Commentaire de Richard Werly
Plus que jamais, Vladimir Poutine veut s'assurer du contrôle de l'armée

Dans son discours prononcé mercredi 21 décembre, le président russe a promis de donner à son armée tout ce qu'elle demandera sur le plan financier pour surmonter ses problèmes. Le message est clair: seule la force compte pour lui en Ukraine.
Publié: 22.12.2022 à 10:11 heures
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Dernière mise à jour: 22.12.2022 à 10:21 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

La guerre des images s’est de nouveau soldée, mercredi 21 décembre, par une victoire sans appel de Volodymyr Zelensky. Pour le président ukrainien, en visite à Washington après s’être rendu la veille sur le front à Bakhout, un déluge de clichés dont rêve tout chef d’État assiégé qui a besoin d’alliés. La fermeté affichée à ses côtés par Joe Biden. Un Congrès américain qui acclame celui qui, au début de la guerre, avait décliné l’offre d’être exfiltré de son pays pour échapper à l’invasion russe. Des batteries de missiles antiaériens Patriot en partance prochaine pour l’Ukraine.

Seuls les missiles à longue portée lui sont encore refusés, pour ne pas diviser l'Alliance atlantique en exposant les Européens à des frappes russes de rétorsion. Voilà Zelensky le combattant conforté dans sa posture de résistant et de protégé de l’Occident.

Discours aux officiers supérieurs russes

Le contraste, à Moscou, est plus que saisissant. Dans son discours aux officiers supérieurs de l’armée russe, seul aux côtés du ministre de la Défense Sergueï Choïgu, Vladimir Poutine est apparu le dos au mur. Pas question d’admettre la réalité: à savoir la leçon cruelle que viennent d’infliger des mois de combats à des militaires russes qui se croyaient capables de prendre le contrôle de Kiev en quelques jours, après le déclenchement de l’invasion le 24 février. Pas question non plus d’ouvrir le moindre espace à la diplomatie, dans lequel beaucoup de dirigeants européens aimeraient sans doute pouvoir s’engouffrer.

C'est devant l'ensemble des officiers supérieurs russes que Vladimir Poutine a choisi de s'exprimer dans son discours de fin d'année consacré à la guerre en Ukraine.
Photo: DUKAS

Isolé sur le plan économique par les neuf paquets de sanctions internationales adoptés par les États-Unis et par l’Union européenne (que la Suisse va aussi mettre en vigueur), le président russe n’a qu’un remède à proposer: des promesses. Promesses d’un soutien financier illimité. Promesses d’accélérer la fabrication de missiles hypersoniques. Promesses d’accroître encore son arsenal nucléaire. En clair: promesses de permettre à cette armée le dos au mur de reprendre demain l’initiative sur le terrain, dans cette guerre que Vladimir Poutine refuse toujours de désigner comme telle.

Différence de postures

La leçon à tirer de ces images et de ces deux postures est assez évidente. S’il dépend évidemment depuis le premier jour du conflit du bon vouloir de ses alliés, Volodymyr Zelensky n’a pour l’heure rien à craindre de ceux qui le soutiennent militairement. Mieux: avec toutes les limites qui sont les siennes, son armée sait que le soutien occidental dépend largement aujourd’hui de cet ancien acteur transformé en homme d’État par les circonstances. Ce pacte-là est solide. Les combattants, sur le front, sont alignés sur ce président qui sait mieux que personne conforter la coalition dont ils ont besoin pour tenir tête à la Russie, et repartir à l’offensive.

Vladimir Poutine, à l’inverse, est apparu mercredi bien plus fragile. Peut-il vraiment tenir ses promesses auprès des généraux d’une armée ébranlée par la perte massive de soldats et d’officiers? A-t-il les moyens de convaincre ceux-ci de repartir au front face à des Ukrainiens bien équipés, soutenus à distance par l’OTAN? Peut-il s’assurer que les réservistes envoyés combattre seront des soldats fiables devant l’épreuve du feu?

Les bons connaisseurs de la Russie répliqueront que, dans l’histoire, les succès de son armée ont toujours été la conséquence d’une première défaite. Les Russes excellent dans les contre-offensives et les combats donnés perdus, surtout durant l’hiver. Mais il ne s’agit pas cette fois de repousser des armées étrangères à l’assaut de Moscou. Il s’agit de mener à bien une invasion dont les justifications idéologiques et sécuritaires, au fil des mois, n’ont fait que s’étioler.

Poutine n’est pas faible, mais il n’a pas confiance dans son armée

Le pire serait d’en déduire que Poutine est faible derrière sa rhétorique toujours plus guerrière. Le maître du Kremlin maîtrise pour l’heure la seule arme en laquelle il croit: la force brute. Son pouvoir contrôle l’appareil militaire. Le verrouillage de la société est efficace. La propagande fonctionne lorsqu’on s’éloigne de Moscou. Mais le fait de multiplier les promesses, surtout budgétaires, peut aussi se transformer en redoutable engrenage si elles ne sont pas tenues.

L’ancien officier du KGB, commissaire politique dans l’âme, n’a en réalité pas confiance dans ses généraux. Il en a peut-être même peur. Alors que Zelensky, lui, tient solidement son armée après sa démonstration de force à la Maison-Blanche.

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