Philippe Nantermod
Lex Netflix, la loi des petits pots de confiture

Philippe Nantermod a rejoint les rangs des chroniqueurs de Blick. Le conseiller national PLR valaisan aborde ici la Lex Netflix, soumise au peuple suisse le 15 mai prochain.
Publié: 01.04.2022 à 15:04 heures
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Dernière mise à jour: 01.04.2022 à 16:59 heures
Philippe Nantermod

Confédération, cantons, villes, fondations ou organisations parapubliques, SSR, Loterie romande: on a monté une véritable usine à gaz pour soutenir le cinéma suisse. Un cinéma que l’on ne surprend pas les mains dans LE pot de confiture, mais dans LES pots de confiture, disposés en rang d’oignon dans l’armoire à subventions publiques. Pour preuve: bon an mal an, pour chaque ticket de cinéma vendu, on verse 140 francs de subsides. Et comme chacun le sait, l’appétit vient en mangeant.

Alors, comme me le glissait à l’oreille un penseur du Haut Plateau, certains milieux ont développé une mauvaise habitude: «Quand ils voient du blé, il faut le faucher.» Il manque un pot à leur collection: celui des plateformes de streaming. À coup d’invitations à Locarno et de discours patriotico-culturels vibrants, on a convaincu le législateur d’imposer à l’électeur-contribuable ce qu’il n’a jamais demandé: une nouvelle loi pour régir des services qui conviennent parfaitement à leurs clients, la fameuse «Lex Netflix».

Par subtilité, comme un ballon d’essai, on exige le minimum. Juste de quoi tremper le bout des doigts. Quatre misérables pourcents. Quatre fois rien. Et puis on vous le dit: ce ne sont pas les abonnés qui paieront, ce sont les plateformes. Ces vilains qui ont le culot de trouver un public et de gagner de l’argent en produisant des films, alors qu’une certaine morale culturelle exige qu’on en perde.

Philippe Nantermod aborde ici la Lex Netflix, soumise au peuple suisse le 15 mai prochain.
Photo: Keystone

Reste que quand on taxe le lait, c’est rarement la vache qui paie l’impôt. Et comme Netflix n’a pas de planche à billets, ces 4% seront prélevés sur notre abonnement d’une manière ou d’une autre. Pour financer un catalogue que l’on n’a pas demandé. Pour vous forcer à regarder 30% de cinéma européen, même si vous avez choisi une plateforme pour ses mangas japonais ou ses blockbusters américains.

S’il n’est pas question de critiquer la qualité du cinéma suisse (c’est un autre débat, tabou), je ne vois pas pour quelle raison les spectateurs qui ont choisi Disney+, AppleTV ou Amazon Prime devraient être punis pour leurs goûts. Cette affaire a un nom: c’est une sanction contre celles et ceux qui consomment de la culture étrangère, dans un vieux relent d’antiaméricanisme enfantin qu’on espérait un peu dépassé. Une petite touche élitiste aussi, ce petit mépris jaloux contre la culture qui cartonne.

Il y a encore vingt ans, les milieux artistiques se moquaient des esprits chauvins. De «La Suisse n’existe pas» de Ben en 1992, on est passé aux promoteurs de la culture qui se réjouissent que votre prochaine série TV soit peut-être juste «suisse». On aurait aussi juste aimé qu’elle soit simplement bonne.

Notre cinéma ne vaut-il pas mieux que des quotas ? Pour convaincre, n’a-t-il rien de plus à offrir que des obligations d’investir ou des taxes? Doit-il se déguiser en Guillaume Tell et se réclamer d’un absurde nationalisme culturel, exaltant l’origine d’une œuvre comme gage de sa qualité? À tout prendre, on subira bientôt aussi les quotas de fondue au vacherin dans les restaurants chinois et un pourcentage minimum de Swatch dans les magasins Apple.

Entrer dans cette logique est absurde, dans un pays qui vit pour moitié des biens et services qu’il adresse au reste du monde. L’avenir du cinéma suisse ne passe pas par des quotas et de petits pots de se subventions. Il passe par la créativité et la capacité à rencontrer le public.

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