Ils élisent leur président à l'Assemblée
Ces députés français veulent gifler (politiquement) Macron

L'Assemblée nationale française ouvre ce jeudi 18 juillet sa nouvelle législature. Une bonne partie des 577 français vont, avec l'élection de leur président, tenter d'infliger une nouvelle gifle politique à Emmanuel Macron.
Publié: 18.07.2024 à 13:15 heures
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Dernière mise à jour: 18.07.2024 à 14:40 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils ont le pouvoir entre leurs mains. Ou plutôt, dans les bulletins de vote qu’ils déposeront ce jeudi en fin d’après midi, dans l’urne surveillée par le doyen d’âge de la nouvelle Assemblée nationale, Jose Gonzales, 81 ans, élu d'extrême-droite. Les 577 députés français élus les 30 juin et 7 juillet sont tous conscients qu’ils peuvent tourner une page dans la vie de la République. Pour la première fois en France depuis l’élection du président au suffrage universel en 1962, le pouvoir législatif est en mesure d’imposer sa loi à l’exécutif. Plus qu’une situation inédite, une révolution. Surtout quand le Chef de l’État réélu en avril 2022 se nomme Emmanuel Macron.

Pourquoi parler d’une gifle politique adressée au locataire de l’Élysée? Parce qu’en désignant ce 18 juillet, dès l’ouverture de la nouvelle législature, un président de l’Assemblée capable de tenir tête à Macron, les députés auront encore plus déplacé le centre de gravité du pouvoir dans ce pays si centralisé qu’est la France. La question du futur Premier ministre se posera ensuite. Celui-ci est nommé par le président de la République, seul responsable de son choix. L’objectif de nombreux parlementaires est toutefois de limiter sa marge de manœuvre. Pour éviter la nomination d’un gouvernement d’experts, faute de majorité parlementaire claire.

Comment vont-ils donc s’y prendre, ces députés désireux de gifler Macron, à qui ils reprochent d’avoir prononcé la dissolution surprise de l’Assemblée au soir des élections européennes du 9 juin?

Emmanuel Macron est désormais rejeté par un grand nombre de députés réélus les 30 juin et 7 juillet, y compris au sein de son camp politique.
Photo: keystone-sda.ch
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Face à l’exécutif

Leur premier bras d’honneur parlementaire au chef de l’État pourrait consister à élire un président de l’Assemblée qui ne lui doit rien, et qui défendra coûte que coûte le pouvoir de celle-ci face à l’exécutif. Or deux candidats sont bien placés pour jouer ce rôle.

Le premier est le député indépendant de la Marne Charles de Courson, 72 ans, personnage atypique, aristocrate et haut fonctionnaire rigoureux (il a démarré sa carrière à la Cour des comptes), qui a longtemps siégé à droite avant jouer une partition plus solitaire au sein d’un groupe hors partis politiques: le groupe LIOT qui regroupe des indépendants et des élus d’outre-mer.

De Courson a toujours défendu la rigueur budgétaire. Il est élu député depuis 1993. Il fait partie de cette droite traditionnelle qui n’a jamais supporté la volonté de Macron de dépasser les clivages et de défendre le «en même temps» entre la droite et la gauche. Il pourrait, en lot de consolation s’il se retire, obtenir la présidence de la Commission des finances.

Le second est le député communiste du Puy de Dôme André Chassaigne, 74 ans, élu depuis 2002. Ce parlementaire truculent, presque copie-conforme de «Peppone», le maire communiste du film Don Camillo, est un authentique militant de gauche. Il est soutenu par le Nouveau Front Populaire, l’alliance entre les socialistes, communistes, écologistes et La France Insoumise (LFI, gauche radicale).

L’élection de Chassaigne serait un signe adressé à Macron selon lequel la gauche, arrivée en tête à l’issue des législatives, peut réunir une majorité relative et donc gouverner. Chassaigne connaît bien le président conservateur du Sénat Gérard Larcher. Il serait moins frontal et moins raide dans ses rapports avec le président que Charles de Courson. Mais il fera tout pour enlever du pouvoir à l’Élysée.

Battre la présidente sortante

Les députés pourraient aussi asséner une gifle politique à Emmanuel Macron en faisant battre la candidate de l’Élysée au «perchoir», la présidence de l’Assemblée. Yaël Braun-Pivet exerçait cette fonction depuis 2022. Elle est positionnée au centre-droit. Sa victoire ce jeudi signifierait que les oppositions à Macron n’ont pas réussi fédérer contre lui assez de voix. L’Élysée esquiverait la gifle. Sa défaite prouverait en revanche qu’une page est tournée. On murmure à Paris que beaucoup de députés macronistes, furieux contre leur patron, pourraient lui faire défaut lors du vote à bulletins secrets.

Alors, gifle politique ou pas? Il faudra sans doute attendre le troisième tour. Les deux premiers imposent de recueillir la majorité absolue des 289 voix pour être élu. Ensuite, c’est celui qui a emporté le plus de voix qui gagne.

Le RN, très puissant

Il faudra aussi scruter le comportement du groupe le plus puissant de l’Assemblée, le Rassemblement national (droite nationale-populiste). Il a 143 députés. Il présente son candidat qui n’a aucune chance d’être élu. Il boycottera sans doute le vote. Mais tout le monde l’a compris dans la France de 2024: le RN, premier parti de France, est le mieux placé pour profiter de l’impasse politique d’ici à la présidentielle de 2027.

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