La situation s'embrase dangereusement
Le Hezbollah promet une vengeance terrible après les bombardements meurtriers à Beyrouth

Après l'assassinat d'un dirigeant du Hamas au Liban, le Hezbollah a menacé de prendre les armes. De quoi l'organisation militaire libanaise est-elle capable? Et jusqu'où peut-elle aller? Voici ce que l'on peut dire sur l'embrasement de la situation dans la région.
Publié: 04.01.2024 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 04.01.2024 à 07:59 heures
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Guido Felder

Après la mort de Saleh al-Arouri, le vice-chef du bureau politique du Hamas, dans une explosion mardi à Beyrouth, une seule question monopolise les débats concernant la situation au Proche-Orient: le Hezbollah, basé au Liban et soutenu par un vaste arsenal de guerre, va-t-il lui entrer en guerre contre Israël?

L'organisation libanaise a, en tout cas, mis les choses au clair: «Nous ne tolérerons pas que le Liban devienne un nouveau champ de bataille pour Israël», a déclaré son chef, Hassan Nasrallah. Si le Hezbollah rejette la responsabilité de ce bombardement mortel sur Israël, l'État hébreu n'a toutefois pas encore confirmé l'attaque. Le conseiller à la sécurité israélien Mark Regev s'est même efforcé de désamorcer la crise: «Quelle que soit la personne qui a fait cela, c'est évident qu'il ne s'agissait pas d'une attaque contre l'État libanais et le Hezbollah.» Toutefois, un responsable américain sous couvert de l'anonymat à confirmer à l'AFP mercredi soir que la frappe était bien israélienne.

Le président français Emmanuel Macron a, lui aussi, appelé à la retenue, en demandant au gouvernement israélien «d'éviter tout comportement d'escalade, notamment au Liban». Bref: les signes d'une escalade sont là. Le conflit au Proche-Orient s'aggravera-t-il?

Une frappe dans la banlieue de Beyrouth a été fatale au n°2 du Hamas et ravive les craintes d'une extension du conflit actuel dans la bande de Gaza.
Photo: AFP
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Jusqu'à 150'000 missiles braqués sur Israël

Au fil des années, le Hezbollah a constitué un important arsenal de guerre, avec l'aide de l'Iran. On estime ainsi que le nombre de missiles braqués sur Israël se situe entre 70'000 et 150'000, auxquels s'ajoutent des armes de haute précision, telles que le missile supersonique russe P-800 Oniks, capable de couler des navires.

On estime également que la milice chiite compte 25'000 combattants. Elle est mieux équipée et, grâce à son expérience sur le terrain durant la guerre en Syrie, mieux formée que le Hamas.

Michel Wyss, expert militaire à l'EPFZ, apporte toutefois certaines nuances: «Le Hezbollah dispose certes de capacités militaires considérables, surtout pour un groupe armé non étatique. Mais il reste néanmoins inférieur à l'armée israélienne sur le plan conventionnel. Ainsi, il n'a pas d'armée de l'air et ne dispose que de peu de moyens de défense aérienne au sol.»

Des tunnels suffisamment larges pour faire circuler des camions

Le Hezbollah dispose également d'une ramification complexe de tunnels, hébergeant des centres logistique et de commandement, et bien plus sophistiqué que ceux du Hamas. Ces tunnels s'étendent sur des centaines de kilomètres dans le sud du Liban jusqu'à la frontière israélienne, a déclaré Tal Beeri, du renseignement israélien. Certains de ces tunnels seraient même suffisamment larges pour permettre à de petits camions de déplacer des lance-roquettes sur plusieurs kilomètres.

Le réseau de tunnels sert aussi de protection contre les bombardements massifs d'Israël et permettrait de retenir des otages. Pour leur construction, le Hezbollah aurait reçu l'aide de l'Iran et de la Corée du Nord.

Le risque d'escalade est réel, selon certains experts

Les combats à la frontière israélo-libanaise se sont déjà intensifiés ces dernières semaines. Michel Wyss estime ainsi que «l'assassinat présumé d'al-Arouri par Israël pourrait inciter le Hezbollah à lancer de nouvelles attaques, mais plus massives, avec notamment l'utilisation de missiles à longue portée. Ce que le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah avait évoqué par le passé, en mettant Israël en garde contre des assassinats ciblés.»

Michael Bauer, directeur du bureau à l'étranger de la Konrad-Adenauer-Stiftung au Liban, s'attend, lui aussi, à une intensification des combats à la frontière entre Israël et le Liban. Il craint également un regain d'activité des rebelles Houthi, ainsi que des milices pro-iraniennes en Syrie et en Irak contre des installations américaines.

La tension à la frontière nord d'Israël devrait donc augmenter et avec elle, le risque d'une escalade. Tout dépend de la réponse du Hezbollah: «Je suis toutefois sceptique quant à l'éventualité d'une aggravation de la situation. Ni Israël, ni le Hezbollah n'a véritablement intérêt à entrer en guerre» tempère Michel Wyss.

Israël a en effet montré qu'il ne voulait pas d'une escalade. Tout comme le Hezbollah: «L'arsenal de missiles du Hezbollah est simplement là pour dissuader Israël et les États-Unis de lancer des attaques contre Téhéran et le programme nucléaire iranien. Le Hezbollah sert avant tout à assurer une sorte de sécurité régionale.»

Le dilemme des otages retenus par le Hamas refait surface

Sous la médiation du Qatar, de l'Égypte et des États-Unis, l'État hébreu et le Hamas s'étaient mis d'accord fin novembre sur un cessez-le-feu de plusieurs jours afin d'échanger des otages israéliens contre des prisonniers palestiniens. Mais depuis l'assassinat présumé d'al-Arouri, les négociations sur un éventuel nouvel accord sur les otages entre les belligérants sont au point mort.

Environ 130 otages se trouvent toujours entre les mains du Hamas. Avec l'extension de la guerre, une libération ou un accord avec les combattants palestiniens risque désormais de devenir de plus en plus difficile.

Israël ira-t-il jusqu'à recoloniser la bande de Gaza?

Après s'être retiré de la bande de Gaza en 2005, au bout 38 ans d'occupation, Israël recolonise l'enclave, poussé par ses milieux d'extrême droite qui exigent que les Palestiniens soient «encouragés à émigrer». Le ministre des Finances Bezalel Smotrich et le ministre de la Sécurité Itamar Ben-Gvir comptent parmi les plus virulents.

Même certains soutiens d'Israël, notamment aux États-Unis, se montrent plus mesurés. Matthew Miller, porte-parole du département d'État américain, a ainsi déclaré: «Cette rhétorique est incendiaire et irresponsable.» Ce à quoi Itamar Ben-Gvir a répondu sur X: «J'apprécie beaucoup les États-Unis, mais avec tout le respect que je leur dois, Israël n'est pas une étoile de plus sur le drapeau américain. Les États-Unis sont certes nos amis, mais nous ferons avant tout ce qui est le mieux pour Israël.»

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