Synthèse du premier tour des présidentielles françaises
Comme en 2017, Macron et Le Pen s'affronteront au second tour

Ils étaient douze sur la ligne de départ et désormais plus que deux: au soir du premier tour de l'élection présidentielle dimanche, la joie ou la déception ont envahi les QG des candidats. Comme en 2017, Emmanuel Macron et Marine Le Pen s'affronteront au deuxième tour.
Publié: 10.04.2022 à 23:57 heures
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Dernière mise à jour: 10.04.2022 à 23:58 heures

D'un côté, Marseillaise, applaudissements et cris de joie chez le président sortant Emmanuel Macron et la candidate d'extrême droite Marine Le Pen, qui s'affronteront au second tour, pour le match retour de 2017.

Mais une toute autre atmosphère dans les QG de Jean-Luc Mélenchon, en troisième position, et les candidates de la gauche et de la droite historiques, Anne Hidalgo et Valérie Pécresse, grande perdante.

Allégresse dans le camps de Marine Le Pen

La candidate d'extrême droite avait réuni ses troupes au Pavillon Chesnais du Roy, à Paris, au milieu des jonquilles et cerisiers en fleurs. Signe de la confiance qui règne dans ses rangs: des bouteilles de champagne estampillées «Marine présidente» se trouvaient au bar.

Emmanuel Macron arrive en tête de ce premier tour des élections présidentielles.
Photo: LUDOVIC MARIN
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Pour Harald Ellefsen, 56 ans, steward de profession et soutien de longue date du parti, Mme Le Pen a eu «beaucoup plus de punch, de détermination et d'ambition» dans cette campagne. «Elle fera réellement quelque chose», dit-il.

Droite «cramée»

À l'inverse, un long silence a envahi à 20H00 le QG de Valérie Pécresse, qui réalise le plus mauvais score d'un candidat de la droite sous la Ve République.

C'est la douche froide. Les militants soupirent, râlent quand apparaissent les visages d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen.

«Je ne crois pas à un éclatement» des Républicains, pense cependant un étudiant de 22 ans, Benjamin Sapin. Mais «ça risque d'être compliqué» pour choisir un nouveau chef de file, «beaucoup de courants vont s'affronter et ça risque de créer des remous».

Hervé Cadoret, 62 ans, va plus loin, dépité: «Je crois que la droite traditionnelle est cramée pour un bon bout de temps, à moins qu'un leadership émerge. Ça va être dur de revenir en politique en France».

La France Insoumise fâchée

Pendant ce temps, au Cirque d'hiver, une déception teintée de colère était palpable chez les partisans de Jean-Luc Mélenchon, qui rate la marche du second tour pour la troisième fois, même s'il améliore son score.

«J'espérais qu'il serait au deuxième tour. L'écologie et la justice sociale ne seront pas au second tour des élections. Les gens sont tristes», commente Néhémy Pierre-Dahomey, 35 ans, un militant qui réconforte une amie en pleurs.

«En colère», se dit Elise Ballet, 33 ans et océanographe. «Contre les gens qui votent Macron, contre ceux qui votent Le Pen, et les gens de gauche qui ne votent pas Mélenchon». «En toute honnêteté, il pourra donner toutes les consignes de vote qu'il veut, je n'irai pas voter», assure-t-elle.

Le PS exsangue

La candidate socialiste Anne Hidalgo a essuyé dimanche, avec un score estimé à moins de 2%, le pire échec de l'histoire du Parti socialiste, désormais menacé de disparition dans une gauche qui doit se réinventer.

La maire de Paris a sombré, divisant encore par trois le score de Benoît Hamon, associé en 2017 à une première déflagration historique (6,34%). À l'annonce des résultats, la salle du sud parisien où se tenait la soirée électorale s'est figée dans le silence.

Sur son fauteuil en cuir, Michel, 60 ans, retire sa casquette et se frotte le front. Le militant PS depuis trente ans, n'en revient pas : «Franchement je suis KO (...) Je pensais qu’on ferait au minimum 5%», confie-t-il.

Le PS, qui était en 2012 à la tête de toutes les institutions (présidence, Assemblée, Sénat), est désormais exsangue, mais dirige encore 25 départements, cinq régions et parmi les plus grandes villes.

Yannick Jadot ou les ambitions déçues de l'écologie

Il avait l'ambition de devenir la première force à gauche. Mais le candidat écologiste Yannick Jadot a échoué dimanche à franchir, selon la quasi-totalité des estimations, la barre fatidique des 5% qui détermine le remboursement des frais de campagne, et arrive plus de 15 points derrière l'insoumis Jean-Luc Mélenchon.

L'écologiste a lancé un appel aux dons, un «soutien financier» indispensable pour poursuivre les «combats» de l'écologie. «Pour les finances du parti, on croise les doigts jusqu'à la fin de la soirée», veut encore croire son porte-parole, Benjamin Lucas.

Yannick Jadot fait mieux que la dernière candidate écolo, Eva Joly en 2012 (2,31%), mais moins bien que Noël Mamère en 2002 (5,25%), qui détient le score «vert» le plus élevé dans une présidentielle.

Au QG, l'émotion était palpable, les visages graves. «C'est une déception», regrette Pauline Le Roux, 31 ans, experte en relations internationales. «On a l'impression que la priorité des Français est loin de ce qui, pour moi, est la priorité numéro un: la protection de la biodiversité et le climat».

Même sentiment chez Mathis Gautier, 20 ans, étudiant: «Je suis très triste. Quand on est dans la campagne on a les yeux qui brillent, on pense que tout est possible. C'est ma première campagne et mon premier vote et j'ai juste envie de pleurer».

L'euphorie des municipales, quand les écologistes avaient remporté plusieurs grandes villes dont Lyon, Bordeaux, Strasbourg, est bien loin.

Le promoteur de «l'écologie des solutions», 54 ans, qui faisait sa première campagne présidentielle, a peiné à mobiliser les défenseurs de la cause environnementale, pourtant une des premières préoccupations des Français derrière le pouvoir d'achat.

Ses détracteurs ont regretté une campagne trop lisse, sans coup d'éclat, voire poussive parfois pour électriser une «génération climat» portée au niveau mondial par la Suédoise Greta Thunberg.

Zemmour loin des scores attendus

L'autre candidat d'extrême droite, Eric Zemmour avait lui réuni des centaines de militants dont de nombreux jeunes à la Mutualité, sur fond de musique classique, fumée et projecteurs bleu-blanc-rouge, cravates et robes de soirée de rigueur.

«Extrêmement déçu, choqué, je m'attendais plus à un résultat autour des 15 ou 20%», se lamente Tanguy David, 18 ans, membre de Génération Z.

«C'était Zemmour ou rien, car je suis d'accord avec tout ce qu'il dit et je pense même qu'il ne va pas assez loin», témoigne Albane, 18 ans qui a voté pour la première fois. Elle votera tout de même au second tour «contre Macron». Son candidat a d'ailleurs appelé un peu plus tard dans la soirée à voter pour Marine Le Pen.

Appel au «barrage» contre l'extrême droite

Gagnant de ce premier tour, l'actuel président français Emmanuel Macron a appelé à fonder au-delà des «différences» «un grand mouvement politique d'unité et d'action» et dit vouloir «tendre la main à tous ceux qui veulent travailler pour la France».

«J'appelle tous ceux qui depuis six ans et jusqu'à ce soir se sont engagés pour travailler à mes côtés à transcender leurs différences pour se rassembler en un grand mouvement politique d'unité et d'action pour notre pays», a-t-il déclaré depuis son QG électoral, en présence de plusieurs figures de la macronie, dont le Premier ministre Jean Castex.

«Je suis prêt à inventer quelque chose de nouveau pour rassembler les convictions et les sensibilités diverses afin de bâtir avec eux une action commune au service de notre nation pour les années qui viennent. C'est notre devoir», a-t-il ajouté.

Il a également remercié ses adversaires qui lui ont «apporté leur soutien», citant Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Valérie Pécresse et Fabien Roussel.

Il a noté que certains se positionnent «pour faire barrage à l'extrême droite» et s'est dit «pleinement conscient que cela ne vaudra pas soutien du projet» qu'il porte, citant le leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon.

Le leader de la France Insoumise, ainsi que Jean Lassalle, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud n'ont pas appelé directement à voter pour Emmanuel Macron au second tour.

Zemmour derrière Le Pen

Le candidat d'extrême droite Eric Zemmour a appelé ses électeurs à voter pour Marine Le Pen au second tour de la présidentielle le 24 avril.

«Je ne me tromperai pas d'adversaire. C'est la raison pour laquelle j'appelle mes électeurs à voter pour Marine Le Pen», a déclaré dans une allocution le chef du parti «Reconquête», éliminé au 1er tour avec environ 7% des voix.

«J'ai bien des désaccords avec Marine Le Pen», mais il y a face à elle «un homme qui a fait entrer 2 millions d'immigrés» en France, a-t-il affirmé à propos d'Emmanuel Macron.

Selon lui, le président sortant est «un homme qui n'a pas dit un mot d'identité, de sécurité d'immigration pendant sa campagne et qui fera donc pire s'il était réélu».

Les regards sont désormais tournés vers les législatives.

Le Premier secrétaire du PS Olivier Faure a lancé «un appel solennel aux forces de gauche et écologiques, aux forces sociales, aux citoyennes et citoyens prêts à s'engager afin de construire ensemble pour les élections législatives un pacte pour la justice sociale et écologique».

Anne Hidalgo a aussi appelé «toutes celles et ceux qui se reconnaissent dans cette gauche qui agit déjà ensemble dans les territoires, à s’unir» pour ce scrutin.

Dans un communiqué distinct, plusieurs cadres du parti, dont Johanna Rolland, maire de Nantes, ont aussi appelé à «l'union des forces de gauche et des écologistes.»

Au delà de cette échéance, plusieurs personnalités socialistes, dont l'ex-président François Hollande, qui veut revenir dans le jeu après 5 ans en retrait, se préparent à une refondation à laquelle Anne Hidalgo veut aussi prendre sa part.

Cliquez ici pour retrouver le direct de la soirée.

(AFP)

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