Un jour d'août 1944
Il y a 80 ans, un groupe de résistants français créait l'AFP

L'Agence France-Presse fête ses 80 ans! Fondé en 1944 par un petit groupe de résistants français ayant infiltré un organe de propagande du gouvernement de Vichy, l'AFP s'est progressivement développée, jusqu'à devenir l'une des trois grandes agences de presse mondiale.
Publié: 14.08.2024 à 14:36 heures
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ATS Agence télégraphique suisse

Il y a 80 ans, le 20 août 1944, un petit groupe de résistants français investit un organe de propagande du gouvernement de Vichy, allié des nazis, et donne naissance à l'AFP. Paris sera libéré cinq jours plus tard.

C'est un dimanche. Les huit conspirateurs se sont donné rendez-vous à 07h00 dans le coeur de Paris, au 13, place de la Bourse, devant l'immeuble décrépi de l'ancienne Agence Havas, qui abrite l'Office français d'information (OFI) depuis quatre ans et le début de l'occupation nazie.

Cet OFI «était devenu une agence de la propagande allemande», rappellera plus tard Gilles Martinet, un des huit. Le groupe dont il fait partie est surtout formé d'anciens rédacteurs d'Havas: Claude Martial-Bourgeon, Pierre Courtade, Max Olivier, Jean Lagrange, Vincent Latève, Basile Tesselin, auxquels s'est joint Claude Roussel, frais émoulu de l'Ecole normale supérieure (ENS), prestigieuse institution universitaire en France.

Les premiers télex (ici ceux de l'ATS) qui remplacèrent rapidement les premiers ronéos à l'AFP, consommaient beaucoup de papier (Photo d'illustration).
Photo: JOE WIDMER
Claude Martial-Bourgeon, Basile Tesselin, Jean Lagrange et Pierre Courtade, (en bas, de gauche à droite). Max Olivier-Lacamp, Vincent Latève, Gilles Martinet et Claude Roussel.
Photo: AFP

Dépêches tirées sur des ronéos rudimentaires

La chaleur est lourde, les rues sont vides. On entend des fusillades. Un char allemand est immobilisé non loin. Le petit commando, accompagné de deux gardiens de la paix (les seuls à être armés) se faufile dans l'escalier, fait irruption dans la salle de rédaction. Dix têtes se lèvent, éberluées. «Personne ne bouge, personne ne sort... Désormais, vous travaillerez pour la France, au lieu de travailler pour les Allemands», lance Martial-Bourgeon. Aucun ne bronche. On emmène un censeur allemand au sous-sol et on l'enferme.

Rapidement, on prend contact avec les équipes des journaux clandestins: «Combat», «Défense de la France», «Le Parisien Libéré», «L'Humanité»... A 11h30, est publiée la première dépêche: «Les premiers journaux libres vont paraître. L'Agence française de presse leur adresse son premier service...». Jusqu'à la fin des combats, les dépêches sont tirées sur des ronéos rudimentaires, un mode d'imprimerie sur un stencil par dilution d'encre, et distribuées par cyclistes aux journaux et au poste de contrôle de la Résistance.

Des Parisiens achetant des journaux en août 1944, pendant la bataille pour la libération de la capitale française.
Photo: AFP

De la Résistance à la France libre

Le 23 août arrive Fernand Moulier qui a jeté avec d'autres à Londres les bases d'une Agence française indépendante dotée d'un embryon de réseau international. La jonction s'opère entre journalistes de la Résistance et ceux de la France libre.

L'équipe de la place de la Bourse va très vite s'étoffer. «On avait mis un lit de camp dans mon bureau, je dormais là...», racontera Gilles Martinet. Main basse est faite par l'équipe sur les réserves du Caneton, un restaurant proche ayant servi de mess aux officiers allemands. Au menu: terrines, foie gras et vins fins.

Des reporters sillonnent à vélo les environs de Paris à la rencontre des troupes alliées et de la 2e division blindée. Depuis la préfecture, c'est l'un d'eux, Basile Tesselin, qui sera le premier, le 25, à annoncer l'entrée dans Paris du général Leclerc... «Toutes les cloches de Paris ont sonné et ça a été un intense moment d'émotion», racontera Gilles Martinet.

Livreurs quittant les locaux de la Place de la Bourse en 1950.
Photo: AFP

«Tout avait été décidé un mois auparavant, la stratégie, la tactique et surtout l'objectif»: recréer une grande agence de presse française capable de faire entendre sa voix aux quatre coins du monde, l'héritière de l'agence Havas fondée en 1835, racontera Tesselin plus tard.

Ni gestion privée, ni ingérence de l'état!

Mais Havas était une entreprise privée, qui avait compté une branche information et une branche publicité. «Les capitalistes qui géraient l'affaire s'étaient lassés de voir que l'information faisait perdre une bonne partie de l'argent que rapportait la publicité. D'où la séparation, en 1935, des deux activités et, par la force des choses, l'ingérence de l'Etat, moyennant une subvention, dans la branche information», avait-il dit.

Charles de Gaulle traverse les Champs-Elysées le 26 août 1944.
Photo: AFP

«Nous ne voulions ni de l'un ni de l'autre de ces deux inconvénients: celui de la gestion privée, forcément capricieuse et trop attachée au seul intérêt financier, celui de l'ingérence étatique (...), moins préoccupée de l'intérêt de la France que de celui du parti au pouvoir», expliquera Basile Tesselin dans ses mémoires.

Parmi les trois plus grandes agences de presse au monde

Le statut inédit de l'AFP mettra un certain temps à mûrir dans les esprits et sera créé par la loi du 10 janvier 1957, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, qui lui garantit son indépendance.

L'AFP, dont le siège est toujours situé place de la Bourse, est aujourd'hui une des trois grandes agences de presse mondiale, avec Reuters et Associated Press. Ses journalistes sont présents dans plus de 150 pays.

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