A nouveau un an de prison
Plus Sarkozy est condamné, plus il est redouté (et redoutable)

L'ancien président français écope d'une nouvelle peine de prison dans l'affaire Bygmalion de financement de sa campagne électorale de 2012. Et pourtant, son influence auprès d'Emmanuel Macron n'a jamais été aussi grande
Publié: 14.02.2024 à 20:34 heures
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Dernière mise à jour: 14.02.2024 à 21:17 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Demandez à Emmanuel Macron! Si l’on en croit les commentateurs français, l’actuel président de la République ne se soucie guère du bilan judiciaire de son prédécesseur nommé Nicolas Sarkozy. C’est en effet largement sur les conseils de ce dernier, d’après les médias, que le locataire de l’Élysée a constitué le gouvernement dirigé par le nouveau premier ministre Gabriel Attal, 34 ans. Rachida Dati, ministre de la Culture? Sarkozyste de choc. Catherine Vautrin, ministre de la Santé? Sarkozyste de longue date. La liste pourrait s’allonger.

De nouveau condamné ce mercredi 14 février en appel à un an de prison, dont six mois avec sursis, dans l’affaire Bygmalion portant sur le financement de sa campagne électorale perdue de 2012, Nicolas Sarkozy n’a pas perdu de son influence dans les cercles du pouvoir. L’enquête avait révélé qu’en réalité les dépenses dans le cadre de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2012 cumulaient à 43 millions d’euros, soit un dépassement du plafond légal de 16 millions d'euros. ce qui ne l'a pas empêché de perdre face à son adversaire socialiste François Hollande.

Pire: selon ceux qui le connaissent bien, et qui épient ses moindres faits et gestes politiques, l’ardeur de l’ex-chef de l’État à rester influent malgré ses condamnations judiciaires est décuplée. Le 17 mai 2023, l’ex-président avait déjà été condamné en appel dans une autre affaire. La peine? Trois ans de prison, dont un ferme, dans l’affaire dite des «écoutes» qui a vu les magistrats le reconnaître coupable d’avoir corrompu un magistrat pour le renseigner sur des affaires judiciaires le concernant.

Condamné en appel à un an de prison, dont six mois avec sursis, Nicolas Sarkozy s'est aussitôt pourvu en cassation
Photo: AFP
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Mais plus Sarko est condamné, plus il s’active. On le voit notamment sur le dossier de la reprise du groupe Hachette-Lagardère (médias, édition) par le milliardaire Vincent Bolloré. L’ex-locataire de l’Élysée, dit-on, se serait bien vu patron du premier pôle d’édition français, lui qui a publié «Le Temps des combats» en août 2023. On l’a vu ensuite parcourir la France des librairies, affichant au total près de 185'000 exemplaires vendus. Pas question de se cantonner au suivi de ses affaires judiciaires, malgré l’importance de la prochaine étape: le procès dans l’affaire dite des «fonds libyens » de sa campagne victorieuse de 2007, annoncé pour le début 2025.

Rester influent

Les arguments de Nicolas Sarkozy pour rester influent malgré ses boulets judiciaires sont connus. L’homme, aussi controversé soit-il, a conservé des fidèles comme Rachida Dati, ou l’eurodéputé sortant Brice Hortefeux. Il est aussi très proche d’Arnaud Lagardère, le patron sortant du groupe de médias et d’édition aujourd’hui dans les mains de Bolloré, avec lequel Sarko a des liens étroits.

L’ancien président compte aussi sur l’entregent de sa femme, l’ancienne modèle Carla Bruni, très présente dans les milieux culturels parisiens. On sait aussi qu’au sein du parti Les Républicains, qui lui doit son nom (il avait abandonné le sigle UMP en 2015, alors qu’il présidait de nouveau cette formation), ses fidèles sont nombreux. Beaucoup sont nostalgiques de sa ténacité et de sa capacité à tenir tête à l’extrême-droite, en lui empruntant ses thèmes. Une méthode reprise dans l’actuel gouvernement français, à propos de l’immigration, par un certain Gérald Darmanin.

Pas le choix

Nicolas Sarkozy n’a de toute façon pas le choix. Plus il reste actif, plus il se bat, plus il est consulté… et plus son bouclier politique s’épaissit. A chaque condamnation ou presque, l’ancien président est invité à se justifier sur les plateaux de télévision. Il conserve ainsi son empreinte sur l’opinion française.

Il démontre, ce faisant, qu’un casier judiciaire n’est pas synonyme de perte de pouvoir. Et il apparaît pour Emmanuel Macron, en mal de majorité absolue à l’Assemblée nationale, comme un moyen de faire quelques belles «prises de guerre» comme Rachida Dati. «S’il se terrait chez lui, seul face à la justice, Sarko ne serait plus Sarko juge un ancien parlementaire de droite français. Il se pourvoit en cassation sur le plan juridique. Mais sur le plan politique, sa meilleure défense est de dire aux Français: les juges m’attaquent et me condamnent parce qu’ils me détestent. Je suis donc un justiciable comme vous.»

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