La contre-offensive fragilise la défense russe à Zaporijia
«Les Ukrainiens veulent pousser la brèche dans les territoires occupés par les Russes au sud»

Les Ukrainiens ont annoncé ces derniers jours une percée dans l'impasse de la guerre de position dans le sud du pays. Est-ce un tournant dans la guerre? Un expert militaire fait le point.
Publié: 06.09.2023 à 06:07 heures
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Dernière mise à jour: 06.09.2023 à 07:30 heures
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Sven Ziegler

Depuis des mois, l'Ukraine tente de repousser les Russes avec une contre-offensive. Les troupes de Kiev ont désormais rencontré un premier succès. Selon les indications des généraux ukrainiens, les soldats ont percé une ligne de défense de la Russie à proximité de la ville disputée de Zaporijia. Le général de brigade Oleksandr Tarnavskyi a déclaré que les troupes se trouvaient désormais «entre la première et la deuxième ligne de défense des Russes». Les combattants ukrainiens avancent donc des deux côtés de la brèche, renforçant ainsi leur contrôle sur le territoire conquis lors des récents combats.

La nouvelle a fait le tour du monde. Cet épisode sera-t-il décisif dans l'impasse de la guerre de position? Probablement pas encore. «C'est le genre d'annonce de succès qui était attendue avec impatience mais qu'il faut toutefois considérer avec objectivité», tempère Marcel Berni à Blick. Cet expert en stratégie à l'Académie militaire de l'EPFZ approfondit: «C'est un succès tactique, mais pas encore un gain énorme et stratégique.»

Les messages des généraux ukrainiens relèvent aussi de la propagande. Selon Marcel Berni, l'Occident et la population ukrainienne ont une certaine attente qu'il faut satisfaire. Ces dernières semaines, la guerre s'est enlisée et seuls quelques succès militaires ont pu être enregistrés. «Les Ukrainiens ont désormais réussi à remporter un petit succès sur le front important du sud. Il est évident que cela sera diffusé en conséquence.»

L'expert militaire Marcel Berni de l'EPF de Zurich.
Photo: Zvg
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«Les positions russes au sud sont extrêmement fortes»

L'expert militaire part du principe que l'avancée ukrainienne n'est qu'un premier succès: «Je pense que nous observerons davantage de succès ukrainiens dans les semaines et les mois à venir, car le premier succès partiel important a maintenant été obtenu.» Marcel Berni estime que l'objectif principal des Ukrainiens reste la percée jusqu'à la mer d'Azov. «Les Ukrainiens veulent pousser la brèche dans les territoires occupés par les Russes au sud et interrompre ainsi l'approvisionnement des troupes et la logistique militaire.»

Marcel Berni ne croit toutefois pas que cela se produira avant l'hiver. «Les positions russes dans le sud sont fortes. Actuellement, les Ukrainiens avancent en direction de Tokmak – là, les combats devraient s'intensifier dans les semaines à venir.» Cette ville d'environ 32'000 habitants a une grande valeur opérationnelle, elle est considérée comme un nœud de communication vers le sud et l'est et est occupée par les Russes. Mais Marcel Berni prévient: «Les Ukrainiens ne pourront probablement pas y obtenir un succès rapide. La ville ressemble à une forteresse.»

C'est pourquoi, selon Berni, une grande percée vers le sud avant l'hiver n'est plus guère possible. «Il ne faut toutefois pas oublier que les Ukrainiens ont également remporté certains succès à l'automne dernier. On ne peut jamais prédire exactement la guerre – mais je pense qu'avant l'hiver, ce sont surtout à de petits succès tactiques que nous devrions nous attendre.»

Calme sur d'autres fronts

Alors que le front au sud du pays est actuellement âprement disputé, on entend peu parler du front à l'est, près de la ville de Bakhmout. Marcel Berni part du principe que cela est intentionnel. «A l'est, les deux parties semblent actuellement se concentrer sur la sécurisation des fronts. Les Ukrainiens veulent sans doute rendre la logistique des Russes plus difficile à l'est, sans pour autant enregistrer de grands gains de terrain. Ils peuvent ainsi se concentrer avant tout sur le front sud».

Mais en se concentrant surtout sur un front, les deux parties prennent par ailleurs des risques. «Le gros des troupes et des armes se trouve au sud. Cela affaiblit les autres fronts. L'Ukraine est certainement plus vulnérable au nord et à l'est et doit veiller à ce que les Russes ne s'y avancent pas soudainement», analyse Marcel Berni. «D'un autre côté, les Russes doivent également veiller à ce que les Ukrainiens ne puissent pas transformer la guerre de position rigide au nord et à l'est en une guerre de mouvement, sinon la percée menace également sur ces fronts.»

L'avancée au sud est moralement très importante pour les Ukrainiens, même si ce n'est pas encore un énorme succès. «Elle leur donne de plus grandes possibilités géographiques et militaires. Les Ukrainiens ont désormais une vue quasi directe sur la ville de Tokmak – et ont ainsi en vue le prochain objectif intermédiaire.»

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