Grâce aux évaluations Google
Les hackers appellent à la lutte contre la censure de Poutine

Alors que le nombre de victimes augmente en Ukraine, la Russie présente la guerre comme un acte de libération. Afin d'informer la population russe de la situation malgré la censure, le collectif de hackers Anonymous appelle à une protestation civile sur le net.
Publié: 02.03.2022 à 06:32 heures
Lea Ernst

À six minutes à pied du Kremlin de Moscou se trouve un petit restaurant qui n’a rien d’extraordinaire sur les images. Du jour au lendemain, des centaines de nouvelles évaluations sont apparues sous sa description sur Google. Mais au lieu de critiquer la qualité des burgers, des frites ou du service, les utilisateurs ciblent le gouvernement russe: «Arrêtez cette folie en Ukraine», «Tant de civils meurent» ou encore «S’il vous plaît, dites NON à Poutine».

Les images de citoyens ukrainiens, armés et prêts à tout pour leur pays, ont fait le tour du monde. Mais les fusils et les cocktails Molotov ne sont pas les seuls moyens pour déstabiliser la Russie: à l’appel du collectif de hackers Anonymous, des individus du monde entier se mobilisent en ligne pour lutter contre la propagande de Vladimir Poutine et informer la population russe sur la guerre grâce aux avis sur Google et Tinder.

Petit-déjeuner 5 étoiles à Moscou

«Allez sur Google Maps. Allez en Russie», a tweeté Anonymous lundi soir. Objectif de la démarche? Trouver une entreprise, un restaurant ou un distributeur automatique de billets et rédiger une évaluation. «Expliquez-y ce qu’il se passe en Ukraine», détaille le collectif de hackers.

Le collectif de hackers Anonymous a lancé lundi soir un appel à la cyberguerre civile.
Photo: UIG via Getty Images

Mardi après-midi, le Tweet avait déjà été partagé plus de 25’000 fois. Anonymous y invite les gens en Ukraine et partout dans le monde à donner une évaluation 5 étoiles, à condition qu’il ne s’agisse pas d’une entreprise d’État. Un texte en russe est proposé: «C’était très sympa, mais Poutine nous a coupé l’appétit en envahissant l’Ukraine. Soulevez-vous contre votre dictateur, cessez de tuer des innocents! Votre gouvernement vous ment.»

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Des utilisateurs du monde entier postent des captures d’écran de restaurants avec des évaluations, auxquelles sont jointes des photos de la guerre, des villes ukrainiennes dévastées et des manifestations en Europe. «J’ai déjà pris neuf petits-déjeuners à Moscou aujourd’hui», rapporte une utilisatrice. Certains envisagent d’utiliser d’autres canaux pour sensibiliser la population russe. L’utilisateur «Anonleaks» recommande de mettre un message d’information dans sa biographie sur l’application Tinder «et ensuite, vous entrez la Russie comme localisation».

Manifestation en ligne

Myriam Dunn Cavelty, 45 ans, du Center for Security Studies de l’EPF de Zurich, considère la mobilisation civile sur la toile comme une sorte de manifestation, «une manifestation qui n’a pas lieu à Berne ou à Zurich, mais en ligne», précise-t-elle.

L’experte en cybersécurité fait clairement la distinction entre deux formes d’actions; les cyberattaques stratégiques et militaires, ordonnée par l’État, et les nombreuses initiatives en ligne, auxquelles tout le monde peut participer. Dans le cas des interventions militaires de l’Etat, il s’agit d’attaques ciblées sur les infrastructures de l’adversaire afin de le perturber ou de le ralentir, souligne Dunn Cavelty.

La Russie est considérée comme un précurseur de la guerre 2.0 et est tristement célèbre pour ses cyberattaques. Depuis de nombreuses années déjà, des hackers russes sévissent dans le cyberespace ukrainien. En 2016, le rançongiciel «NotPetya» qui s’était propagé dans le monde entier depuis l’Ukraine est l’un des cyberincidents les plus coûteux de tous les temps. Le projet était piloté par les services secrets russes, comme le confirme Myriam Dunn Cavelty.

Les récentes attaques contre les banques ukrainiennes et le ministère de la Défense à la mi-février étaient en revanche moins sophistiquées. Myriam Dunn Cavelty suppose qu'«il s’agissait sans doute surtout de semer la peur et la confusion». Selon elle, il n’y a pas forcément un acteur étatique derrière tout cela.

Chaîne d’État paralysée

L’arme la plus courante des combattants en ligne: les attaques dites DDoS, qui consistent à paralyser un site web. «Les conséquences sont visibles et cela a donc un certain impact psychologique», explique Myriam Dunn Cavelty.

Ces derniers jours, des pirates informatiques ont paralysé le site web de la chaîne publique russe RT News ainsi que de nombreux fournisseurs d’accès Internet du gouvernement russe. Anonymous, qui avait officiellement déclaré la cyber-guerre à la Russie après le début de l’invasion, a revendiqué ces attaques.

Selon Myriam Dunn Cavelty, les cyberattaques civiles, comme la récupération des évaluations de restaurants, donnent à la population le sentiment d’aider. «Elles ne sont certes pas très efficaces, mais elles ne font pas de mal non plus.»



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