Le chef du Kremlin bouillonne de colère
L'incursion ukrainienne près de Koursk en Russie est une «gifle» pour Poutine

Tout les yeux sont braqués sur le sud de la Russie. Depuis que des troupes ukrainiennes y sont entrées par surprise, la réputation de Vladimir Poutine en tant que protecteur de la Russie est ternie, souffle-t-on, du côté du Kremlin.
Publié: 12.08.2024 à 06:04 heures
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Dernière mise à jour: 12.08.2024 à 06:30 heures
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Daniel Kestenholz

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est exprimé pour la première fois sur la plus grande avancée de ses troupes sur le territoire russe depuis le début de la guerre. Il souhaite «déplacer» la guerre, a-t-il déclaré dans son allocution quotidienne. Volodymyr Zelensky parle d'un «déplacement de la guerre sur le territoire de l'agresseur».

Un «coup de poing dans la figure» de Poutine

Entre-temps, des relents de choc, voire de panique, se font entendre au Kremlin. «L'incursion surprise de l'Ukraine dans les régions frontalières russes de Koursk et Lipetsk a stupéfié l'armée russe et a été une 'gifle' pour le président Vladimir Poutine.» C'est ce qu'écrit Pyotr Kozlov, un initié de longue date du Kremlin, en se référant à des fonctionnaires russes de haut rang qui connaissent le président russe depuis des années.

Pyotr Koslow, aujourd'hui journaliste politique russe indépendant, avait auparavant travaillé au Kremlin en tant que journaliste spécialisé dans la politique étrangère russe. Dans sa dernière lettre d'information hebdomadaire, le journaliste écrit que «l'offensive en cours, que la Russie n'a pas pu repousser pendant trois jours, a mis en évidence les déficits de la Russie en matière de défense territoriale».

La surprenante avancée de l'Ukraine en milieu de semaine dans le sud de la Russie, près de Koursk, a également pris de court le chef du Kremlin, Vladimir Poutine.
Photo: Keystone
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«Coup dur» également pour les dirigeants russes

«Poutine bouillonne de colère. On ne l'a probablement pas vu ainsi depuis que notre armée russe a été contrainte de se retirer de Kherson à l'automne 2022», affirme Pyotr Kozlov. C'est en ces termes que l'expert cite l'un des nombreux fonctionnaires du Kremlin qu'il a interviewé et à qui il a garanti l'anonymat.

Le Washington Post rapporte également que des personnalités du gouvernement russe ainsi que des hommes d'affaires de premier plan de l'entourage du Kremlin sont abasourdis. «C'est un coup dur pour la réputation des autorités russes, de l'armée et de Poutine», déclare un homme d'affaires russe qui, comme toutes les autres sources, souhaite rester anonyme afin de ne pas risquer de représailles ou de poursuites judiciaires.

«Depuis deux ans et demi, il n'y a eu que des dégâts minimes sur le territoire russe», poursuit l'homme d'affaires. «Maintenant, on ne sait pas combien de victimes il y a eu.» Il y a eu quelques destructions. En revanche, il reste clair que la Russie de Poutine «n'est pas en mesure de stopper rapidement l'invasion».

Le regard froid du maître du Kremlin

Une vidéo publiée mercredi par le Kremlin laisse apercevoir Vladimir Poutine fixer d'un regard froid le commandant en chef des forces armées russes, Valeri Gerassimov. Ce dernier aurait ignoré les avertissements et n'aurait apparemment pas informé le président russe du déploiement de troupes ennemies.

Vladimir Poutine a parlé d'une «nouvelle provocation» de Kiev. «c'était une humiliation pour un Etat russe qui se targue de protéger la patrie», a également analysé CNN. L'Ukraine a réalisé «une des choses les moins évidentes» et a mis le chef du Kremlin en difficulté en lançant une attaque surprise dans le sud de la Russie.

La manœuvre de Koursk pourrait marquer la fin militaire de l'Ukraine

Dans le «Spiegel», l'expert militaire Gustav C. Gressel évalue la situation. Il met en garde contre le fait que l'Ukraine pourrait perdre plus qu'elle ne gagnerait avec cette opération risquée. «L'Ukraine est dans une situation compliquée. En raison de la faible aide militaire de ses partenaires, elle ne peut guère gagner la guerre de manière purement conventionnelle. C'est pourquoi elle tente des opérations risquées.»

«Dans le cas où, les Russes ne parviennent pas à arrêter les Ukrainiens, ces derniers parviendraient à gagner encore du terrain. Ils contrôleraient un territoire d'un seul tenant, y compris des infrastructures stratégiques importantes comme la centrale nucléaire de Koursk. Vladimir Poutine s'engagerait alors enfin dans des négociations», affirme Gustav C. Gressel.

Un accord serait conclu à l'issue de ces négociations. La Russie et l'Ukraine échangeraient des territoires, par exemple Koursk contre les zones occupées autour de Kharkiv. Il y aurait ensuite une sorte de cessez-le-feu.

Un scénario catastrophe?

Mais l'expert ne veut pas non plus exclure un scénario plus sombre. «Si Poutine décide d'envoyer plus de militaires à Koursk, ils ralentiraient l'Ukraine dans un premier temps, puis la démoraliseraient. Comme l'avancée resterait populaire en politique intérieure, l'Ukraine ne reculerait plus.»

Les combats consommeraient des ressources dont on aurait besoin à l'est. Les brigades ukrainiennes manqueraient de force dans le Donbass. «Elles ne pourraient plus tenir le front jusqu'à ce qu'il s'effondre. L'Ukraine devrait alors évacuer Koursk et rejeter ses forces vers l'est. Là-bas, les pertes territoriales seraient plus importantes. Vladimir Poutine espérerait à nouveau pouvoir gagner la guerre militairement.»

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