Voulait-il la violer?
Un sénateur français inculpé pour avoir drogué une collègue afin de l'agresser sexuellement

Un sénateur français a été inculpé vendredi pour avoir drogué une collègue dans le but de l'agresser sexuellement. Le premier témoignage public de la victime renforce la pression sur le parlementaire qui a été suspendu par son parti depuis l'incident.
Publié: 21.11.2023 à 11:49 heures
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Dernière mise à jour: 22.11.2023 à 18:16 heures

Jeudi dernier, Joël Guerriau, un sénateur français du groupe Horizons (allié de la majorité présidentielle) âgé de 66 ans, a été placé en garde à vue à Paris. Il est soupçonné d'avoir drogué une députée en vue d'une agression sexuelle, a appris l'AFP de source proche du dossier, confirmant une information de RMC. Samedi, le lendemain de son inculpation, il a été suspendu par son parti.

Le parquet de Paris a confirmé ce placement en garde à vue de Joël Guerriau pour «administration à une personne, à son insu, d'une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes pour commettre un viol ou une agression sexuelle». Les faits auraient eu lieu dans la nuit de mardi à mercredi.

«Une erreur de manipulation»

Après une audition de plus de deux heures vendredi à Paris, l'agresseur présumé a été «mis en examen» (inculpé) pour les mêmes faits que sa garde à vue: «Administration à une personne, à son insu, d'une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes pour commettre un viol ou une agression sexuelle et de détention et usage de substances classés comme stupéfiants».

Le parlementaire aurait été testé positif à plus de six drogues différentes lors d'une analyse toxicologique.
Photo: AFP

Joël Guerriau a nié les accusations lors d'une confrontation vendredi. Il «se battra» pour «démontrer qu'il n'a jamais voulu administrer à sa collègue de travail et amie de longue date une substance pour abuser d'elle». Il «démontrera que c'est une erreur de manipulation qui a causé le dramatique désagrément», a réagi à l'AFP son conseil Rémi-Pierre Drai, pour qui son client n'est «pas un prédateur».

Plus de six drogues dans son sang

D'après des sources proches du dossier, il a cru s'être procuré, auprès d'un membre du Sénat, un euphorisant et non de l'ecstasy, pour sa propre consommation, afin de faire face à ce qu'il a décrit comme des épreuves personnelles. Il a été laissé en liberté, mais placé sous contrôle judiciaire dans la soirée de vendredi, a indiqué son avocat.

Toutefois, le parlementaire aurait été testé positif à de nombreuses drogues lors d'une analyse toxicologique, selon une source proche de l'enquête, publiée par BFMTV. Des traces de MDMA, de méthadone, de cocaïne, de cannabis, d'opiacées et d'amphétamines auraient été détectées dans son sang.

Se mettre en retrait

Le président du Sénat français a demandé lundi à un sénateur soupçonné d'avoir drogué une députée en vue de l'agresser sexuellement de «se mettre en retrait de toutes ses activités liées à son mandat», à la suite de son inculpation. «Il revient désormais à Joël Guerriau de prendre ses responsabilités, le temps que la justice et les services de police puissent éclaircir les faits», estime la présidence du Sénat dans un communiqué, soulignant «l'extrême gravité des faits reprochés au sénateur».

Le président de la chambre haute du parlement Gérard Larcher a plus particulièrement invité Joël Guerriau «à démissionner de ses fonctions de secrétaire au Bureau du Sénat et de vice-président de la commission des affaires étrangères».

Augmenter les effets de la drogue

«J'ai cru mourir.» Le premier témoignage public de Sandrine Josso ce lundi sur France 5 a fait monter la pression sur le sénateur Joël Guerriau. «J'ai juste eu l'instinct de survie nécessaire.»

La députée de Loire-Atlantique a raconté être allée «en confiance» et «en toute amitié» fêter la réélection de son collègue sénateur, élu dans le même département. «Un ami depuis dix ans» dont elle s'étonne de «l'insistance» à trinquer plusieurs fois au champagne – dont le goût «sucré» la surprend – tout en jouant avec le variateur d'éclairage du salon. «Il mettait la lumière très fort, puis la baissait», technique connue pour «augmenter l'efficacité de la drogue» comme lui ont expliqué plus tard les médecins de l'hôpital Lariboisière où elle a fini la nuit.

Prise de «palpitations» et de «sueurs», elle voit alors son hôte ranger «un sachet blanc sous le plan de travail» de sa cuisine – de l'ecstasy, que les policiers retrouveront au même endroit lors d'une perquisition. Pour s'extirper du piège, elle commande un taxi et s'aperçoit que son hôte la suit «dans l'ascenseur, dans la cour, jusqu'au taxi». J'étais paniquée, mon cœur battait... J'avais l'impression de faire une crise cardiaque», a ajouté celle qui se dit encore «en post-trauma» et «sursaute tout le temps».

Toujours en état de choc

La députée de Loire-Atlantique du parti centriste Modem, est «toujours en état de choc», a déclaré à l'AFP son avocate, Me Julia Minkowski. La députée «a dû déployer des forces physiques et intellectuelles monumentales pour surmonter sa terreur et s'extirper in extremis de ce guet-apens. A cela s'ajoute un sentiment de trahison et d'incompréhension totale. Joël Guerriau était un ami depuis une dizaine d'années, en lequel elle avait toute confiance», a poursuivi Me Minkowski.

Des prélèvements dans l'organisme de Sandrine Josso ont révélé la présence d'ecstasy, avait confirmé jeudi le parquet de Paris. Des perquisitions ont ensuite été menées au bureau du sénateur, et à son domicile où les enquêteurs ont retrouvé de l'ecstasy, selon le parquet.

(AFP)

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