Macron le dit à The Economist
Pour sauver l'Europe, envoyer des soldats en Ukraine s'imposera peut-être

Vingt ans après l'élargissement de l'Union européenne vers l'est le 1er mai 2004, et quelques jours après son second discours de la Sorbonne, Emmanuel Macron renfonce le clou dans «The Economist». Oui, l'Europe peut mourir!
Publié: 02.05.2024 à 14:50 heures
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Dernière mise à jour: 02.05.2024 à 17:02 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Vingt ans déjà. Lorsque l’Union européenne accueillait en son sein dix nouveaux pays membres, le 1er mai 2004, Emmanuel Macron sortait à peine de l’École Nationale d’Administration (ENA), cette fabrique des élites françaises qu’il a décidé de transformer en Institut du Service Public. A l’époque, l’élargissement semblait illustrer la fin de la guerre froide. Or aujourd'hui, Emmanuel Macron le redit à «The Economist»: envoyer des soldats en Ukraine s'imposera peut-être pour sauver l'Europe !

Oublié donc le rêve de 2004. On croyait alors fini l’affrontement avec le bloc communiste, disparu après la désintégration de l’Union soviétique en 1991! L’UE était toute entière tournée vers l’avenir, ce qu’ont confirmé ensuite les intégrations de la Bulgarie et de la Roumanie en 2007, puis celle de la Croatie en 2013. Vingt ans… et revoilà que l'Union est soumise aux coups de boutoirs de la Russie de Vladimir Poutine, qui a lancé un assaut sur l’Ukraine le 24 février 2022! Alors, danger? Oui a répondu Emmanuel Macron dans son discours du 25 avril à La Sorbonne. «Notre Europe est mortelle» a-t-il asséné d’emblée.

Mortelle? Cette sombre et décourageante prédiction est répétée par le président Français dans «The Economist» ce jeudi 2 mai, à quelques jours de l’arrivée à Paris du président chinois Xi Jinping, lundi 6 mai. Attention, danger maximal pour l’Union européenne. «Ce qui est en jeu affirme l’hebdomadaire libéral britannique, c’est la survie de l’Europe en tant que lieu sûr, garant de la prospérité et de l’ordre démocratique libéral. «Une civilisation peut mourir prévient Emmanuel Macron, et sa fin peut être brutale. Les choses peuvent aller beaucoup plus vite que nous ne le pensons». Le navire Europe peut donc selon lui faire naufrage, entraînant dans sa perte les pays voisins qui lui sont associés, comme la Suisse.

«Comment venir au secours de l'Europe»: c'est le titre de l'entretien qu'Emmanuel Macron a accordé à The Economist
Photo: Richard Werly
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Premier responsable de ce danger de mort? Le Kremlin. «Si la Russie gagne en Ukraine, il n’y aura pas de sécurité en Europe déclare Emmanuel Macron. Il tire le signal d’alarme: «Qui peut prétendre que la Russie s’arrêtera là? Quelle sécurité y aurait-il pour les pays voisins? Moldavie, Roumanie, Pologne, Lituanie et autres?». Résultat: Emmanuel Macron répète à «The Economist» son refus d’exclure l’envoi de troupes sur le terrain en Ukraine. Il affirme que, face à une Russie expansionniste, la capacité de l’Europe à dissuader toute nouvelle agression repose sur l’absence de définition de lignes rouges. Oui, un déploiement au sol de contingents militaires européens en Ukraine devra peut-être avoir lieu. C’est «la condition fondamentale de la sécurité et de la crédibilité de l’UE explique-t-il. Il ne s’agit pas de paroles en l’air».

Lignes de front

«Si les Russes franchissaient les lignes de front, s’il y avait une demande ukrainienne, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, ajoute-t-il, on pourrait légitimement se poser la question. La France, rappelle-t-il, a envoyé ses troupes aider les pays africains du Sahel lorsque leurs dirigeants le lui ont demandé.

Dans une interview accordée en 2019 à «The Economist», Emmanuel Macron avait parlé de la «mort cérébrale» de l’OTAN, juste avant un sommet crucial de l’Alliance près de Londres. Cinq ans après, sa conviction est que les États-Unis ne sont pas un protecteur à 100% fiable. «Nous devons nous préparer à nous protéger» poursuit-il dans les colonnes de «The Economist». Selon l’hebdomadaire, le président français souhaite que les participants identifient les risques sécuritaires auxquels l’Europe est confrontée, les capacités militaires dont elle a besoin et les moyens de créer davantage de kits sur le sol européen. Fait nouveau: le locataire de l’Élysée est prêt à mettre sur la table une possible extension de la dissuasion nucléaire française à ses voisins européens. «La sécurité future de l’Europe est un débat existentiel qui ne se réduit pas à l’Union européenne estime-t-il. Le cadre n’est pas institutionnel, il est géographique.

L’avenir et la recherche

L’Europe est aussi mortelle parce qu’elle investit trop peu sur son avenir. Dans son discours de la Sorbonne, Emmanuel Macron a insisté sur la recherche, un secteur dans lequel la Suisse et ses universités ont beaucoup à apporter, ce qui justifie le retour prochain de la Confédération dans le programme «Horizon Europe». Le président français va recevoir, la semaine prochaine, le Chinois Xi Jinping. Il a donc répété à «The Economist» sa volonté de voir les Européens rattraper leur retard dans la haute technologie, les technologies propres et l’informatique quantique.

Promesses trop ambitieuses? Objectifs inatteignables? L’hebdomadaire britannique, très pro-Macron depuis la première élection de celui-ci en 2017, défend son cri d’alarme. «Malgré la noirceur de l’analyse du président, son esprit semble, de manière remarquable, avoir survécu aux turbulences de la fonction. Emmanuel Macron ne pourra pas se présenter pour un troisième mandat consécutif en 2027. Il lui reste donc trois ans pour consolider son héritage. Son dernier réveil pourrait être une tentative de réveiller à la fois ses compatriotes européens et ceux qui cherchent à repousser les nationalistes et à lui succéder au sein d’un large centre dans son pays».

Pour lire l’interview de The Economist, cliquez ici

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