Démocratie directe à la Française
Les trottinettes parisiennes dans les urnes: sérieux, ce référendum?

Ce dimanche, une votation se tiendra à Paris! Elle concernera les trottinettes en libre-service. Presqu'une provocation, au moment où, dans le pays, de nombreux Français voudraient pouvoir voter sur la réforme controversée des retraites.
Publié: 31.03.2023 à 19:47 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Partisans du référendum en France, préparez vos bulletins! C’est parti, ce dimanche, pour une journée de votation à Paris. Mais attention: le sujet ne portera pas sur l’avenir du système des retraites, que 69% des Français aimeraient trancher dans les urnes, selon un récent sondage de l’institut CSA.

203 bureaux de vote ouverts

C’est sur l’avenir des 15 000 trottinettes électriques aujourd’hui en circulation dans leur ville que les Parisiens inscrits sur les listes électorales municipales pourront se prononcer. 203 bureaux de vote seront ouverts, pour l’essentiel dans les mairies des vingt arrondissements (contre 900 bureaux de vote pour un jour d’élection). La question? «Pour ou contre les trottinettes en libre-service?». Le nombre des votants potentiels? Deux millions. Le vote par procuration sera impossible.

Les résultats seront publiés dès dimanche soir. Sans garantie, toutefois, sur le caractère impératif du résultat. «L’avis émis par les Parisiennes et les Parisiens sera pris en compte, au même titre que d’autres considérations liées à la meilleure utilisation possible de l’espace public, dans la décision finale de la Maire de Paris», tranche le communiqué officiel de la mairie de la capitale. L’interdiction des trottinettes, ou le renouvellement des concessions actuelles des trois opérateurs (Dott, Lime et Tier) – qui vient d’expirer fin février – fera donc l’objet d’un débat ultérieur.

Plus de 400 accidents de la route ont impliqué des trottinettes à Paris en 2022. Une année noire qui attise le mécontentement des Parisiens.
Photo: DUKAS
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Sur le plan municipal, l’initiative référendaire sur les trottinettes a déjà suscité pas mal de quolibets. Après des semaines de débâcle sanitaire engendrée par la grève des éboueurs, et par la présence à Paris de monceaux de poubelles non ramassées, la question de ces engins en libre-service, présents dans la capitale française depuis 2018, est en effet passée à l’arrière-plan.

Autre grief: la décision tardive de soumettre les trottinettes aux urnes, prise en janvier dernier, a fait l’objet d’un affichage plus que discret et d’un calendrier plus que discutable, puisque c’est ce dimanche qu’a lieu, également, le Marathon de Paris! «Cette votation est en réalité une simple consultation, nuançait cette semaine sur La chaîne Parlementaire (LCP) la journaliste Carole Barjon. On est parti pour une participation faible et peu représentative de ce que pense la population parisienne. C’est un référendum démagogique.»

Les trottinettes parisiennes sur LCP

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La coïncidence ne manque en tout cas pas de piquant. Alors que la France gronde d’une soif référendaire, confirmée par toutes les enquêtes d’opinion et par le grand débat national de 2019, la question des trottinettes soumise au vote illustre moins la nécessité de l’interdiction, ou non, de ces véhicules électriques, que l’incapacité de la municipalité de Paris à en réguler l’usage.

Plus de 400 accidents de trottinettes ont eu lieu en 2022 dans la capitale, impliquant la plupart du temps des passagers non casqués. Les emplacements de parkings balisés pour celles-ci n’ont fait leur apparition que ces derniers mois. Le spectacle des trottinettes abandonnées, parfois au milieu de la chaussée, est quotidien.

Faire respecter les règles de base

«La maire de Paris aurait pu prendre elle-même les décisions qui s’imposent notamment pour faire respecter les règles de base et les interdictions. Or c’est un fiasco», poursuit Carole Barjon.

«En les soumettant à une taxe et en leur ménageant des espaces de stationnement dans le centre de la capitale, la Mairie de Paris n’encadre pas le libre-service. Au contraire, elle encourage son développement. Or, ce modèle est nuisible pour notre qualité de vie dans la ville» déplore Hugo Roels, initiateur d’une pétition anti-trottinettes sur le site Change.org.

En clair: le vote de dimanche ne sanctionnera pas un moyen de transport, mais un bazar que la municipalité s’est avérée incapable de réguler, y compris sur le plan de la vitesse. Supposés être bridés à 10 km/heure depuis novembre 2022, la plupart des engins dépassent allègrement ce cap.

Qu’en pensent les Parisiens? Selon un sondage de l’institut IPSOS diffusé en début d’année par la chaîne BFM TV, 70% se disaient favorables au maintien des trottinettes en libre accès. Chez les 18-34 ans, 82% ne souhaitent pas les voir disparaître; et 60% aimeraient une meilleure régulation.

Petite précision: cette enquête avait été commandée par les trois opérateurs de trottinettes, aujourd’hui suspendues aux décisions de la municipalité. Lesquels ont aussi abattu deux autres cartes: une campagne de promotion sur TikTok, et l’annonce dimanche, jour de votation, de l’accès et gratuit aux trottinettes! Pendant que les Parisiens voteront, les autres, et notamment les touristes qui affluent en ce début de printemps, pourront donc rouler encore plus librement. En toute anarchie.

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