La plus belle avenue du monde est aussi celle du luxe
La clientèle arabe des Champs-Elysées, acquise au Maroc

Les Champs-Elysées seront-ils envahis par les fans après la demi-finale de Coupe du monde entre la France et le Maroc ce mercredi soir? La peur d'affrontements plane. Mais dans les boutiques de luxe, les Lions de l'Atlas emportent la mise parmi la clientèle arabe.
Publié: 14.12.2022 à 13:41 heures
|
Dernière mise à jour: 14.12.2022 à 14:00 heures
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Ils ont un drapeau froissé au fond de leurs poches. Et ce drapeau, il n’est pas Bleu-Blanc-Rouge. Fatiah et son mari, tous deux originaires des Émirats arabes unis, le voisin du Qatar, flânent devant l’hôtel Marriott, sur les Champs-Elysées. Au bras de la jeune trentenaire, parfaitement anglophone? Un sac rempli de ses achats dans la boutique d’en face: le «flagship store» de Louis Vuitton, incontournable paquebot du luxe sur l’avenue parisienne mythique.

Pas de vitrines barricadées

Les médias français distillent, depuis les affrontements entre supporters marocains et forces de l’ordre samedi 10 décembre, les peurs ambiantes sur de possibles émeutes à l’issue de la demi-finale France-Maroc de ce mercredi soir. Et pourtant! Pas de vitrine barricadée derrière des planches sur les Champs-Elysées. Pas d’inquiétude palpable, sauf un net renforcement du nombre de vigiles devant les boutiques Cartier, Hugo Boss ou... devant la vitrine commerciale du Paris Saint-Germain. Logique: les Champs, chantés par Joe Dassin, sont aujourd’hui l’avenue la plus arabe et la plus africaine de Paris.

Les Champs-Elysées de Joe Dassin:

Ils sont descendus à plusieurs reprises sur les Champs-Élysées pour exprimer leur joie. À l'issue de la demi-finale contre la France, ce mercredi soir, les supporters du Maroc seront très surveillés et encadrés. Mais ils seront aussi fêtés, le cas échéant.
Photo: Icon Sport via Getty Images
Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Arrêt un instant au Fouquet’s, le restaurant chic au coin de l’avenue Georges-V, où l’hôtel de luxe du même nom est possédé par le prince saoudien Al-Walid Ben Talal. À l’intérieur? De jeunes Saoudiens, Libanais et Turcs. Un couple originaire du Qatar se retourne en entendant parler de son pays, cité aussi ces jours-ci pour l’affaire de corruption au Parlement européen. Leur équipe favorite? Les Lions de l’Atlas. Le Maroc a la cote ici.

Samedi, les supporters marocains étaient pour la plupart tranquilles. Exubérants, passionnés, mais tranquilles. Rien à voir avec les violences endémiques lors des manifestations des «gilets jaunes» bien français durant l’hiver 2018-2019. Les images de flics antiémeutes face à des supporters encagoulés ont été prises plus haut, vers l’Arc de Triomphe. L’avenue de Friedland, qui jouxte la place de l’Étoile, a été bloquée pendant une heure. Quelques scooters ont été renversés. Une voiture a été endommagée, 108 personnes ont été interpellées. Mais les vitrines voisines ont tenu, y compris celle, tout en verre, du restaurant du Drugstore Publicis. Les Champs-Elysées n’ont pas peur ce mercredi. Ils se voient même rois de la fête.

Des Marocains populaires

Mohammed est serveur au Deauville, l’un des cafés des Champs-Elysées, dans le bas de l’avenue. Il est né à Rabat, la capitale du Maroc. Soutient-il lui aussi les Lions de l’Atlas face au «onze» tricolore? Il rechigne. Il hausse les épaules. Il cite les noms des joueurs marocains qui jouent en France: «Ils ont la cote ici. Mes clients les aiment bien. Moi aussi.» A-t-il lui aussi un drapeau dans sa poche, alors qu’une banderole bleu-blanc-rouge est visible dans le café? Pas de réponse. Le drapeau rouge à étoile verte de l'ex-empire chérifien sortira sans doute en fin de soirée.

Les Champs-Elysées, depuis des années, misent sur la clientèle arabe. Quantité d’articles et de reportages ont montré le «tourisme bling bling» des visiteurs originaires du Golfe, souvent visés par des pickpockets. Environ 600'000 touristes du Moyen-Orient visitent la France chaque année. Pour eux, l’avenue est un «must». Impossible de la rater et d’éviter le «selfie» devant l’Arc de Triomphe. Ils déboursent souvent entre 5000 et 10'000 euros pour une semaine. Les enseignes du luxe prouvent leur présence. Les autres commerces ont tous disparu des Champs. Même le bureau de poste a dû plier bagage. La France de l’élite arabe vit, se promène et se montre ici, tout comme l’élite et la diaspora originaire des pays d’Afrique noire.

Les Champs-Elysées, miroir des victoires

Les Champs-Elysées sont aussi, bien sûr, associés aux deux victoires de la France au Mondial de foot. En 1998 et en 2018, à vingt ans d’écart, le défilé de l’équipe sur l’avenue, trophée en main, a été un événement suivi par des milliers de Parisiens et des millions de Français. Les deux fois, les joueurs ont descendu les Champs en bus, avant de rejoindre le Palais de l’Elysée, pour y retrouver le président. Jacques Chirac en 1998. Emmanuel Macron en 2018. On se souvient des visages des joueurs projetés sur l’Arc de Triomphe.

Et si le Maroc gagne? L’un des vigiles du magasin Vuitton, grand «Black» costaud originaire du Mali, dit ne pas trop s’inquiéter. Les illuminations de Noël, et la période touristique s’il en est, ont engendré un maximum de précautions policières. Dès ce mercredi matin, comme Blick l’a constaté, les cars des CRS sont en position.

Dans les coulisses des Champs-Elysées:

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Pas question toutefois, pour le moment, de fermer cette nuit l’avenue la plus arabe de Paris. Les Champs-Elysées marocains ce soir? Ici, tout le monde veut croire que la liesse ne laissera pas derrière elle, quel que soit le vainqueur, un cortège de violences. Les illuminations de Noël y ont d’ailleurs été inaugurées, le 20 novembre, par l’acteur franco-algérien Tahar Rahim. La vitrine commerciale de la France mondialisée mise, au contraire, sur un déluge de fraternité très lucratif.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la