Malgré des attaques massives et le manque d'aide internationale
«La Russie peut tirer autant qu'elle veut sur l'Ukraine, elle ne gagnera pas la guerre pour autant»

La Russie a renforcé son offensive sur les villes ukrainiennes. En 2024, Poutine injectera plus de 100 milliards de francs dans l'industrie de l'armement et augmente l'effectif militaire. La Russie est-elle sur la voie de la victoire? Pas vraiment, estime un expert.
Publié: 05.01.2024 à 06:08 heures
|
Dernière mise à jour: 05.01.2024 à 16:37 heures
Blick_Portrait_1329.JPG
Myrte Müller

Pour les Ukrainiens, cette nouvelle année commence aussi tristement qu'elle ne s'est terminée. Des maisons sont en feu. Des blessés sont transportés dans des ambulances sur des débris et des morceaux de verre. Les arrière-cours sont criblées de cratères causés par des missiles russes. Les habitants fuient leurs appartements bombardés, errant sans but dans leur quartier dévasté.

L'année 2023 s'est clôturée dans la terreur pour la population ukrainienne. Une véritable pluie de bombes s'est abattue sur Kiev, Kharkiv, Odessa, Lviv et Dnipro. Depuis le 29 décembre dernier, l'ennemi russe a tiré au moins 500 missiles et drones dirigés principalement vers des infrastructures sociales et critiques, se désolait le président Volodymyr Zelensky mardi soir sur la plate-forme X. Jamais auparavant un nombre de projectiles aussi élevé n'avait été atteint depuis le début de l'invasion il y a deux ans.

La Russie de Poutine a de gros problèmes

Tous les signaux tendent à indiquer la défaite. Du moins, c'est ce que l'on pourrait croire à en voir la situation au front. Mais les experts avec lesquels Blick s'est entretenu sont loin d'être aussi pessimistes en ce qui concerne le destin de l'Ukraine. La Russie de Poutine, disent-ils, a de gros problèmes.

Des missiles de type S-300 et des missiles hypersoniques Kinschal ont été tirés sur le centre de Kharkiv, provoquant plusieurs explosions dans des zones habitées le 2 janvier. Plusieurs immeubles ont également été détruits.
Photo: imago/CTK Photo
1/2

Ces dernières semaines, Vladimir Poutine n'a cessé de montrer les muscles sur le plan militaire. Et tout semble aller dans son sens. Dans son discours de fin d'année, le chef du Kremlin a assuré que la Russie ne reculerait devant rien en 2024. Il s'est montré plus que sûr de lui à la télévision nationale. Pour couronner le tout, il se dirige par ailleurs vers son cinquième mandat présidentiel. 

L'objectif? Démoraliser les Ukrainiens

Et dans cet élan de succès, Poutine prépare son pays à une économie de guerre. Et celle-ci est manifestement en plein essor. Selon la Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik (DGAP), la Russie a investi environ 5% de son produit intérieur brut dans l'industrie de l'armement en 2023. En 2024, ce budget devrait passer à près de 6%, soit plus de 100 milliards de francs rien que pour l'armée, la sécurité nationale et la police.

Mais le chef du Kremlin en veut plus: Poutine vise à augmenter son effectif militaire avec plus de soldats pour les «opérations militaires spéciales». Leur nombre devrait passer à 1,32 million. L'objectif? Poursuivre une longue guerre de position qui démoralisera et épuisera le peuple ukrainien, remettre en question le président dans son propre pays et décourager l'aide internationale.

Et cela semble fonctionner. Au Congrès américain, l'aide à l'Ukraine est actuellement bloquée par les républicains, privant le pays de 61 milliards de dollars américains. Du côté de l'Union européenne (UE), la Hongrie pro-Poutine aussi fait front contre une nouvelle aide de 50 milliards. Quant à Zelensky, sa cote de popularité est en chute libre, indiquent les sondages.

L'Occident continue de soutenir l'Ukraine

De sombres perspectives pour l'année 2024, donc. L'Ukraine finira-t-elle par perdre cette guerre? Si l'on écoute l'expert allemand en sécurité Karl-Heinz Kamp, non. Il en est convaincu: Poutine a fait un mauvais calcul en ce qui concerne l'Ukraine.

«La Russie peut tirer autant qu'elle veut sur l'Ukraine, elle ne gagnera pas la guerre pour autant», commente l'expert. Pour l'ancien président de l'Académie fédérale de politique de sécurité, la situation de la Russie est pire aujourd'hui qu'il y a deux ans. «L'Ukraine est plus proche de l'Occident que jamais. Elle continuera à être soutenue», affirme le chargé de mission du directeur politique au ministère fédéral de la Défense dans un entretien avec Blick.

Des missiles de type S-300 et des missiles hypersoniques Kinschal ont été tirés sur le centre de Kharkiv, provoquant plusieurs explosions dans des zones habitées le 2 janvier. Plusieurs immeubles ont également été détruits.
Photo: imago/CTK Photo

Et de poursuivre: «En entamant des discussions d'adhésion, l'UE offre au pays un ancrage à l'Ouest, ce que Poutine voulait absolument éviter», poursuit l'intervenant. Le paquet d'aide de l'UE sera tôt ou tard adopté: l'historien de formation en est convaincu.

Il en va de même pour les milliards américains en standby. «L'aide à l'Ukraine est l'enjeu d'un débat de politique intérieure sur la sécurisation de la frontière sud américaine», argumente Karl-Heinz Kamp. Si les deux parties parviennent à surmonter leurs divergences, l'argent coulera à nouveau à flot pour l'Ukraine. Son rapprochement avec l'OTAN n'est pas non plus négligeable. «Lors du prochain sommet de l'OTAN en juillet de cette année à Washington, il s'agira de discuter d'une perspective d'adhésion de l'Ukraine.»

Poutine ne peut rien contre le courage des Ukrainiens

Karl-Heinz Kamp regarde la démonstration de force de Poutine d'un oeil sceptique. Selon lui, la guerre va engloutir 40% des dépenses publiques russes cette année, sans que la Russie ne puisse vraiment escalader dans la guerre.

«La flotte de la mer Noire a dû retirer une grande partie de ses navires de Sébastopol et les déplacer plus à l'est, car même quelques missiles de croisière britanniques Storm Shadow représentent un danger considérable.» Quant aux munitions livrées par la Corée du Nord, elles seraient défectueuses et à peine utilisables.

Même si Zelensky fait l'objet de critiques ici et là, il y a bien une chose que la Russie ne pourra pas briser: le courage des Ukrainiens. Selon une étude commune de l'Institut de recherche sur la paix d'Oslo et de l'Université de Tilburg, les attaques continues contribueraient plutôt à renforcer la résistance ukrainienne – pour, qui sait, mieux rebondir par la suite.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la