Après Navany, qui sera le prochain?
Vladimir Poutine tue, et les Russes subissent (comme nous)

Quelle que soit la cause du décès d'Alexeï Navalny, pour notre journaliste et expert Richard Werly, la leçon est claire: le seul langage que comprend Poutine, vis-à-vis de son peuple comme de ses voisins, est celui de la force.
Publié: 17.02.2024 à 10:52 heures
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Dernière mise à jour: 23.02.2024 à 13:22 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

On connaît le discours. Il pimente les conversations, y compris en Suisse. Il alimente les réflexions de ceux qui recommandent encore de ne pas tomber dans le «piège ukrainien». Ce discours consiste, envers et contre tout, à défendre Vladimir Poutine.

Qu’importe si le président russe, assuré d’être réélu le 17 mars, a lancé son armée à l’assaut d’un État qui n’a jamais agressé son pays. Qu’importe si ses soldats transforment des villes ukrainiennes en charnier. Qu’importe si ses missiles et ses drones kamikazes s’abattent sur des cibles civiles. Pour ceux qui continuent de le défendre, car il est le chef d’État d’un grand pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et qu’il est donc, selon eux, incontournable, Poutine est encore digne de confiance. Cet homme-là est devenu ce qu’il est, continuent même d’affirmer certains d’entre eux, à cause de l’Occident et de l’OTAN, son bras armé.

Ce discours, aujourd’hui, est indécent. Inacceptable. Insoutenable. La mort d’Alexeï Navalny en Sibérie, dans une prison goulag, l’a rendu encore plus impossible à entendre. Il va de soi qu’un jour, le retour de la paix en Ukraine passera par un accord avec la Russie. Peut-être faudra-t-il alors négocier – avec, pourquoi pas, la Suisse au rang des facilitateurs – avec Vladimir Poutine lui-même.

Le PDG de Konar, Valery Bondarenko, l'assistant présidentiel russe Maxim Oreshkin, le président russe Vladimir Poutine, le ministre russe de l'industrie et du commerce Denis Manturov et le gouverneur de la région de Chelyabinsk Alexei Teksler (de gauche à droite) visitent l'usine Konar. Chelyabinsk, Russie le 16 février 2024
Photo: DUKAS
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Mais employons à partir de maintenant les mots justes pour désigner cet ancien colonel du KGB, devenu le chef d’une mafia enracinée dans les services de sécurité hérités de l’ex URSS. Oui, comme l’a répété Joe Biden après l’annonce de la mort de Navalny après l’avoir déjà dit dans le passé, Poutine est responsable de la mort de l’opposant qui osait le défier. Oui, Poutine est un tueur. Et son peuple, comme nous tous, sommes condamnés à subir ses méthodes, que la guerre en Ukraine, au vu des atrocités commises par l’armée russe, expose au grand jour depuis bientôt deux ans.

Débattre est légitime

Débattre du bien-fondé du soutien occidental à l’Ukraine est légitime. S’interroger sur la montée des tensions qui ont conduit Vladimir Poutine à s’enfermer dans sa paranoïa impériale est justifié. Mettre en cause la façon dont les États-Unis, patrons de l’OTAN, ont instrumentalisé le dossier Ukrainien peut aussi se comprendre.

Parler de tragédie commune, lorsque l’on voit les jeunes soldats russes et ukrainiens se faire décimer dans leurs tranchées, n’est pas déplacé. Mais défendre encore Poutine, non! Choisir, en aveugle, de fermer les yeux sur ses crimes, ses méthodes, et la terreur qu’il utilise comme mode de gouvernement porte aujourd’hui un nom: être complice de l’oppression dont tout un peuple, le continent européen et la communauté internationale, sont aujourd’hui les victimes.

Parfait cynique

Le polémiste télévisuel américain Tucker Carlson, qui vient d’interviewer Poutine à Moscou, voit peut-être juste lorsqu’il dit, en parfait cynique, que l’exercice du pouvoir exige parfois, dans certains pays, d’éliminer physiquement ses opposants. Mais notre devoir de démocrate, après la mort de Navalny, doit être au moins de mettre un mot sur les réalités. Vladimir Poutine tue. Il est un président meurtrier patenté, forgé dans l’acier le plus dur de l’ère totalitaire soviétique.

Voilà à qui nous avons affaire. Tel est le dirigeant qu’une grande partie du peuple russe soutient, au nom d’un nationalisme instrumentalisé et d’une nostalgie de grandeur souillée du sang de ceux qui, de la journaliste Anna Politkovskaïa, à l’ancien premier ministre Boris Nemtsov ou aujourd’hui à Alexeï Navalny, ont payé de leur vie le prix d'avoir dit «Non».


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