Devant les députés
Elisabeth Borne, Première ministre française condamnée à être assiégée

La cheffe du gouvernement français, Elisabeth Borne, présentait ce mercredi son discours de politique générale devant les députés. Un programme loin de la volonté de réforme affichée jadis par le président réélu Emmanuel Macron. L'heure est au sauvetage du quinquennat.
Publié: 06.07.2022 à 17:49 heures
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Dernière mise à jour: 07.07.2022 à 10:30 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Emmanuel Macron en avait fait, durant les récentes campagnes présidentielle et législative, un slogan électoral. Mercredi 6 juillet, la Première ministre française, Elisabeth Borne, l’a transformé en horizon politique pour le second quinquennat du président réélu le 24 avril. Ce mot, «Ensemble», a été répété à satiété par la cheffe du gouvernement face aux députés, dont elle a renoncé à solliciter la confiance, faute de majorité garantie. Une motion de censure déposée par la gauche sera soumise au vote de l’Assemblée nationale vendredi.

«Ensemble», mais pour quoi faire?

«Ensemble», mais pour quoi faire? Difficile, à écouter le discours prononcé devant l’Assemblée nationale, de percevoir des signes de cette «transformation» de la France qui constituait, voici cinq ans, la promesse macronienne par excellence. Un seul objectif désormais pour un quinquennat que beaucoup considèrent déjà comme achevé, parce que condamné à négocier sur tout: éviter l’explosion d’un pays en forme de cocotte-minute, dont la radicalisation des forces politiques alimente l’ébullition. En espérant que l’amélioration sur le front de l’emploi – le chômage est en nette diminution ces derniers mois - calme le jeu.

Voilà le disrupteur Macron transformé en pompier avec, comme lance à incendie, les recours à la générosité financière d’un Etat Français surendetté pour contrer la hausse des prix de l’énergie, réformer l’allocation adultes handicapés, entamer une grande remise à plat des hôpitaux, de l’assistance aux personnes âgées, de l’éducation nationale ou de l’implantation des médecins sur l’ensemble du territoire.

Devant les députés français, la Première ministre a prononcé mercredi 6 juillet un discours de politique générale sans annonce fracassante. Faute de majorité garantie, elle n'a pas sollicité la confiance de l'Assemblée nationale.
Photo: DUKAS

«Ne jamais rompre le fil du dialogue»

Ensemble, donc? «Je m’engage à ne jamais rompre le fil du dialogue avec les groupes parlementaires, avec les forces vives, avec les Françaises et les Français. Je m’engage à bâtir des compromis ambitieux, sans compromission sur les valeurs, des solutions concrètes, des majorités de projets et d’idées. Les Français ont sonné l’heure de la responsabilité, nous serons au rendez-vous», a promis la Première ministre, technocrate réputée pour sa ténacité.

Ironie de la politique, voici le second mandat d’Emmanuel Macron confié à une femme qui, tout au long de sa carrière, a personnifié la puissance publique comme haut fonctionnaire, patronne des transports publics parisiens et préfet de région. Au début de son premier mandat, en 2017-2918, le jeune président aujourd’hui âgé de 44 ans avait moqué «l’Etat profond» qui l’empêchait d’agir. Cette rhétorique de rupture a disparu. L’heure est au contraire au retour de l’interventionnisme public, symbolisé par la décision de renationaliser bientôt EDF, le géant français de l’électricité, pour faire face aux pénuries annoncées d’énergie.

Une succession de mains tendues

Le reste du discours d’Elisabeth Borne devant les députés aura été une succession de mains tendues, en particulier vers les femmes et les élus des territoires. Logique. Très critiquée pour son manque de charisme – à nouveau démontré durant son intervention à l’Assemblée nationale interrompue à plusieurs reprises par le chahut des députés – la seconde Première ministre de la Ve République (en place depuis 1958) sait qu’elle n’a pas les moyens de recoudre une France divisée et polarisée.

Sa volonté est donc de temporiser, en espérant que la nouvelle alchimie politique féminine – une présidente à la tête de l’Assemblée nationale, trois femmes à la tête des groupes parlementaires les plus importants, dont ceux du Rassemblement national (droite nationale-populiste) et de la France Insoumise (gauche radicale) – contribuera peut-être à dépassionner le débat. «Le temps des femmes est venu, il durera», a pronostiqué Aurore Bergé, cheffe des députés de la majorité présidentielle.

Refermer le couvercle sur les ambitions présidentielles

Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter à l’expiration de son mandat en 2027. Or sur la base du discours de sa Première ministre, son programme ressemble aujourd’hui à une surenchère de promesses aussi morales que politiques, alors que ses successeurs potentiels préparent leurs armes en coulisses. Résultat? Une succession de formules assez creuses brandies mercredi 6 juillet devant les députés: «Agir de bonne foi», «en bonne intelligence», «défendre l’égalité des chances», «mieux prendre en compte les inégalités sociales», «miser sur le travail car il peut déjouer le destin»…

En termes plus arides, cela veut dire qu’Elisabeth Borne va s’efforcer de gérer les affaires courantes dans un pays incandescent. Comme si cette Première ministre à la moue sévère se savait condamnée à refermer le couvercle des ambitions présidentielles du second quinquennat. Avant même que celui-ci ait vraiment commencé.

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