Réfugié en Suisse
Cet ancien oligarque aurait trouvé comment ébranler le pouvoir russe de l'intérieur

Opposé à la guerre en Ukraine, l'oligarque Oleg Tinkov a quitté la Russie et vit désormais en Suisse. Londres a levé les sanctions contre lui. Une mesure qui, selon le Russe, pourrait convaincre d'autres oligarques à s'opposer, eux aussi, à Vladimir Poutine.
Publié: 25.07.2023 à 17:01 heures
Daniel Kestenholz

Fin 2022, il a renoncé à son passeport russe et vit désormais en Suisse: l'ancien oligarque bancaire Oleg Tinkov n'est pas seulement connu dans notre pays comme mécène du monde du cyclisme. L'homme est également un farouche opposant à Vladimir Poutine, et ne mâche pas ses mots quand il évoque l'élite russe, selon lui trop silencieuse face à l'invasion de l'Ukraine.

Le self made milliardaire a toujours été considéré comme un outsider dans le monde des affaires en Russie, dominé par le Kremlin. Aujourd'hui, Oleg Tinkov dénonce les proches de Poutine comme des «lâches». Il demande aux profiteurs du Kremlin de s'opposer à la guerre. Et, selon lui, l'Occident devrait les y inciter, en levant les sanctions contre eux.

Oleg Tinkov est le premier milliardaire russe pour qui les sanctions imposées par l'Occident ont été levées. En effet, l'homme d'affaires a remporté cette semaine une victoire devant un tribunal britannique. Une victoire qui, explique-t-il au «Financial Times», pourrait encourager l'élite moscovite à se prononcer contre la guerre en Ukraine.

Résident suisse, l'ex-oligarque Oleg Tinkov est un farouche opposant à la guerre en Ukraine et à Vladimir Poutine.
Photo: zVg
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L'Occident doit tendre la main aux oligarques dissidents

Selon Oleg Tinkov, les sanctions contre lui étaient une erreur, qui a désormais «été réparée». Mais la levée des sanctions, c'est aussi «bon» pour l'Occident: «Ils peuvent montrer à d'autres personnalités d'affaires russes touchées par les sanctions qu'il est possible de quitter la Russie pour le monde civilisé.»

Oleg Tinkov se considère encore comme un électron libre parmi ses pairs. Dès le début, il avait en effet dénoncé la «guerre folle» de Vladimir Poutine et déploré que la Russie s'enfonce dans le «fascisme». En signe de protestation, il avait renoncé à sa nationalité russe.

En raison de ses déclarations, plusieurs autres milliardaires russes ont rompu tout contact avec lui. «Beaucoup d'entre eux ont cessé de me parler parce qu'ils ont peur», a déclaré le milliardaire. «Et j'ai cessé de parler à d'autres parce qu'ils sont lâches.»

Réfugié en Suisse

Oleg Tinkov espère maintenant convaincre d'autres oligarques russes de se retourner contre Vladimir Poutine: «Ils doivent choisir une chaise et s'y asseoir. S'asseoir entre deux chaises, comme ils l'ont fait ces 30 dernières années, cela ne fonctionne plus.»

D'autres Russes contesteraient également les sanctions, mais continueraient à faire des affaires avec la Russie. «Je ne sais pas comment ils peuvent faire ça», s'interroge Oleg Tinkov. Ce dernier n'a plus remis les pieds en Russie depuis un diagnostic de leucémie annoncé en 2019 et vit désormais en Suisse. Personne ne sait toutefois s'il possède la nationalité.

L'année dernière, il a perdu ses parts dans la Tinkoff Bank, le Kremlin l'ayant contraint de les vendre «d'urgence» en raison de ses critiques virulentes contre la guerre.

Comment l'Occident et la Russie «achètent» les oligarques

Selon Oleg Tinkov, la stratégie des oligarques en Russie consiste à attendre que la paix soit déclarée, en évitant soigneusement de critiquer directement Vladimir Poutine par peur d'être dépossédés de leur fortune.

Plusieurs d'entre eux auraient pourtant déclaré au «Financial Times» qu'ils étaient prêts à s'exprimer contre Vladimir Poutine et contre la guerre si l'Occident indiquait clairement comment les sanctions contre eux seraient levées.

De son côté, le Kremlin a mis en place un système de récompense pour les hommes d'affaires qui lui resteraient fidèles. Les oligarques auraient en outre la possibilité de s'enrichir en rachetant des entreprises occidentales en Russie. Actuellement, le pays connaît en effet le plus grand transfert de fortune depuis la fin de l'Union soviétique et le début du capitalisme dans les années 1990.

Le monde des affaires en Russie serait une «roulette russe»

Mais même les oligarques aujourd'hui fidèles au Kremlin peuvent être expropriés à tout moment. Oleg Tinkov révèle ainsi: «Mon intuition me dit que leur fortune sera également nationalisée. Ce n'est qu'une question de temps.» Et de poursuivre: «La Russie n'a pas d'avenir à long terme sous Vladimir Poutine. Il n'y a pas de loi, pas de tribunaux. On gagne aujourd'hui, on perd demain. C'est la roulette russe.»

Oleg Tinkov souligne toutefois que même si les sanctions contre lui ont été levées, les choses ne sont pas faciles. Les sanctions lui auraient même rendu la vie ici plus difficile qu'en Russie. Il ajoute également: «Au lieu d'être un héros pour l'Angleterre et l'Europe, je me suis mis en danger, et je continue à le faire.» Et de conclure: «Je ne sais pas si Vladimir Poutine veut me tuer pour cela ou non.»

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