Jupiter joue à Guillaume Tell
Vous voulez des référendums? Bienvenue en Suisse président Macron!

Le président français a proposé mercredi 4 octobre de réformer la Constitution pour élargir le champ du référendum. Ça tombe bien! Il pourra interroger les Suisses sur leur démocratie directe lors de sa prochaine visite mi-novembre.
Publié: 04.10.2023 à 17:33 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Jupiter se prend pour Guillaume Tell! Voici Emmanuel Macron, ce président omniprésent affublé d’un nom de dieu romain transformé en défenseur du référendum pour redonner la parole à celui qui, en Suisse, est nommé le «souverain», c’est-à-dire le peuple. Vraiment?

C’est en tout cas la proposition que le chef de l’État français vient de faire dans son discours pour le 65e anniversaire de la Constitution de 1958, celle de la Ve République toujours en vigueur. Et ce, à moins de deux mois de sa visite officielle à Berne prévue les 15 et 16 novembre. Une occasion rêvée d’interroger les Helvètes, en direct, sur leur pratique de la démocratie directe!

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Le président, réélu pour cinq ans en avril 2022, propose deux modifications de la Constitution, qui a déjà été amendée plusieurs fois. La première vise à élargir le champ de l’article 11, l’autre veut assouplir les conditions de mise en œuvre du référendum d’initiative partagée (RIP) instauré sous la présidence de Nicolas Sarkozy, mais très difficile d’utilisation. Il s’agit, selon Emmanuel Macron «de répondre aux aspirations démocratiques de notre temps» et de valoriser la «souveraineté populaire», qui «préside à toutes nos évolutions institutionnelles». 

Le président français n'est pas en mesure d'imposer une nouvelle pratique du référendum. Cela passe d'abord par une réforme de la Constitution.
Photo: keystone-sda.ch
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Mais attention: le locataire de l’Élysée ne fait que proposer. Un élargissement du référendum doit passer par une révision de la Constitution votée en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat, avant d’être adoptée par une majorité des trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès ou… par un référendum. Les formations politiques représentées au Parlement les plus favorables au recours plus fréquent aux votations populaires sont la gauche radicale de Jean-Luc Mélenchon et la droite nationale populiste de Marine Le Pen.

Une initiative attendue

Cette initiative d’Emmanuel Macron était attendue. Pour redonner du sens à son second mandat, et pour contourner l’absence de majorité relative à l’Assemblée nationale de son camp présidentiel, le chef de l’État a plusieurs fois «sondé» des experts sur la faisabilité de référendums. Sa crainte, justifiée, est que ces votes se transforment inévitablement en plébiscites, pour ou contre lui. 

Il n’avait toutefois guère le choix, faute d’autres options. La droite traditionnelle n’est pas prête à soutenir les projets de loi du gouvernement. Macron a aussi compris, au fil «grand débat national» mené après la crise des «gilets jaunes», et au cours du Conseil national de la refondation qui vient de s’achever, que le référendum est populaire en France. Les électeurs réclament d’être davantage consultés. Tous les sondages le confirment.

Habillage politique?

Alors, Guillaume Tell plutôt que Jupiter? Ou habillage politique destiné à renvoyer la balle référendaire aux deux assemblées? Des parlementaires, au-delà des fidèles de Mélenchon et de Le Pen, se sont en tout cas beaucoup investis dans l’idée de votations plus régulières sur les questions de société. C’est le cas des élus du groupe de députés indépendants LIOT. 

Lorsqu’il sera en Suisse, à la mi-novembre, Emmanuel Macron pourra demander à ses interlocuteurs de leur remettre les livrets pédagogiques qui expliquent, avant chaque vote, l’objet des différents référendums. Mais il y aura toujours un fantôme au-dessus des référendums français: celui du Général de Gaulle, inspirateur de la Constitution de 1958 taillée sur mesure pour lui. De Gaulle défendait le recours au peuple face aux partis. Il quitta brutalement le pouvoir en 1969 après sa défaite au référendum constitutionnel qui prévoyait de transformer le Sénat.

Pas sûr que son successeur actuel soit prêt à courir le même risque.

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