la police des moeurs, a déclenché une vague d'indignation en Iran: des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour manifester contre le régime. Ces protestations, qui se poursuivent de plus belle, font par ailleurs de plus en plus de victimes.

«Le nombre de morts dans les récentes émeutes dans le pays est passé à 35», a rapporté vendredi soir l'agence de presse Borna, liée au ministère des Sports, en se référant à la télévision nationale iranienne. Les autorités, de leur côté, ont annoncé un bilan de 17 morts.

Encore d'autres chiffres circulent toutefois: Selon l'organisation de défense des droits de l'homme Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, au moins 50 personnes ont été tuées. Samedi, les autorités iraniennes annoncent qu'elles ne communiqueront pas de nouveaux chiffres sur les victimes, ne pouvant pas encore fournir d'informations fiables.

Les manifestations de masse en Iran provoquent des troubles dans les villes.
Photo: keystone-sda.ch
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La police déserte certaines villes

Les manifestations de masse tiennent le pays en haleine. Des vidéos d'affrontements violents entre la police et les manifestants circulent sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, un journaliste iranien partage une vidéo montrant l'incinération d'une statue d'Ali Khamenei, à Mashhad, sa ville natale. En tant que «guide suprême», Khamenei est le chef politique et religieux du pays.

Pendant ce temps, il se peut que, en certains endroits, les manifestants aient fini par repousser la police hors de la ville. À Oschnaviyeh, au nord-ouest du pays, par exemple, il n'y aurait plus aucune trace de policiers, ou d'autres forces de sécurité de l'Etat. «Oschnaviyeh est désormais entièrement sous le contrôle des manifestants», écrit un autre journaliste iranien sur Twitter.

Des attentats à la bombe désamorcés?

Selon les informations des services secrets iraniens, plusieurs attentats à la bombe auraient déjà été déjoués lors des manifestations. Ceux-ci auraient été planifiés par des partisans de la monarchie, et des membres des Moudjahidines au sein du peuple, dans la ville de Tabriz, dans le nord-ouest du pays, selon un rapport cité samedi par l'agence de presse Mehr. Les suspects ont pu être arrêtés.

L'Iran affirme que ces manifestations sont en réalité pilotées depuis l'étranger, par des groupes d'exilés iraniens, dans le but d'affaiblir le pays, voire de renverser le gouvernement. Le cas Amini ne serait ainsi qu'une excuse. «Oui aux protestations, non aux troubles», a déclaré le président Ebrahim Raisi. Il ne permettra pas que des émeutiers et des «mercenaires payés par l'étranger» mettent en danger la sécurité du pays, a-t-il asséné. C'est pourquoi la police, l'armée, les «gardiens de la révolution» et l'autorité judiciaire doivent intervenir de manière conséquente, selon le chef d'Etat.

Faire l'éloge des contre-manifestants

Les partisans du gouvernement sont, eux aussi, descendus dans la rue vendredi après-midi pour défendre le port du voile. Ils se sont rassemblés dans les villes du pays après la prière du vendredi et ont, selon les médias d'Etat, juré obéissance au guide suprême Khamenei.

Le président Raisi ne tarit d'ailleurs pas d'éloges à propos des contre-manifestants. Selon lui, ces derniers sont l'incarnation de la victoire de la République islamique. Dans le même temps, il a menacé ceux qui se rebellent contre le régime: «Ils doivent savoir que nous ne permettrons en aucun cas que la sécurité du pays et du peuple soit mise en danger».

Internet paralysé, les Etats-Unis s'en mêlent

En Iran, Internet est massivement restreint et les réseaux mobiles, en particulier, sont en grande partie coupés. Instagram, l'un des derniers réseaux sociaux libres dans le pays, a également été bloqué. Les manifestants ont ainsi plus de mal à se connecter et à se parler entre eux.

Le gouvernement américain s'en mêle: il veut permettre aux Iraniens d'avoir un meilleur accès à Internet et à des informations indépendantes. Le ministère des Finances étasunien a fait savoir, vendredi à Washington, que les entreprises informatiques américaines seraient désormais autorisées à étendre leurs activités commerciales en Iran.

Pour ce faire, les restrictions existantes ont été partiellement levées. Une autorisation actualisée permet donc aux entreprises de proposer à nouveau davantage de services en ligne en Iran – notamment des réseaux sociaux, des logiciels de vidéoconférence et des services Cloud.

Cette mesure doit permettre d'élargir «la libre circulation des informations et l'accès à des informations basées sur des faits pour les habitants de l'Iran», a fait savoir le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. «Ces mesures contribueront à contrecarrer les efforts du gouvernement iranien pour surveiller et censurer ses citoyens». Les sanctions américaines, qui avaient déjà été imposées à l'Iran en 2014, avaient jusqu'à présent empêché les entreprises informatiques étasuniennes de proposer toutes leurs gammes de services dans le pays.

Une arrestation à l'issue fatale

Pourquoi la mort de Mahsa Amini, 22 ans, a-t-elle été suivie d'une telle vague de protestations? Elle a été arrêtée par la police des mœurs, dans la capitale Téhéran, parce qu'elle ne portait pas le foulard islamique conformément aux strictes prescriptions. Apparemment, des mèches de cheveux en trop dépassaient de son hijab.

On ne sait pas exactement ce qui est arrivé à Mahsa Amini après son arrestation. Mais nous savons qu'elle est tombée dans le coma, avant de décéder le 16 septembre, dans un hôpital. Les manifestants accusent la police des mœurs d'avoir eu recours à de la violence. Selon les défenseurs des droits de l'homme et la presse internationale, la jeune femme a reçu un coup mortel à la tête avec un bâton. La police iranienne rejette ces accusations. Depuis, des centaines de milliers de personnes manifestent dans tout le pays, pour Amini, et surtout contre la politique répressive et la violence du gouvernement.

Dernièrement, le ministre iranien de l'Intérieur Ahmad Wahidi a confirmé les déclarations de la police, remettant de l'huile sur le feu: «Les examens médicaux et ceux du médecin légiste montrent qu'il n'y a pas eu de coups ni de fracture du crâne», a-t-il déclaré samedi, selon l'agence de presse Irna.

La police iranienne affirme qu'Amini est tombée dans le coma, avant de décéder en raison d'une défaillance cardiaque. Le père d'Amini a critiqué le rapport du médecin légiste avec véhémence. Sa fille n'avait aucun problème cardiaque, et n'a donc pas pu mourir dans de telles circonstances.

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