Commentaire de Richard Werly
L'OTAN est une alliance défensive, elle vient de le montrer

Les premières informations disponibles mardi sur la frappe meurtrière de missile en Pologne désignaient Moscou. Les premières investigations ont montré qu'il ne s'agissait pas d'un missile russe. L'OTAN a temporisé. Les Alliés aussi. Tant mieux.
Publié: 16.11.2022 à 16:14 heures
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Dernière mise à jour: 16.11.2022 à 17:03 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

L’OTAN vient de démontrer qu’elle est bien une alliance défensive. Et que la guerre en Ukraine est beaucoup trop sérieuse pour faire l’objet d’une escalade incontrôlée.

Tout était pourtant en place, mardi soir 15 novembre, pour un redoutable engrenage. La possibilité d’une frappe russe sur un village frontalier polonais était plausible, à l’issue d’une journée marquée par une pluie de missiles tirés par le Kremlin sur l’ensemble du territoire ukrainien. L’autre possibilité, celle d’une «bavure» russe, engendrée par exemple par un missile mal guidé, ne pouvait pas être écartée. Les médias, dont Blick, ont d’abord répercuté cette possibilité.

Au final, l’hypothèse la plus probable est celle d’un missile antimissile ukrainien qui, en s’écrasant sur le territoire polonais, a fait deux morts. Des vérifications, dans la nuit polonaise, ont a priori permis d’exonérer la Russie qui, depuis le début, niait toute responsabilité et parlait de «provocation». Dont acte.

Les dirigeants alliés présents au G20 de Bali (Indonésie) ont passé une partie de la nuit sur le dossier ukrainien, après la frappe de missile en Pologne. Au petit matin, Joe Biden et Emmanuel Macron ont très vite temporisé, affirmant comme «très improbable» que l'engin soit venu de Russie.
Photo: keystone-sda.ch

Prudence des alliés

La leçon de cette nuit d’inquiétudes légitimes, compte tenu de ce qu’une frappe russe sur la Pologne pourrait automatiquement engendrer, est donc que les Alliés, comme l’OTAN, ne se sont pas précipités pour réagir et riposter. Ce qui est une excellente nouvelle. Que les journalistes relaient des informations imprécises, faute d’obtenir en temps réel les confirmations adéquates, est problématique, mais malheureusement routinier. La prudence médiatique requise, en période de guerre, peut par moments être altérée.

L’important est en revanche que les décideurs, eux, ne se laissent pas prendre dans cet engrenage. Or, au vu des précautions prises, au fil des heures, par Joe Biden, Emmanuel Macron, et les dirigeants des pays alliés réunis à Bali (Indonésie) pour le sommet du G20, cela a été le cas cette nuit.

La Russie n’a pas été désignée coupable

Soupçonnée, la Russie n’a pas été désignée comme coupable. Les autorités polonaises, après avoir mis le pays en état d’alerte, ont gardé leur sang-froid, activant l’article 4 de la charte de l’OTAN pour obtenir d’immédiates consultations. Le président polonais, le très nationaliste Andrezj Duda, a d’ailleurs ce matin reconnu qu’il n’y avait, après enquête, pas de signe d’une frappe «intentionnelle».

Le seul à avoir trop vite interprété ces frappes est Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien, qui s’adressait en visioconférence au G20, a parlé trop vite d’un «message adressé par la Russie au G20» et «d’un État terroriste contre lequel il faut se défendre». Mais il était là dans son rôle, alors que les missiles russes tombaient dru sur les infrastructures de son pays. Et ce, après avoir présenté un plan de paix en dix points au sommet de Bali.

Les canaux de dialogue avec la Russie ont sans doute fonctionné

L’enseignement de ces heures durant lesquelles un parfum de troisième guerre mondiale s’est remis à flotter, est que le pire n’est pas intervenu. Tant mieux. Les canaux de dialogue entre Moscou, les Occidentaux et l’OTAN servent à l’évidence encore à quelque chose. Mais il faut aussi redire que tout peut basculer dans le conflit ukrainien déclenché par Vladimir Poutine le 24 février dernier. Cette nuit doit servir d’avertissement. Un conflit de cette ampleur comporte toujours des risques colossaux de dommages géopolitiques collatéraux. Avoir, cette fois, évité l’escalade, ne signifie pas que demain ou après-demain, la même prudence sera au rendez-vous.

Tant que les armes continueront de parler, et que Moscou cherchera à détruire l’Ukraine pour justifier son annexion illégitime et illégale, la paix régionale et mondiale restera suspendue au moindre tir de missile. Intentionnel ou pas.

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