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5 erreurs à éviter si vous voulez investir en bourse

Michel Girardin a plus de 30 ans d’expérience dans le monde de la finance. Depuis une décennie, il se concentre sur l’enseignement, à l’Université de Genève et en ligne, où il cumule plus d’un million d’étudiants. Il partage ses conseils avec Blick.
Publié: 08.11.2022 à 06:18 heures
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Dernière mise à jour: 08.11.2022 à 09:12 heures
Samuel Golly

Michel Girardin n’est pas un trader, mais un investisseur buy and hold: il investit dans la durée plutôt que d’acheter et revendre en permanence. Son premier investissement date d’avril 1987: après ses études d’économie à Londres et un doctorat à Lausanne, il entre à l’UBS Zurich et profite du rabais offert aux employés pour acheter plusieurs actions. Quelques mois plus tard, un krach boursier historique survient. «J’ai alors investi dans plusieurs titres, comme Roche ou Sandoz, qui seraient intéressants sur le long terme», explique l’économiste. C'était bien vu: pour Roche, le cours est passé d'environ 74 dollars au début des années 1990, à 330 dollars aujourd'hui. Pour Sandoz, l'action est passée d'approximativement 20 dollars en 1996 lorsqu’elle a fusionné avec Ciba-Geigy pour devenir Novartis, à 80 dollars aujourd'hui. Et dans les deux cas, le cours n'est jamais passé en dessous de son prix dans les années 1990.

Après l’UBS, Michel Girardin poursuit sa carrière à Genève, chez Rothschild, Lombard Odier et UBP, avant de se mettre à son compte et de se lancer dans l’enseignement. Depuis, il continue son activité de conseil pour des clients institutionnels (caisses de pension, sociétés de gestion…) avec son entreprise MacroGuide, tout en enseignant au Geneva Finance Research Institute et en ligne, sur Coursera. Il dispense également un cours online, «Maîtrise des marchés financiers», dans le cadre de la formation continue et à distance de l’Université de Genève: «En vingt séances, ce cours couvre l’essentiel de la finance de marché. Je le destine aux personnes intéressées qui n’auraient pas suivi un cursus universitaire.» Il peut mener à une certification, assortie de crédits universitaire, et coûte 2'900 francs (800 francs pour les étudiants et les chômeurs).

Voici, selon Michel Girardin, les cinq erreurs à éviter pour bien commencer à investir en bourse.

Le premier conseil donné par Michel Girardin est de bien connaître les actions lorsqu'on veut investir.
Photo: Shutterstock

1. Mal connaître ses actions

«On devrait toujours être capable d’expliquer ses choix à son entourage. C’est un bon moyen d’évaluation. Si on investit dans une cryptomonnaie uniquement à cause d’un conseil entendu en ligne, c’est assez faible comme justification.» Michel Girardin conseille de prendre le temps de s’informer sur le cours d’un titre et sur l’actualité économique en lien avec cet investissement. Il recommande les sites Yahoo Finance et Investing, «gratuits et offrant une bonne base». Par la suite, on pourra s’abonner à Bloomberg pour accéder à des analyses plus approfondies. «Dans le même temps, il ne faut pas trop hésiter, ajoute-t-il. Une fois bien renseigné, on doit lancer l’ordre. Il est toujours frustrant de laisser échapper une occasion.»

2. Trop se fier aux conseils en ligne

On croise de nombreux avis et conseils en ligne, comme sur Reddit et son fameux salon de discussion WallStreetBets. Avec plus de 12 millions d’usagers, il avait grandement participé à la hausse spectaculaire du cours de l’action GameStop en janvier 2021. «Souvent, les seuls indicateurs des conseillers sont l’évolution du prix, ce qui ne suffit pas, explique-t-il. Certains investisseurs en profitent aussi pour faire du front running: ils achètent un certain type d’actions et encouragent tout le monde à faire de même. Le cours grimpe et ils engendrent de grands grains.» Dans le cas de GameStop, le prix de l’action était passé de 5 dollars le 12 janvier 2021 à 90 dollars le 27 janvier, ce qui a pu représenter un gain colossal pour un front runner.

3. Se fixer sur le prix auquel on a acheté une action

«Pour gérer ses investissements, on pourra avoir besoin de centraliser des informations en une seule feuille de calcul. On y entre le nom du titre, la quantité détenue, la date de l’achat, le prix d’achat et le cours actualisé. Je conseille de supprimer le prix d’achat. Évaluer ses positions en faisant en permanence la différence entre le prix d’achat et le prix mis à jour engendre des biais de comportement. Si on réalise un gain, on sera tenté de le retirer pour le placer sur des actions plus sûres, mais peu performantes. Cela appauvrit le portefeuille. Lorsqu’on perd, comparer avec le prix d’achat pousse à ne pas vendre en se disant 'pas vendu, pas perdu'. Les personnes ayant investi dans l’UBS avant 2008 peuvent être dans cette situation. Au début des années 2000, son action valait environ 30 francs. Elle a grimpé jusqu’à un pic d’environ 70 francs en 2007, avant de s’effondrer. Depuis, elle n’est pas repassée au-dessus de 20 francs. Certaines personnes n’acceptent pas leurs pertes et attendent un rebond qui pourrait ne pas arriver. Il faut penser à la somme à disposition et aux perspectives de croissance. Investir en regardant dans le rétroviseur est une erreur.»

4. Baser son analyse uniquement sur le cours d’une action

«Si on ne regarde que l’évolution du prix d’un titre pour se décider à investir ou pas, on manquera beaucoup d’occasions. Meta, l’entreprise de Mark Zuckerberg, enregistre des pertes record de 9,4 milliards de dollars pour sa filiale métavers, et son action dégringole en bourse. Depuis janvier 2022, elle est passée d’environ 330 dollars à 95 dollars. Pour autant, est-ce une raison pour ne pas investir? Pour le savoir, il faut analyser d’autres indices que le prix, comme le Price-Earning Ratio (PER) qui divise le cours par le bénéfice net par action et qui est souvent disponible en ligne.» Si ce chiffre est en dessous de 10, alors, comme l’explique le site Investopedia.com, il est probable que le titre soit sous-évalué et puisse rebondir. «Le cours ne suffit pas, souligne Michel Girardin. L’histoire de l’entreprise, son actualité et d’autres indicateurs saisissent bien plus finement une situation.»

5. Se laisser influencer par la frénésie des marchés

«Les marchés naviguent toujours dans ces deux extrêmes psychologiques que sont la peur et la cupidité. Il faut en avoir conscience et y faire attention. Les crypto-évangélistes sont forts pour créer la frénésie. Début mars 2020, le bitcoin passe en dessous de 5000 francs. À la fin du mois, la Réserve fédérale américaine ouvre grand les vannes du Quantitative Easing, faisant doubler la masse monétaire afin de minimiser la récession due à la pandémie. Cela stimule les marchés et les cryptomonnaies. Le bitcoin est donc monté jusqu’à quasiment 60'000 francs en un an, mais avec le retour de l’inflation, le risque de chute du cours est très fort. Ces mécanismes rendent ces monnaies très volatiles et peu fiables sur le long terme. En règle générale, il ne faut absolument pas se laisser avoir par la promesse d’argent facile. Investir en bourse n’est pas une loterie.»

En collaboration avec Large Network

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