A Paris, la Suisse n'a pas la cote
Berne devra faire des concessions pour accéder au marché européen

L'économiste Laurence Boone, secrétaire d'État française chargée de l'Europe, recevait mercredi 21 septembre une délégation de journalistes européens. Son avertissement à Berne est clair: il faudra faire des concessions pour remettre le train bilatéral sur les rails.
Publié: 21.09.2022 à 16:16 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Livia Leu peut remballer ses arguments pour une reprise des négociations avec l'Union européenne, distillés dans un récent entretien à la NZZ. La Secrétaire d’État, négociatrice en chef avec l’UE et ancienne ambassadrice à Paris, vient de voir une nouvelle porte se refermer sur la Confédération.

Le 6 octobre prochain, la Suisse est pourtant invitée à Prague, avec 17 autres pays non-membres de l’UE, au premier sommet de la future Communauté politique européenne initiée, entre autres, par Emmanuel Macron. Pourra-t-elle, alors, profiter de cette réunion «d’égal à égal» avec les 27 pays membres de l’UE, pour contourner la Commission, cet interlocuteur intraitable avec lequel tout se passe mal depuis le rejet par le Conseil fédéral, le 26 mai 2021, du projet d’accord-cadre? «La réponse est non, répond catégoriquement Laurence Boone, secrétaire d’État française chargée de l’Europe. La Suisse doit cesser de croire que l’Union n’est qu’un grand marché dans lequel on peut piocher à sa guise.»

Paris fâché contre Berne

Que Paris soit fâché contre Berne n’est pas une surprise. Depuis le rejet de l’accord-cadre, et surtout depuis la décision du Conseil fédéral de préférer les F-35 américains aux avions de chasse européens (Rafale ou Eurofighter), le gouvernement français tourne le dos à son voisin helvète.

Du coté suisse, la secrétaire d’Etat Livia Leu a reproché à l'Union européenne, dans la «NZZ», de ne pas faire suffisamment avancer le dossier pour relancer la voie bilatérale.
Photo: keystone-sda.ch

Or voilà qu’une fenêtre semblait s’ouvrir avec cette réunion du 6 octobre à Prague, conviée par l’actuelle présidence tournante tchèque de l’UE. La CPE, ou Communauté politique européenne, a pour but de «rassembler le bloc européen face à la Russie et à la Chine». Devant une délégation de journalistes français et européens reçue au Quai d’Orsay ce mercredi 21 septembre, Laurence Boone a expliqué ce que ce nouvel ensemble pourra faire, en particulier sur le plan des indispensables interconnexions pour faciliter les échanges de part et d’autre du continent. Transports. Energie. Numérique. La question d’une généralisation de l’itinérance téléphonique, sans surcoût, dans les pays de la CPE (sur le modèle de ce qui existe au sein de l’UE) est par exemple évoquée. D'autres réunions de la Communauté politique européenne suivront.

Une brèche pour la Suisse?

La Suisse peut-elle s’engouffrer dans cette brèche? Peu probable. «Que des coopérations soient évoquées, oui, a répondu la ministre à Blick. Mais l’accès au marché unique exige d’abord d’accepter l’acquis communautaire (ndlr: la somme des lois et normes de l’UE). Il y a des droits et des devoirs. On ne va pas dupliquer, au sein de la CPE, des coopérations ou des discussions qui se déroulent ailleurs. Vingt-sept pays de l’UE plus 17 autres, cela fait beaucoup de monde. Nous n’allons pas discuter là de cas particuliers gérés par la Commission.»

A Prague, des discussions, pas de déblocage

Ignazio Cassis et Livia Leu peuvent donc miser sur la rencontre de Prague pour discuter, avec les partenaires de la Suisse, de questions relatives à l’Ukraine, ou au soutien à apporter aux pays des Balkans. Le président de la Confédération pourra sans doute en profiter aussi pour échanger quelques mots avec ses homologues.

Mais le gendarme bruxellois peut être rassuré: pour l’heure, Paris entend bien le laisser seul gérer les demandes helvétiques. Avant que les États membres ne réexaminent ce casse-tête qu’est, pour toutes les capitales, le dossier bilatéral.

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