Les symboles de la Suisse semblent s’effondrer les uns après les autres: la place bancaire flanche, la démocratie directe est remplacée par le droit d’urgence, et le principe de neutralité est remis en question. Mais il y a aussi des raisons d’espérer, grâce à des femmes courageuses de plus de 70 ans qui se battent pour l’avenir de tous les Suisses.
Une délégation de plusieurs dizaines d’énergiques retraitées était à Strasbourg mercredi lors de l’audience des Aînées pour le climat à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Les «Aînées pour le climat» ont porté plainte contre le gouvernement suisse pour son manque d’action dans la réduction de son empreinte climatique. Les femmes âgées sont particulièrement touchées, car elles sont les plus à risque lors des canicules. Environ un tiers des décès lors des canicules en Suisse peut être attribué aux émissions humaines de gaz à effet de serre.
Le jugement ne sera rendu que dans plusieurs mois. Mais la CEDH prend ce cas au sérieux et l’a assigné à sa Grande Chambre. Avec mon collègue de l’EPFZ et du GIEC, Andreas Fischlin, nous étions en personne à Strasbourg pour assister à l’audience, car nous avons soumis ainsi que d’autres scientifiques, personnes et institutions l’une des 23 interventions de tiers à la cour. Nous avons résumé dans notre intervention écrite les conclusions du dernier rapport du GIEC qui montrent clairement que:
- Toute émission additionnelle de CO2 induit plus de réchauffement global.
- La fréquence et l’intensité des jours extrêmement chauds et des canicules augmentent en fonction de la température globale.
- Les dangers pour la santé augmentent avec l’augmentation des canicules, en particulier pour les femmes âgées.
Par ailleurs, nous avons aussi étayé que la Suisse a des objectifs moins ambitieux de réduction d’émissions de gaz à effet de serre que ses voisins européens de niveau de développement comparable.
Il est malheureux que nous en soyons arrivés là, mais faut espérer que la plainte des aînées pour le climat permette de faire avancer l’action climatique du gouvernement suisse. Même si de nombreuses villes et cantons ont mis sur place des politiques ambitieuses afin de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, nous n’avons pas encore de législation à l’échelle nationale nous permettant de décarboniser la société au rythme nécessaire pour limiter le réchauffement global à 1,5 °C, ainsi que le prévoit l’accord de Paris que la Suisse a ratifié.
Indépendamment de toute considération légale, c’est néanmoins le courage et l’énergie des Aînées pour le climat qui m’ont le plus frappée à Strasbourg. Cette septantaine de femmes d’âge avancé dégageait la bonne humeur, mais aussi le sens des responsabilités. Elles s’engagent pour leur quotidien et leur avenir, mais aussi par solidarité avec la société suisse et les jeunes générations. Le courage, l’énergie et la solidarité intergénérationnelle me semblent des valeurs dignes de la Suisse. Peut-être des valeurs pour une nouvelle vision de la Suisse, au-delà du chocolat et des bonus des cadres financiers.
Et qui sait si nous aurons dans quelques années un nouveau monument en Suisse à côté des statues de Guillaume Tell, Alfred Escher, Henri Dunant et autres héros suisses: celui des Aînées pour le climat?