Contesté en Afrique, impopulaire en France
#Macrondégage: autopsie d'une dangereuse haine présidentielle

Les réseaux sociaux en regorgent. Au Congo, où Emmanuel Macron termine ce week-end son voyage africain, les graffitis «Macron dégage» ont donné lieu à un hashtag similaire sur les réseaux sociaux. À l'approche d'un blocage annoncé de la France, le 7 mars.
Publié: 03.03.2023 à 18:01 heures
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

De plus en plus détesté dans une partie de l'Afrique et de la France! Le constat n'est pas exagéré. Il est à l'image de l'embrasement provoqué, sur les réseaux sociaux, par le hashtag #macrondégage, inspiré des graffitis visibles sur les murs des capitales africaines où Emmanuel Macron a choisi de se rendre pour un voyage qui s'achèvera ce week-end.

La convergence des colères

#Macrondégage n'est pas une insulte parmi d'autres, comme les présidents français en exercice doivent malheureusement en subir beaucoup trop souvent, triste preuve de la haine politique ambiante. Cette formule choc véhiculée sur Twitter témoigne aujourd'hui la convergence de deux colères que l'Élysée ne parvient plus guère à contrôler: celle attisée, dans l'ancien pré carré africain de la France, par tous ceux qui veulent voir Paris baisser pavillon dans ses anciennes colonies. Et celle qui, dans l'Hexagone, rassemble une partie de la population prête à bloquer le pays le 7 mars, prochaine journée d'action contre la réforme des retraites actuellement débattue au Sénat.

#Macrondégage est surtout la preuve qu'à quelques semaines du premier anniversaire de son second mandat présidentiel, le locataire de l'Élysée est la cible de colères de plus en plus difficiles à surmonter. En Afrique, où le chef de l'État français a pourtant promis d'abandonner les méthodes coloniales d'hier et la domination tricolore qui allait avec, le courant ne passe plus entre ce président de 45 ans et plusieurs de ses homologues locaux, bien plus âgés et souvent vissés à vie sur le fauteuil de leur pouvoir.

La première étape du voyage africain d'Emmanuel Macron était Libreville, au Gabon, pour y assister au One Forest Summit en compagnie de plusieurs présidents d'Afrique équatoriale.
Photo: DUKAS
1/5

Lors du sommet One Forest Summit qui vient de s'achever à Libreville, au Gabon, le contraste ne pouvait pas être plus grand entre le président français en bras de chemise, se filmant lui-même dans la forêt tropicale pour adresser un message aux défenseurs de l'environnement, souvent en butte avec les autorités, et le spectacle des dirigeants africains bien moins enthousiastes, au-delà des sourires protocolaires.

Emmanuel Macron défend la forêt tropicale, version selfie:

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Autre réalité-boomerang très suivie sur les réseaux sociaux: les remarques peu amènes des autorités marocaines qui ont répliqué, par médias interposés, aux propos d'Emmanuel Macron. Lequel s'était félicité, lundi 27 février, de conserver de bonnes relations avec Rabat malgré les difficultés ambiantes liées, entre autres, au dossier de l'immigration et aux relations entre la France et l'Algérie. «Nos relations ne sont ni bonnes, ni amicales», ont rétorqué les autorités marocaines. Ce qui a aussitôt entraîné, au Maroc, une recrudescence des tweets flanqués du mot-dièse #Macrondégage...

Impopularité record en France

Or, voilà qu'en France le hashtag de la colère prospère aussi. Il coïncide, il est vrai, avec une impopularité record de l'actuel président réélu le 24 avril 2022. Selon plusieurs instituts de sondage, seuls 30 à 32% des personnes interrogées lui font encore confiance. Une plongée liée à la bataille sociale en cours sur la réforme des retraites, qui fait penser à un autre moment d'impopularité pour le président: celui de la crise des «gilets jaunes» durant l'hiver 2018-2019. Avant, il faut le souligner, d'en sortir renforcé grâce à l'organisation consécutive du «Grand débat national».

Problème: cette nouvelle crise, à ce stade, n'a pas de solution en vue. Le gouvernement mise logiquement sur le débat parlementaire et sur le ralliement des députés de droite pour faire voter son texte in extremis. Les syndicats, qui promettent de bloquer le pays le 7 mars, puis de lancer d'autres appels à la grève générale, sont le dos au mur. Avec comme conséquence de voir, sur les réseaux sociaux, les insultes pleuvoir contre Emmanuel Macron, régulièrement qualifié par ses détracteurs les plus sectaires de «petit marquis», pour bien insister sur la prétendue différence de statut et de classe entre lui et le peuple. #Macrondégage est le baromètre de cette nouvelle effervescence révolutionnaire, dont la France a régulièrement le secret.

Quelles conséquences ?

Quelles conséquences pour le président, qui peut compter à l'Assemblée nationale sur une majorité relative et sur la solidité des institutions qui, en France, permettent à l'Exécutif de gouverner même si le Parlement se cabre? La journée d'action anti-réforme des retraites du mardi 7 mars pourrait se traduire par une nouvelle mobilisation record, avec 2 ou 3 millions de personnes dans les rues. Nul doute que les slogans #Macrondégage fleuriront alors dans les cortèges.

À l'image des fractures sociales souvent diagnostiquées en France, ce hashtag de la colère anti-Macron dit, surtout, la difficulté pour ce président, réélu confortablement avec 58% des voix, de mener à bien cette «transformation» qu'il a maintes fois promise. La radicalité l'emporte. Les formules incendiaires embrasent le paysage politique. La dangereuse haine présidentielle prospère. La «cible» Emmanuel Macron est verrouillée sans scrupules par une partie de ses opposants. En France comme en Afrique.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la