Il soutient Macron, mais...
«Anticiper l'échec de Le Pen au pouvoir, c'est parier sur la météo»

L'ancien sénateur macroniste André Gattolin estime que le Rassemblement national reste en position de force avant le second tour de ce dimanche 7 juillet. Pourquoi? Parce qu'il exerce désormais une hégémonie culturelle
Publié: 05.07.2024 à 18:57 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

À quoi va ressembler la France politique après le second tour des législatives, ce dimanche 7 juillet? Blick a interrogé un parlementaire proche d’Emmanuel Macron. L’ancien sénateur André Gattolin connaît bien le président Français. Celui-ci est-il capable de dénouer la crise engendrée par sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale?

André Gattolin, vous connaissez par cœur la politique Française et ses coulisses. Une coalition majoritaire alternative au Rassemblement national le 7 juillet, capable de gouverner le pays, c’est possible?
C’est très peu probable en l’état du rapport de force à l’issue du premier tour. Si tant est que la dynamique en faveur du Rassemblement national puisse être enrayée en l’espace d’une semaine, on ne voit guère comment une majorité alternative terriblement hétéroclite pourrait se constituer. Avec quel Premier ministre à sa tête? Je ne crois pas à un chef du gouvernement technique capable de gérer politiquement une telle coalition, surtout avec Emmanuel Macron en figure tutélaire. On parle aussi d’une majorité de projets. Mais sur quels sujets? Ceux capables de réunir une majorité parlementaire se comptent sur les doigts d’une main. En dehors de la question de la fin de vie, je ne vois pas. Et s’ils existent, pourquoi ne pas avoir fait cela avec la majorité relative qui existait avant la dissolution?

Emmanuel Macron qui sort gagnant ce lundi, c’est imaginable?
Pour gagner, a minima, il ne faut pas perdre. Or, même si le Rassemblement national n’obtenait pas de majorité absolue dimanche prochain, le président ne pourra guère se targuer d’avoir gagné après une dissolution aussi rocambolesque. Le RN est de loin la première formation politique du pays. Il dispose de deux présidentiables très populaires au sein de l’opinion. Au sein du camp macroniste, chacun va avec plus ou moins rapidement retirer ses billes. Macron ne peut pas se représenter en 2027. Il n’est pas du tout dans la position de François Mitterrand en 1986 ou en 1993.

Marine Le Pen est la candidate du Rassemblement national à l'élection présidentielle de 2027
Photo: keystone-sda.ch
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La vague RN en France est inarrêtable?
Au cours des dernières années, le RN s’est organisé comme aucune autre formation politique ne l’a fait. Il a surmonté l’insurrection d’Eric Zemmour et de son parti «Reconquête» et, à sa manière, il impose aujourd’hui une forme d’hégémonie culturelle que ni la gauche ni le centre ne parviennent à contrer. On peut rêver à son échec à l’épreuve du pouvoir mais cela revient à s’en remettre davantage aux aléas météorologiques qu’à la raison pure. Le Rassemblement national vise avant tout l’élection présidentielle 2027. S’il doit gouverner, il ne prendra pas le risque de l’impopularité dans les trois années qui viennent. Il existe en revanche un vrai danger pour l’extrême droite: sa propension à l’autodestruction. On ne peut pas exclure le risque de voir apparaître une extrême-droite revancharde, avec une multiplication de groupuscules radicaux, antiparlementaires, partisans de l’action directe. Il faudra aussi surveiller la rivalité montante entre Jordan Bardella et Marine Le Pen. Aucun des deux ne semble vouloir jouer le rôle de figurant pour l’autre.

La cohabitation entre Macron et le RN ne serait-elle pas la solution la plus logique?
Aucune cohabitation n’est semblable à une autre. Celle qui, par le passé, ressemble le plus à celle qui pourrait advenir est la cohabitation Chirac-Jospin de 1997 à 2002 où la majorité parlementaire de gauche a pu engager de nombreuses réformes. Mais à la différence de la situation actuelle, Chirac avait en son temps reconnu son erreur de la dissolution et entériné son échec politique. Macron saura-t-il en faire autant? Comme président de cohabitation, Jacques Chirac avait tout intérêt à laisser son Premier ministre travailler, car il aspirait à se représenter en 2002. Macron n’est pas dans cette situation. Il rêve sans doute de mettre en scène sa sortie (il ne peut pas se présenter pour un troisième mandat) sur un mode un tant soit peu glorieux. C’est déjà aujourd’hui sa principale préoccupation. Y parviendra-t-il et à quel prix pour le pays ?

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