Le Donbass bientôt occupé?
Pourquoi la Russie ne pourra pas progresser en Ukraine si facilement

Le Donbass est quasiment occupé par les troupes russes. Le premier et principal objectif de la guerre de Poutine est donc atteint. Si le maître du Kremlin décide de ne pas s'arrêter en si bon chemin, la situation va se révéler plus ardue pour l'armée russe.
Publié: 03.06.2022 à 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 03.06.2022 à 07:18 heures
Chiara Schlenz

Avec la grande ville de Marioupol, les Russes ont déjà pris le contrôle de la principale localité de l’oblast (région) de Donetsk. Pas à pas, kilomètre après kilomètre, les troupes russes ont encerclé la ville de Severodonetsk située dans l’oblast de Lougansk.

La ville, capitale administrative de la région, est sur le point de tomber. Vladimir Poutine aurait-il atteint l’objectif annoncé lors de son grand discours du 9 mai, à savoir la «libération» du Donbass des griffes de Kiev?

Une paix possible en théorie, mais pas en pratique

Certains experts pensent que oui. «Théoriquement, Poutine peut à tout moment proclamer une victoire russe, un cessez-le-feu ou tendre la main pour des pourparlers», estime Marcel Berni, expert en stratégie au sein de l’Académie militaire de l’EPFZ.

Le Donbass, sur lequel la Russie a porté son attention depuis la «phase 2» de l'invasion, est tombée entre ses mains.
Photo: IMAGO/SNA
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Mais pour le spécialiste, la Russie n’est pour autant pas prête à faire marche arrière. «Tant les Ukrainiens que les Russes ont obtenu trop peu de résultats pour être intéressés par un accord de paix durable.» Un dilemme qui pourrait pousser les Ukrainiens à une contre-attaque, et les Russes à étendre leur offensive.

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Percer les défenses et assiéger les villes

Selon lui, il est important que les Ukrainiens fassent désormais preuve de fermeté. «S’ils ne parviennent pas à créer une défense solide dans le Donbass, Poutine pourrait être tenté de lancer des attaques dans d’autres régions», analyse l’expert. Car même si la Russie a prouvé qu’elle ne serait pas capable d’envahir tout le pays — en tout cas pas sa capitale, Kiev —, elle peut tout de même continuer à rogner du terrain au-delà du Donbass.

Car les forces russes ont pu se regrouper et se réorganiser. Marcel Berni explique: «Elles essaient d’attaquer sur de petites portions du front et de percer les défenses ukrainiennes. Ensuite, elles rassemblent leurs forces devant les villes importantes pour les assiéger.» Cette approche plus ciblée et cohérente semble fonctionner, même si une puissance de feu composée d’obus et de missiles continue de déferler sur la ligne de front.

Durant le siège d’une ville, les troupes russes utilisent toutes les forces à leur disposition: tirs d’artillerie, aviation et hélicoptères de combat. L’objectif est de chasser ou de tuer les défenseurs de la ville. «Les forces terrestres n’avancent dans le but de conquérir la ville au sol qu’en tout dernier lieu», explique Marcel Berni. Une approche qui nécessite beaucoup de temps et de ressources, mais qui semble avoir porté ses fruits à Marioupol et Severodonetsk. «Au vu de leurs récents succès, j’imagine que les Russes vont continuer à utiliser cette tactique», relève l’expert.

Une résistance plus forte plus à l’ouest

Mais conquérir l’ensemble de l’Ukraine n’est apparemment pas dans les objectifs du jour de Poutine. Et ce, pour deux raisons, selon Marcel Berni. La première concerne la sûreté des lignes de ravitaillement. Car si les Russes ont actuellement la supériorité dans le Donbass, c’est grâce à la proximité de la frontière russe, qui permet de ravitailler les troupes de combat sur des distances plus courtes et plus sécurisées. C’est sur ce point sensible que les troupes de Poutine s’étaient cassé les dents dans les premiers jours de l’invasion.

L’autre point concerne la stratégie ukrainienne. En dehors de la région de Lougansk, les Russes risquent de se heurter à une plus grande résistance, estime l’expert de l’EPFZ. «Les prochaines villes à conquérir seront Sloviansk et Kramatorsk. Et là, la résistance sera plus forte.» D’autant plus que ces villes sont des connexions importantes du réseau ferroviaire et routier ukrainien, ce qui en fait des objectifs décisifs.

Il s’agit de villes bien fortifiées, un défi pour les Russes. «Les Ukrainiens ne vont pas abandonner ces villes dans un repli tactique, tel qu’on l’observe actuellement, promet Marcel Berni. Les combats vont se dérouler en zone urbaine, où les défenseurs ukrainiens auront l’avantage.»

Le fleuve Donets, un cauchemar militaire

Un troisième élément va compliquer la tâche des troupes russes. Selon l'«Institute for the Study of War» (ISW), un obstacle géographique va bloquer leur chemin: la rivière Donets (qui a donné son nom à la région et la ville), qui s’est déjà révélée être un cauchemar militaire pour les deux camps.

Selon les experts de l’ISW, une attaque par le sud pourrait permettre aux Russes de contourner les méandres du fleuve Donets. Selon le ministère britannique de la Défense, si les forces russes parviennent à sécuriser la région et à traverser la rivière, une nouvelle extension de la guerre pourrait alors commencer.

(Adaptation par Alexandre Cudré)

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