Airbnb, on oublie
Vous voyagez low cost? Ça pourrait bien ne pas durer

Aux Rencontres économiques annuelles d'Aix-en-Provence, la question du tourisme de masse et de son évolution ne fait plus guère de doutes. Vive le camping. A bas Airbnb. Une révolte attisée par les villes touristiques saturées.
Publié: 09.07.2022 à 12:04 heures
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Dernière mise à jour: 09.07.2022 à 16:02 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Airbnb, cible de la colère économique et touristique mondiale à l’heure où la ruée sur les destinations de vacances remplit les gares, les aéroports et les plages. Le constat est exagéré. Mais pour les experts présents aux Rencontres économiques annuelles d’Aix-en-Provence (F) ce 9 et 10 juillet, le verdict est sans appel: le géant mondial de la location meublée va être rudement secoué.

«Beaucoup de villes touristiques se révoltent. La pandémie de Covid-19 a permis aux populations locales, restées sur place, de reprendre l’initiative. Le ras-le-bol devant la prolifération d’immeubles achetés et loués pour Airbnb est une priorité politique pour les maires, et économiques pour le secteur du tourisme», juge Françoise Benhamou, coprésidente du Cercle des économistes, organisateur des Rencontres d’Aix.

Colères touristiques mondiales

Airbnb n’est pas la seule cible de ces nouvelles colères touristiques mondiales. On connaît l’offensive sans merci menée par les écologistes contre les vols low cost, dont l’empreinte carbone est énorme. Selon différentes études, un vol de moins de 500 kilomètres produit 85% de fois plus d’émissions au kilomètre qu’un vol de plus de 2000 kilomètres.

Saturée, la municipalité de Venise envisage d'instaurer un péage supplémentaire pour les touristes afin de limiter le nombre d'entrées quotidiennes dans la Sérénissime. Une taxe touristique existe déjà depuis 2022.
Photo: EPA

L’idée d’une nouvelle taxe du transport aérien, par ailleurs déjà pénalisé par la forte augmentation des prix du carburant, est logiquement dans l’air. Un rapport de la Commission européenne de 2018 défendait, avant la pandémie, l’idée d’une TVA aérienne de 20%, qui aboutirait à une baisse du trafic et des émissions de CO2 du même montant.

Le parlement européen veut réguler le transport aérien

Or le 26 juin, un rapport du parlement européen est reparti à l’assaut. «Il est nécessaire de préparer l’avenir et de procéder aux ajustements qui s’imposent pour garantir le bon fonctionnement d’un marché du transport aérien contribuant à la réalisation des objectifs de l’Union en matière de climat, avec des niveaux élevés de connectivité, de sûreté et de sécurité», peut-on lire dans ce document.

Lequel ajoute, en guise d’avertissement aux passagers habitués à voler pour quelques dizaines d’euros: «La demande des consommateurs peut jouer un rôle important pour le passage de l’aviation à un modèle plus durable. Toutefois, pour que les consommateurs puissent choisir en connaissance de cause, il faut leur apporter des informations plus sérieuses, fiables, indépendantes et harmonisées sur l’incidence des vols sur l’environnement, conformément au plan d’action de la stratégie de mobilité durable et intelligente.» Sous entendu: préparez-vous à être mieux informés et à payer plus.

L’an zéro du tourisme

Le sociologue français Jean Viard vient de publier «L’an zéro du tourisme» (éd. de l’Aube). Il grogne contre le modèle touristique qui s’est imposé ces dernières décennies: «Aux parcs de loisirs a succédé le tourisme urbain. Partout alors, on a fermé les bistrots pour ouvrir des brasseries, des restaurants, des lieux de culture, des McDo et des kebabs. Les cités sont devenues d’immenses Club Med. Les soixante millions de touristes internationaux de 1968 sont devenus milliard en 2019.»

Et d’ajouter: «Tout est toujours possible bien sûr. Les avions et les trains sont toujours là. Les McDo et les restaurants aussi. Mais pour quels usages et quels plaisirs, quelles 'expériences', comme on dit aujourd’hui? Et si nous envisagions un effet long du Covid? Une libération du sens, de l’autonomie? Attention! Certes, les avions vont redécoller, il y aura des baigneurs sur les plages, des spectateurs dans les salles. Mais aussi nombreux? Pour voir quoi? Attend-on que tout 'redevienne comme avant'?»

Attention, changement de modèle! Préparez-vous à payer plus cher et à ne pas trouver, en deux clics, l’appartement de vos rêves où vous et vos amis pourrez rentrer tard le soir en chantant à tue-tête dans les escaliers sans vous soucier des voisins qui habitent depuis des années dans l’immeuble. A Paris, les propriétaires de logements loués sur les plateformes doivent impérativement se déclarer et s’acquitter d'une taxe qui a rapporté seize millions à la municipalité en 2021. Mais pour quel coût induit?

Dépenses pour les collectivités, recettes pour les particuliers

«L’équation économique oblige à regarder les dépenses qui incombent à la collectivité et pas seulement les recettes qui vont dans la poche des particuliers, complète Françoise Benhamou, du Cercle des économistes. L’afflux de touristes hors des structures traditionnelles, comme les hôtels, augmente la saleté urbaine, le volume des déchets, les nuisances sonores incontrôlées.»

S’y ajoutent les conflits entre copropriétaires, les recours administratifs, le fardeau administratif qui en découle. «Mon pronostic est que nous allons vers un tourisme plus inégalitaire poursuit l’économiste française. Pour faire simple: la prime ira dans les prochaines années aux hôtels de luxe d’un côté et aux campings de l’autre. La moyennisation du tourisme est derrière nous.»

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