Pékin voit rouge
Nancy Pelosi à Taïwan: les USA jouent avec le feu, selon Pékin

Un ultime avertissement: la Chine a prévenu mardi que les Etats-Unis «devront payer le prix» d'une visite à Taïwan de Nancy Pelosi, qui pourrait enflammer des relations sino-américaines déjà tendues. La cheffe des députés américains a atterri mardi sur l'île.
Publié: 02.08.2022 à 17:24 heures
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Dernière mise à jour: 03.08.2022 à 10:58 heures

En tournée en Asie, Nancy Pelosi, 82 ans, est la plus haute responsable américaine élue à se rendre à Taïwan en 25 ans. L'élue démocrate, troisième citoyenne des Etats-Unis, a atterri mardi sur l'île. Elle risque de provoquer un fort regain de tension dans la région et d'entraîner des mesures de représailles chinoises contre les intérêts américains et taïwanais.

«Les Etats-Unis (...) tentent d'utiliser Taïwan pour contenir la Chine», a estimé dans la foulée le Ministère chinois des affaires étrangères dans un communiqué, ajoutant que Washington «ne cesse de déformer, d'obscurcir et de vider de tout sens le principe d'une seule Chine, d'intensifier ses échanges officiels avec Taïwan et d'encourager les activités séparatistes 'indépendantistes' de Taïwan. Ces actions, comme jouer avec le feu, sont extrêmement dangereuses.»

«Les Etats-Unis auront assurément la responsabilité (ndlr: des conséquences) et devront payer le prix de leur atteinte à la souveraineté et à la sécurité de la Chine», avait déclaré à la presse Hua Chunying, une porte-parole de la diplomatie chinoise, plus tôt dans la journée.

Taïwan est au centre de tensions accrues, ces dernières semaines.
Photo: Valentin RAKOVSKY
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«La partie américaine a trahi sa parole sur la question taïwanaise», avait aussi déploré dans un communiqué Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, en référence à l'engagement des Etats-Unis, depuis 1979, à n'avoir aucune relation officielle avec Taïwan.

Provocation majeure, selon Pékin

La Chine estime que Taïwan, peuplée d'environ 23 millions d'habitants, est l'une de ses provinces, qu'elle n'a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise (1949). Opposé à toute initiative donnant aux autorités taïwanaises une légitimité internationale, Pékin est vent debout contre tout contact officiel entre Taïwan et d'autres pays.

Des responsables et parlementaires américains se rendent régulièrement sur l'île. Mais la Chine juge qu'une visite de Mme Pelosi, l'un des plus hauts personnages de l'Etat américain, est une provocation majeure.

La semaine dernière, lors d'un entretien téléphonique avec le président américain, Joe Biden, son homologue chinois, Xi Jinping, avait appelé les Américains à ne «pas jouer avec le feu».

Washington joue l'apaisement

Si la Maison Blanche se montre gênée par la situation, John Kirby, son porte-parole, a toutefois affirmé lundi que Mme Pelosi avait «le droit de visiter Taïwan».

«Il n'y a pas de raison pour que Pékin fasse de cette visite, qui ne déroge pas à la doctrine américaine de longue date, une forme de crise», a-t-il estimé. Le dernier président de la Chambre des représentants des Etats-Unis à visiter Taïwan était Newt Gingrich, en 1997.

La plupart des observateurs jugent faible la probabilité d'un conflit armé. Mais des responsables américains ont dit se préparer à des démonstrations de force de l'armée chinoise, comme des tirs de missiles dans le détroit de Taïwan ou des incursions aériennes autour de l'île.

Nancy Pelosi voyageait à bord d'un avion militaire et bien que Washington ne craigne pas d'attaque directe, le risque d'une «erreur de calcul» reste présent, a jugé John Kirby.

«Ambiguïté stratégique» des Etats-Unis

Depuis 1979, Washington ne reconnaît qu'un seul gouvernement chinois, celui de Pékin, tout en continuant à apporter un soutien aux autorités taïwanaises, avec notamment de multiples ventes d'armes.

Les Etats-Unis pratiquent également «l'ambiguïté stratégique»: en clair, ils s'abstiennent de dire s'ils défendraient ou non militairement l'île en cas d'invasion.

La Russie, alliée majeure de la Chine, a accusé mardi les Américains de «déstabiliser le monde» et décrit la visite de Nancy Pelosi comme une «pure provocation».

Après Singapour, Mme Pelosi était mardi en Malaisie, où elle a rencontré le Premier ministre et le président de la chambre basse du Parlement, lors de la deuxième étape de son voyage en Asie.

Selon le journal taïwanais «Liberty Times», qui cite des sources anonymes, la dirigeante américaine rencontrera mercredi la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, bête noire de Pékin car issue d'un parti indépendantiste.

Représailles probables

Mardi soir, la présidence taïwanaise a par ailleurs indiqué que son site internet avait été brièvement mis hors service en raison d'une cyberattaque. Elle n'a pas avancé de raison, disant renforcer sa vigilance face à la «guerre de l'information hybride menée par des forces extérieures».

Le Ministère taïwanais de la défense s'est dit «déterminé» à protéger l'île contre toute attaque. «La probabilité d'une guerre ou d'un incident grave est faible», a cependant tweeté Bonnie Glaser, directrice du programme Asie du cabinet de réflexion américain German Marshall Fund. «Mais la probabilité que (ndlr: la Chine) prenne une série de mesures militaires, économiques et diplomatiques (...) n'est pas négligeable», a-t-elle ajouté.

Les autorités taïwanaises chargées de l'agriculture ont ainsi indiqué mardi que Pékin avait suspendu l'importation de certaines marchandises taïwanaises, comme des produits de la pêche, du thé et du miel.

La tension monte

L'annonce de la probable visite de Nancy Pelosi a fait monter la tension dans la région ces derniers temps. La semaine passée, l'armée taïwanaise a effectué ses plus importants exercices militaires annuels, qui comprenaient des simulations d'interception d'attaques chinoises.

De son côté, la Chine a organisé dimanche un exercice militaire «à munitions réelles» dans le détroit de Taïwan - très près cependant des côtes chinoises. D'autres exercices sont en cours dans d'autres zones maritimes du pays.

(AFP)

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