Chronique de Philippe Nantermod
Les syndicats féministes devraient arrêter d'être machistes

Le conseiller national PLR valaisan Philippe Nantermod, membre de notre équipe de chroniqueurs, revient sur le grand sujet politique du moment: la réforme de l'AVS. Il s'interroge d’où vient la barre des 64 ans, âge de la retraite pour les femmes jusqu'à présent.
Publié: 15.09.2022 à 11:56 heures

Bon sang, mais pourquoi 64 ans? Selon les opposants à AVS21, c’est pour compenser les inégalités salariales que le Parlement aurait, en 1956, puis en 1964, abaissé l’âge de la retraite des femmes qui a depuis été rehaussé, finances publiques oblige.

En période parlementaire, il est amusant de se plonger dans les anciens procès-verbaux du Conseil national des Trente Glorieuses et de relire ce que les élus racontaient à l’époque. Et c’est gratiné. On parle bien d’élus: en ces temps mouvementés, la place des femmes n’était certainement pas dans l’hémicycle. C’est ainsi un quarteron d’hommes qui pérorait dans les langues nationales sur le rôle des femmes, leurs qualités et leurs défauts supposés, qui décidèrent à l’époque d’offrir trois ans de retraite supplémentaires à la moitié de la population dénuée encore du droit d’ouvrir un compte bancaire sans l’approbation de leur époux.

Ainsi, on commençait la discussion par admettre que les femmes vivaient déjà plus vieilles que les hommes «parce qu’elles ne fument pas». Toutefois, de l’avis général, il se justifiait malgré tout de permettre aux femmes d’accéder à la retraite plus tôt. Dans un élan patriarcal qui mettrait Twitter en position latérale de sécurité, un autre relevait que les hommes épousaient par principe des femmes de dix à vingt ans leur cadette, et qu’il était dur d’exiger de ces messieurs qu’ils attendent 75 ans pour jouir d’une retraite de couple. On sent aussi l’effroi de cet élu argovien qui s’inquiétait que certains milieux préfèrent le suffrage féminin: à ce tarif, il valait toujours mieux réduire l’âge de la retraite.

Les Suisses voteront sur le projet AVS21 le 25 septembre 2022.
Photo: keystone-sda.ch

«Les droits des deux sexes ne sont pas les mêmes»

Le Conseil fédéral soutenait la réforme, considérant que «la femme était désavantagée à maints égards sur le plan physiologique. En règle générale, ses forces physiques déclinent plus tôt, ce qui la contraint très souvent «à abandonner ou à restreindre prématurément son activité lucrative». On découvre enfin que «les femmes d’un certain âge sont plus sujettes à la maladie». Il fallut aussi «mieux tenir compte de la capacité de travail respective des deux sexes», sous-entendu que celles-ci sont incapables de travailler comme ceux-là.

La palme misogyne revient sans doute à un sénateur bâlois qui proposa de porter la réforme jusqu’à réduire l’âge de la retraite à 60 ans, pour ce motif vertigineux: «Les droits et les obligations des deux sexes ne sont pas les mêmes. Nous, les maîtres de la création, imposons des devoirs aux femmes, mais leur accordons peu de droits. Je rappelle seulement d’une part le droit de vote, d’autre part l’obligation de payer des impôts. Il n’y a aucune trace d’égalité.»

Soixante ans plus tard, les syndicats féministes revendiquent la mesure portée par les motifs les plus machistes que l’on puisse imaginer. A l’époque, le privilège des 64 ans servait à distinguer hommes et femmes. Aujourd’hui, il devrait gommer nos différences? Depuis ce temps que les moins de 64 ans ne peuvent pas connaître, les femmes ont heureusement accédé au droit de vote, au droit à l’égalité salariale, à l’interdiction des discriminations fondées sur le sexe, au congé maternité. Si la lutte n’est pas terminée, le sens de l’Histoire semble bien établi, quant à lui.

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